Le principal problème à Genève? Les deux grands clubs de football (Servette FC) et de hockey sur glace (Genève-Servette HC) sont en grande partie financés par les mêmes fonds: la Fondation 1890 et la Fondation Hans Wilsdorf.
Au bout du lac Léman, on chante des louanges pour Didier Fischer, qui a sauvé les deux clubs de la faillite (foot en 2015 et hockey en 2018), lesquels travaillent désormais très professionnellement. Mais il n'y a pas assez d'argent pour permettre à Genève-Servette de devenir champion.
Les chances de remporter le titre sont plus grandes au hockey qu'au foot. Mais les Aigles souffrent d'une infrastructure miteuse (la patinoire des Vernets a été inaugurée en 1958) et d'une politique municipale compliquée (avec une pincée de marxisme, de populisme et de calvinisme). L'affaire judiciaire avec Chris McSorley – ex-propriétaire, directeur sportif et entraîneur – n'arrange rien: le Canadien réclame une indemnité de départ de 7,652 millions de francs plus les frais d'avocat. Toutes ces circonstances extra-sportives n'inquiètent pas seulement le caissier de Genève-Servette, mais affaiblissent tout le club.
A Genève, c'est tout simplement compliqué de construire une équipe de top niveau. C'est, par exemple, grâce à un échange de joueurs que le directeur sportif, Marc Gautschi, avait fait venir Joël Vermin depuis Lausanne en été 2020. Il explique que c'est très compliqué de faire venir des hockeyeurs suisses – alémaniques, notamment – dans la cité de Calvin. En cause: les longs trajets pour rentrer à la maison voir la famille, les infrastructures misérables et des salaires plus bas qu'ailleurs. Tout ça est encore vrai aujourd'hui.
Du coup, Genève-Servette tente de compenser ce handicap avec des étrangers de top niveau: le défenseur Henrik Tömmernes fait partie des meilleurs d'Europe, Sami Vatanen est l'un des joueurs défensifs les plus doués offensivement et l'attaquant canadien Daniel Winnik est un rouleau compresseur. De leur côté, Teemu Hartikainen, Linus Omark et Valteri Filppula sont des attaquants de classe mondiale. En bref, les étrangers des Aigles sont magistraux, ils apprécient la qualité de vie dans notre pays, se soucient peu des infrastructures et aiment venir à Genève.
Reste une question: les Suisses du contingent seront-ils, eux aussi, fantastiques? Si oui, Genève-Servette peut remporter son premier titre. Si non, il y aura au moins un anniversaire à fêter au printemps prochain: les 50 ans – un demi-siècle! – du dernier sacre romand. Il appartient au HC La Chaux-de-Fonds, en... 1973. Et les Neuchâtelois risquent bien de garder cet honneur encore un moment.
Genève a finalement le même problème que Gottéron dans les années 1990 avec Slava Bykov et Andreï Khomoutov (à cette époque, seuls deux étrangers étaient autorisés): les étrangers font partie des meilleurs joueurs du monde, mais pas les Suisses, et surtout l'ex-gardien des Dragons, Dino Stecher. Au bout du Léman, les portiers sont, comme jadis sur les bords de la Sarine, le grand point d'interrogation.
Lors de la saison 2019/20, Gauthier Descloux et Robert Mayer ont formé, statistiquement, le meilleur duo de National League. Mais après une 4e place des Aigles lors de la saison régulière, l'examen final n'a pas eu lieu pour les deux portiers: les play-off ont été annulés en raison de la pandémie.
Chris McSorley, alors directeur sportif, se vantait: «Avec nos gardiens, il y a deux options. Certains soirs, ils sont formidables. Et les autres, phénoménaux». Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Après deux ans passés à Davos puis Langnau, Robert Mayer est considéré comme un gardien spectaculaire, mais pas le plus sûr. De son côté, Gauthier Descloux, trop chancelant, n'a depuis plus répondu aux attentes.
Quel Genève-Servette allons-nous voir cette saison? L'équipe qui s'est enfoncée dans la crise ou celle qui s'en est sortie de manière grandiose? Nous sommes, cette fois, optimistes: il n'y a jamais eu autant de talent offensif chez les étrangers aux Vernets et le départ de Joël Vermin à Berne devrait être compensé par Vincent Praplan et Alessio Bertaggia.
La base défensive a été stable la saison dernière malgré la fébrilité et la rotation des gardiens (six portiers différents ont été utilisés) et sera consolidée avec le retour de Robert Mayer. Autre motif d'espoir: c'est seulement à Genève que celui-ci a joué son meilleur hockey.
Adaptation en français: Yoann Graber