Yverdon Sport joue le match le plus important de sa saison, vendredi soir contre Lausanne (19h30). Leader de son championnat, le club nord vaudois sait qu'une victoire contre son rival cantonal à cinq journées de la fin lui permettrait de poser un premier crampon en Super League.
Pourtant, aussi incroyable que cela puisse paraître, YS a de la peine à remplir son vénérable stade de 5500 places. Jeudi matin, le club a annoncé que 2500 billets seulement avaient été vendus en prévision de la rencontre au sommet. «Dont 500 à des supporters lausannois», suspecte un fan yverdonnois, dégoûté par l'affluence misérable d'YS depuis le début de saison.
Les chiffres font mal: malgré un jeu attractif et des ambitions assumées, Yverdon attire en moyenne 1070 personnes par match. C'est la pire affluence de 2e division, si l'on excepte celle de Stade-Lausanne Ouchy (1051), dont les matchs à domicile sont délocalisés à La Pontaise.
Ce désintérêt est douloureux pour le président Mario Di Pietrantonio, un homme qui a investi énormément d'énergie, d'idées et d'argent dans le club depuis son arrivée en 2014. Quand 24 Heures lui fait remarquer que le public ne se presse toujours pas dans son stade, le dirigeant estime que «c'est plus que désolant» et ajoute qu'il ne voit «malheureusement aucune solution à ce qui est un fait».
Le président l'avoue: l'absence de fidèles «enlève pas mal de motivation à la longue. Je n’en veux à personne, mais c’est l’une des raisons pour lesquelles je n’ai plus envie de m’investir davantage.»
Comment expliquer que les gens ne viennent pas au stade Municipal? En réalité, le problème auquel est confronté M. Di Pietrantonio existe de longue date, mais il s'est accéléré ces dix dernières années. C'est ce qu'a constaté Tim Guillemin, rédacteur en chef du quotidien La Région et auteur du livre «Yverdon Sport FC».
Deux autres éléments, pour lesquels le club fondé en 1948 n'y est pour rien, ont impacté sa billetterie. Le premier, c'est sa position géographique: le chef-lieu nord-vaudois est situé entre Neuchâtel, Lausanne et Berne, soit trois villes historiques du football suisse.
La seconde raison permettant de comprendre la désertion des tribunes tient à l'histoire de la cité thermale. Yverdon a vu le départ de nombreux ouvriers dans les années 80-90. Or il s'agissait d'un public qui se déplaçait massivement au stade. Président historique d'YS entre 2000 et 2011, Paul-André Cornu prend la fermeture d'Hermes-Precisa International (1989) en exemple: «Pour la région, la dégringolade de HPI a été incroyable (réd: c'est à dire "terrible"). D'autres usines ont aussi fermé, mais bon... Le Nord vaudois est une région tellement délaissée que personne ne se serait inquiété si elle avait disparu.»
L'ex-dirigeant se souvient pourtant des glorieuses années soixante, «lorsque même la deuxième équipe jouait devant des spectateurs. Et en LNB, la première rassemblait régulièrement 2000 à 2500 fans. C'était le tarif.»
Un demi-siècle plus tard, la région a certes gagné des habitants, mais leur rapport avec leur environnement direct, lui, a beaucoup changé. «A l'époque, il y avait environ 18 000 habitants à Yverdon. Ils sont 30 000 aujourd'hui, fait remarquer Paul-André Cornu. Cela veut dire qu'il y a 12 000 personnes qui ne sont pas encore de "vrais" Yverdonnois, mais qui vont le devenir. Ce sont de nouveaux arrivants qui doivent s'intégrer. Cela prend du temps car, de nos jours, il est difficile de créer un tissu social de proximité. On le constate dans les villages alentours, qui ont tous gagné en population, ce qui n'empêche pas les chorales de disparaître les unes après les autres. Le football n'échappe pas à cette tendance.»
Yverdon est-il pour autant condamné à jouer devant des tribunes presque vides? Ce n'est pas dit. D'abord «parce que le club travaille très bien dans le secteur marketing et communication», souligne Tim Guillemin. Ensuite parce qu'un nouveau groupe de supporters a vu le jour en 2021: le Kop 14.
«Nous comptons entre 50 et 80 personnes. Notre but est de faire revenir le public au stade», nous explique un de ses membres, dégoûté par le peu d'intérêt suscité par son équipe:
Une promotion en fin de saison, avec parade des joueurs sur un bus à impériale dans les rues de la cité thermale, rappellerait à tout le monde qu'un club joue super bien au ballon et qu'il n'a pas de quoi être jaloux de Winterthour ou d'Aarau.