Fred Scola est arrivé lundi en Nouvelle-Zélande, avec des habits chauds dans la valise et surtout une méga banane sur le visage. Commenter du foot féminin, il adore ça. «Mon intérêt remonte au Mondial 2015 et n'a jamais disparu depuis», retrace ce papa d'une footballeuse de 12 ans, qu'il a lui-même initiée à la discipline et dont il est aussi devenu l'entraîneur.
Cette Coupe du monde en Nouvelle-Zélande et en Australie sera forcément particulière pour Fred Scola puisqu'il a été choisi pour commenter les matchs de l'équipe de Suisse. Il risque ainsi d'être la première voix que vous entendrez au réveil vendredi matin, lorsque la Nati débutera son tournoi face aux Philippines (7h en Suisse). Ce ne sera pas forcément désagréable, car Fred Scola est très sympa, mais quand même: si c'est un homme (David Lemos) qui commente les garçons, pourquoi le même rôle pour les dames n'a-t-il pas été attribué à une femme? Interrogé, le journaliste ne dribble pas la question.
Le football féminin grandit vite mais il a encore du chemin à faire. Fred Scola le sait mieux que quiconque, lui qui doit souvent le défendre auprès de ses amis et connaissances.
«Il arrive encore que j'entende des moqueries sur le sujet, admet-il. Ce qui est terrible, c'est que la comparaison avec les hommes intervient tout de suite et je ne sais pas d'où ça vient. Le football est vraiment le seul sport dont les performances sont perpétuellement comparées entre les deux sexes. On ne se demande pas quel serait le niveau d'une basketteuse ou d'une handballeuse dans une équipe masculine, ni si Wendy Holdener régaterait avec Daniel Yule en slalom.»
Quand ça arrive, quand une remarque désobligeante fuse, Fred Scola rappelle que «la professionnalisation du foot chez les femmes est très récente». «Je peux mesurer tout le chemin parcouru en huit ans: lors du Mondial 2015, quand je préparais les matchs, il était compliqué de trouver des informations sur certaines joueuses. Aujourd'hui, elles sont toutes recensées et affiliées à des clubs sur lesquels on peut obtenir passablement de données.»
Fred Scola (45 ans) sera justement accompagné d'une ancienne footballeuse puisque Noémie Beney officiera comme consultante durant le tournoi. «Nous avons déjà commenté plusieurs matchs ensemble. On se connait et le duo fonctionne bien», se réjouit le journaliste.
Le challenge du binôme sera double: faire connaître les joueuses de la Nati féminine au grand public et susciter un début d'enthousiasme malgré le décalage horaire et, surtout, les résultats décevants (aucune victoire en six matchs) de l'équipe nationale depuis la prise de fonction d'Inka Grings en début d'année. «Il manque encore une buteuse à cette sélection, une fille capable de finir les actions, ainsi que de la stabilité en défense centrale», observe Fred Scola, qui ne veut surtout pas refroidir l'ambiance: «La Suisse a de bonnes chances d'atteindre les 8es car son groupe est abordable. Il faudra gagner contre les Philippines vendredi, essayer de prendre un point face à la Norvège le mardi suivant et tout se jouerait alors contre la Nouvelle-Zélande cinq jours plus tard.»
Ce tournoi, les téléspectateurs de la RTS vont donc le suivre avec un Français au micro, puisque Fred Scola a grandi à Marseille. Cela signifie que les deux commentateurs des équipes nationales masculines et féminines ont des origines étrangères (David Lemos est né de parents portugais), ce qui témoigne de toute la richesse d'une Suisse multiculturelle sur comme en-dehors des terrains. «Cela fait 20 ans que je travaille pour la RTS», rappelle Fred Scola, dont le coeur a eu le temps de devenir rouge: «On n'a pas besoin d'avoir la nationalité pour aimer un pays et soutenir son équipe nationale!»