Xherdan Shaqiri, que vous inspire ce déplacement au Kosovo?
Ce sera un match spécial pour moi, c'est évident, puisque je suis né au Kosovo (réd: il est arrivé en Suisse quand il avait un an). J'ai encore beaucoup de membres de ma famille là-bas. Mes parents ont chacun neuf frères et sœurs, vous pouvez donc imaginer combien de cousins et cousines viendront au stade samedi (rires). Je suis d'ailleurs très heureux qu'ils puissent me voir jouer, car beaucoup d'entre eux ne peuvent pas se déplacer facilement pour assister à mes matchs.
Qui les membres de votre famille vont-ils soutenir? Xherdan Shaqiri ou le Kosovo?
C'est une bonne question (rires). Je ne sais pas! Qu'ils profitent simplement du match, même si j'espère que la famille passera avant tout...
Les relations entre la Suisse et le Kosovo sont très cordiales. Vous attendez-vous tout de même à être sifflé?
Je m'attends à ce que l'accueil soit plutôt positif, mais on ne peut jamais plaire à tout le monde. Même si 95% des gens sont contents de nous, il y en aura aussi qui siffleront. Nous l'avons déjà vu lors du match à Zurich.
Ce Kosovo-Suisse est un match de qualification à l'Euro. Vous attendez-vous à plus de tensions que lors du match amical de mars 2022?
Oui, car l'enjeu est de taille, pour nous, mais aussi pour le Kosovo, qui a connu des débuts difficiles dans ces qualifications pour l'Euro et qui a désormais un nouvel entraîneur (réd: le Slovène Primoz Gliha). Dans tous les cas, je pense que nous allons assister à un match riche en émotions. Les supporters ont le sang chaud et entraîneront les joueurs avec eux.
Avant que le Kosovo ne devienne le 210e membre de la Fifa en 2016 et puisse disputer des matchs de qualification, la Fédération vous a contacté avec l'idée de vous nommer capitaine.
Je me souviens très bien de cette période. J'étais heureux que le Kosovo puisse enfin organiser des matchs et construire une équipe nationale. Et oui, je ne vais pas vous mentir, j'étais en discussion avec certaines personnes, mais tout a été assez vite clair. J'étais très satisfait de l'équipe nationale suisse et je le suis encore.
Vous êtes-vous déjà demandé comment votre vie et votre carrière se seraient déroulées si votre famille n'était pas venue en Suisse?
Oui, plusieurs fois même. Mais je ne suis jamais arrivé à une réponse définitive. Personne ne peut le savoir. Je suis né en 1991, avant la guerre. Nous avons quitté le pays quand j'avais un an. Si nous étions restés ... J'aurais probablement fui, au plus tard à l'âge de 8 ou 10 ans, mais où? Je ne sais pas.
Cela fait maintenant un an et demi que vous jouez en Major League Soccer en Amérique, à Chicago. Quel bilan faites-vous?
Je préférerais répondre à des questions sur l'équipe nationale, si cela vous convient.
Evidemment.
Si vous marquez un but samedi contre le Kosovo...
...je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour y parvenir. J'aborde cette rencontre de façon professionnelle, car je me donne à 100% à chaque match. Mais il est clair que si je marque, je n'exulterai pas, car j'ai du respect pour le pays dans lequel je suis né. Je laisserai mes coéquipiers exulter pour moi.
Vous avez disputé 114 matchs avec la Suisse. Le recordman Heinz Hermann en est à 118, Granit Xhaka à 115. Que signifient ces chiffres pour vous?
Les records sont une belle chose, mais ce n'est pas mon objectif premier. Je préférerais qu'on se souvienne de moi comme d'un joueur spécial. Ce serait bien que les gens m'associent plus tard à différents moments agréables qu'ils ont vécu, que ce soit lors de certains matchs ou de certains tournois.
Selon vous, comment votre popularité en Suisse a-t-elle évolué au fil des années?
Je n'ai jamais eu de mauvaise expérience avec le public. Chaque fois que je suis en Suisse, les gens viennent très gentiment vers moi et me font comprendre qu'ils m'apprécient, et cela même quand je suis à une station-service à 4 heures du matin! Des fans viennent me voir et veulent faire un selfie. Si on me reconnaît même sous l'influence de l'alcool, cela veut tout dire! (il rit aux éclats).
L'Euro 2024 pourrait-il être votre dernier tournoi avec la Suisse, ou songez-vous encore à la Coupe du monde 2026 aux Etats-Unis?
Je vis le moment présent. Je n'aime pas trop me projeter dans l'avenir. Nous jouons samedi au Kosovo pour essayer de nous qualifier pour l'Euro 2024. Je fais abstraction de tout le reste! Tant que je m'amuse et que je me sens bien, tout va bien.
La Suisse étant largement favorite de son groupe de qualifications à l'Euro, on attend d'elle qu'elle remporte tous ses matchs. L'équipe peut-elle malgré tout continuer à se développer?
Oui, je pense que c'est un bon test pour voir comment nous gérons la pression. Actuellement, lorsque nous faisons match nul, c'est comme une défaite. C'est aussi ce que nous avons ressenti lors du dernier match contre la Roumanie (2-2) et c'est très bien ainsi.
Cette interview a été réalisée avec un petit comité de confrères.