Alex Frei a déjà pris de nombreuses bonnes décisions dans sa vie. En novembre 2019, par exemple, quand il a eu raison de refuser l'offre de Hanovre et de rester au FC Bâle. Les moins de 18 ans, donc, plutôt que la 2e Bundesliga. Autrement dit, une croix sur une jolie promotion. Mais malgré l'opportunité alléchante sur le papier, l'ex-attaquant star a senti le danger pour sa jeune carrière d'entraîneur de rejoindre une équipe dans le chaos.
Il a aussi eu raison, à l'époque, de ne pas attendre plus longtemps l'occasion d'être entraîneur en chef du FC Bâle et faire ses valises pour le petit FC Wil, en Challenge League. Une période où le club rhénan, dirigé par Bernhard Burgener, sombrait chaque jour de plus en plus.
C'était aussi une bonne idée de quitter Wil, même sans avoir un point de chute. Parce que Frei n'arrivait pas à ses fins en Suisse orientale et ne trouvait plus la motivation nécessaire.
Et finalement, le Bâlois a eu fin nez d'accepter la délicate mission promotion à Winterthour, qui n'avait plus joué dans l'élite depuis 37 ans et où les attentes étaient forcément très grandes. Quand Frei a débarqué à la Schützenwiese au début du second tour, les Zurichois occupaient la troisième place. La saison prochaine, ils joueront en Super League.
Mais Frei n'a pas toujours pris la bonne décision. En avril 2013, il change du jour au lendemain non seulement de club, mais aussi de poste. Le vieillissant attaquant du FC Bâle devient en un claquement de doigt directeur sportif inexpérimenté du FC Lucerne, avant même la fin de la saison.
Frei n'est pas préparé pour cette étape et doit abandonner au bout d'un an et demi, épuisé et désillusionné. Il est victime d'un burnout. Il connaissait le danger à Lucerne, mais l'a ignoré parce qu'il a pris sa décision sur un coup de tête. C'est aussi ça, Alex Frei. Emotif, impulsif, entêté.
Le Bâlois a toujours été un homme pressé. Un ambitieux jusqu'au bout des ongles. Sinon, il ne serait jamais devenu professionnel, et encore moins le meilleur buteur de l'équipe nationale suisse. C'est aussi la raison qui l'a parachuté à Lucerne: au FCB, il ressentait un manque d'estime, alors il a senti le besoin de prouver sa valeur à tout le monde.
Frei est donc de retour au Parc Saint-Jacques. Cette fois-ci, sur la grande scène. Entraîneur en chef. Mais comme lors de son passage à Lucerne, on a l'impression qu'il a pris une décision irrationnelle. Bien sûr, le FC Bâle est le club de son cœur. Il y a été junior, joueur vedette, entraîneur des juniors et coach presque pro. Pourtant, il aurait fait savoir, il y a quelques semaines, qu'il excluait une collaboration avec David Degen.
Ce dernier, ancien coéquipier de Frei au FCB et avec la Nati, est le président du conseil d'administration et co-propriétaire. En d'autres termes, l'homme fort du FC Bâle. Un type qui a la bougeotte, qui aujourd'hui souhaite virer le joueur X et qui demain lui propose un contrat de cinq ans. Un homme qui ne se laisse pas arrêter par la porte fermée du bureau de l'entraîneur et qui dicte en partie le onze de départ.
Frei n'accepte pas ce genre de choses. Il n'en a pas besoin non plus. Ne serait-ce que parce que, contrairement à ses prédécesseurs, il n'est pas financièrement dépendant de son poste. Et difficile d'imaginer Degen changer et prendre du recul. Autrement dit, on risque de ne pas s'ennuyer cette saison sur les bords du Rhin, où la collaboration entre les deux hommes pourraient faire des étincelles. Et ne pas faire long feu.
Pour les amoureux du FC Bâle, Frei est un excellent choix parce qu'il est un très bon entraîneur, qu'il s'identifie totalement avec le club et la région et qu'il rend les jeunes joueurs meilleurs. Mais une question reste en suspens: pourquoi a-t-il finalement décidé de s'infliger David Degen sur son dos? Mise-t-il sur un changement de boss rapide?
Au FCB, les caisses sont vides et Degen ne peut ou ne veut plus puiser dans sa fortune personnelle. Alors le jour viendra où le club aura besoin d'argent frais et où son omniprésent président perdra probablement de son influence.
Adaptation en français: Yoann Graber