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«C'est de la merde!» Pourquoi la Nati ne fait pas comme Servette

«C'est de la merde!» Pourquoi la Nati ne fait pas comme Servette
Le Tessinois Patrick Foletti ne voulait pas d'une stratégie «à la Servette» pour régler le «problème» des gardiens de la Nati.Image: KEYSTONE

«C'est de la merde!» Pourquoi la Nati ne fait pas comme Servette

L'entraîneur des gardiens de la Nati, Patrick Foletti, s'exprime sur le passage de flambeau de Yann Sommer à Gregor Kobel et dézingue au passage la stratégie du Servette FC.
04.09.2024, 18:54
Christian Brägger
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Patrick Foletti, pourquoi Gregor Kobel est-il le nouveau gardien numéro 1 de l'équipe de Suisse?
C'est très simple. Il est actuellement le meilleur portier en Suisse.

Qu'est-ce qui le caractérise? Quelle est sa force?
Il joue depuis des années en Allemagne. Là-bas, un entraîneur me l'a un jour décrit en employant le terme «brutalité». Je n'avais jamais entendu cela pour un gardien de but. «Gregi» apporte cette brutalité sur le terrain. Il est très fort mentalement et incroyablement efficace. C'est probablement l'un des meilleurs au monde.

«S'il est si bon, c'est grâce à un ensemble de qualités»

Depuis quand est-il le meilleur gardien de Suisse?
Il a toujours été un bon gardien de but. Mais il en faut plus pour être numéro 1 en sélection. «Gregi» a toujours eu un impact sur ses équipes. Avec le temps, il a aussi eu un effet sur l'adversaire. «Merde, Kobel est dans les buts, ça va être difficile aujourd'hui», se disent inconsciemment les joueurs adverses. Il a également prouvé à Dortmund qu'il avait un effet sur le Signal Iduna Park. Je me souviens très bien de son premier match dans ce stade. Il avait mis l'arène dans sa poche en l'espace de 20 minutes, et ce, sans même faire un arrêt. Les supporters ont senti ce gardien. Le portier numéro 1 d'une équipe nationale doit avoir un autre effet. Il doit impacter un pays tout entier. Gregor a toutes les qualités pour y parvenir.

Kobel n'est pas aussi bon que Sommer avec ses pieds. Le jeu de la Suisse est-il en train de changer?
«Gregi» s'est amélioré sur ce point et le Borussia Dortmund joue un peu comme nous. Il nous apporte un bon jeu long. Nous pouvons donc changer le rythme de la partie: jouer direct devant ou construire par le bas.

«Cela ne changera pas tant que ça pour notre équipe»
Patrick Foletti
Patrick Foletti (50 ans), ex-portier de GC et Lucerne.Image: KEYSTONE

Gregor Kobel a longtemps été éclipsé par Yann Sommer. Comment s'est déroulée la communication avec lui? Lui a-t-on fait miroiter la place de gardien numéro 1 pour l'après-Euro?
On ne lui a rien promis. On ne peut pas se le permettre en tant qu'entraîneur. Ce serait une erreur. Ce sont les faits qui conduisent à des changements. Je suis «Gregi» depuis ses 11 ans et j'ai toujours été honnête et direct avec lui. Nous avons eu des milliers de conversations, chez lui, chez moi ou ailleurs. Le chemin vers la place de numéro 1 est un long processus et il a toujours su où il en était.

L'agent de Gregor Kobel, Philipp Degen, vous a critiqué publiquement à plusieurs reprises.
Cela fait partie du football. Chacun peut s'exprimer comme il le souhaite. Mon interlocuteur est Gregor. Nous communiquons ouvertement et de manière honnête. Ce qui compte, c'est que «Gregi» sache ce que je pense et que je sache ce qu'il pense. Le reste n'a guère d'importance.

Kobel a-t-il souffert d'avoir dû attendre si longtemps pour devenir gardien numéro 1?
Peut-être que oui, mais c'est à lui qu'il faut poser cette question. Il avait une vision et un objectif qu'il voulait absolument atteindre. Il pensait peut-être que le passage de témoin devait se faire plus rapidement. Il était important qu'il suive ce processus et qu'il comprenne que le bon moment, c'est maintenant.

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Notre nouveau gardien numéro 1: Gregor Kobel.image: Keystone

Formulons-le autrement. Vous et Sommer êtes très proches. Kobel en a-t-il souffert?
Je ne pense pas. C'est vrai que nous sommes proches Yann et moi. C'est normal – nous avons travaillé ensemble durant 14 ans. Mais je suis proche de tous mes gardiens. En fin de compte, c'est le portier lui-même qui décide à quel point il veut que je sois là pour lui. Je suis également proche de «Gregi». On ne s'en rend pas compte, mais notre relation a débuté il y a longtemps. Je crois que c'est nécessaire pour pouvoir se parler ouvertement.

Comment avez-vous réagi lorsque Yann Sommer a annoncé qu'il quittait la Nati?
C'était un mélange entre joie et nostalgie. J'étais heureux, car je suis convaincu qu'il est parti au bon moment. Ce n'est jamais facile. Plein de sportifs ont raté leur sortie. J'apprécie que l'idée soit venue de lui. Il a pris cette décision pour lui.

«Mais d'un autre côté, il y a aussi un peu de nostalgie, après toutes ces années»

Yann Sommer vous a rencontré avant de prendre officiellement sa retraite internationale. Quand a eu lieu cet entretien à Milan? Que s'est-il dit?
Il faut remonter plus loin en arrière. Ces discussions ont lieu depuis longtemps. Nous avons beaucoup échangé à Stuttgart au lendemain de la défaite contre l'Angleterre. Nous avons parlé de l'avenir. Je ne me suis pas exprimé. Je lui ai dit que c'était à lui de décider. «Pars en vacances, discute avec ta famille. Je viendrai à Milan dès que tu auras débuté ta préparation avec l'Inter»: voici ce que je lui ai dit. J'y suis allé le 2 août et nous avons discuté quelques heures dans un hôtel. Des échanges honnêtes et ouverts.

«Je savais en repartant que Yann allait arrêter»

Comment a-t-on dit à Sommer que sa place de numéro 1 n'était plus garantie?
Cela n'a pas été facile. On ne peut pas communiquer à un gardien de ce niveau là une décision instinctive. Il n'y a pas non plus de sympathie dans nos choix. Nous nous basons sur des faits. Nous faisons des analyses. Nous regardons des matchs du matin au soir. Il y a une évolution et c'est cela que j'ai essayé de mettre en évidence. Je me suis basé sur des faits, des performances, tout en me projetant sur l'avenir. C'est ainsi que je lui ai dit que nous ne pouvions plus lui assurer la place de numéro 1. Je le lui ai fait savoir lors de différents entretiens. Celui qui a été décisif a eu lieu à Milan.

Inter Milan's goalkeeper Yann Sommer holds the ball as he warms up prior to the start of the Champions League group D soccer match between SL Benfica and Inter Milano at the Luz stadium in Lisbon ...
Yann Sommer se concentre désormais sur sa carrière en club.Image: keystone

Un nouveau gardien numéro 1 implique pour vous une collaboration différente.
La communication a changé. La manière dont je me positionne, aussi. Yann avait besoin d'une incroyable proximité. «Gregi» le désire peut-être moins. C'est à moi de sentir quand il en a besoin. Je suis son serviteur et je dois tout faire pour qu'il arrête le plus de ballons possible. Mais je dois rester fidèle à moi-même, à mes valeurs, à mes méthodes et à ma philosophie. Je dois néanmoins m'adapter – tel un caméléon – afin que tout fonctionne.

Gregor Kobel a-t-il signifié qu'il arrêterait s'il ne devenait pas numéro 1 maintenant?
«Gregi» avait faim et a beaucoup travaillé pour en arriver là. Mais je n'ai jamais ressenti cela. Aucune menace. Rien. Ce n'est pas un sujet. Quand nous lui avons annoncé qu'il était désormais notre gardien numéro 1, j'aurais aimé prendre une photo.

«Il rayonnait. Il était fier et incroyablement heureux. Nous aussi»

On dit de Kobel qu'il est vulnérable physiquement. Les blessures ne l'ont pas épargné.
Il a beaucoup travaillé dans ce domaine. Il n'a manqué aucun entraînement durant l'Euro. Il a modifié sa routine et a adapté sa préparation, sa récupération. Il a accepté les conseils du milieu de l'athlétisme et a gagné en stabilité. Là aussi, c'est un processus. Je ne me fais pas de souci pour lui. Il connaît ses points faibles et les travaille quotidiennement.

Il a été question de le faire entrer en jeu à l'Euro pour la séance de tirs au but.
Ce n'était que des spéculations. Nous avions encore en mémoire les performances de Sommer face à Sergio Ramos, Jorginho et Mbappé. Nous en avons discuté durant le quart de finale. Cela apporte-t-il quelque chose? Nous ne le savons pas. Nous avons vu par le passé de terribles échecs avec cette stratégie.

Pourquoi n'y a-t-il pas – comme à Servette – du 50-50 entre deux gardiens?
Parce que c'est de la merde, pardonnez-moi l'expression! Ce n'est pas propice à la performance. Je défends une communication claire et des positions précises. Chacun doit connaître son rôle.

Yvon Mvogo a été relégué avec Lorient et n'a pas trouvé de nouveau club. Un problème pour la Nati?
Nous avons parlé ensemble la semaine dernière. Il joue désormais en Ligue 2, mais je voulais qu'il soit là. C'est un gardien de but de haut niveau et il n'est pas devenu subitement mauvais. Il a beaucoup d'expérience et peut aider «Gregi». Je ne me fais pas de souci pour Yvon. Il peut toujours y avoir un transfert, mais c'est clair que plus cette situation va durer et plus le défi sera grand pour lui. Il a sa place, mais son objectif doit être de jouer à nouveau au plus haut niveau.

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