Qui suit le tennis occasionnellement, seulement lors des grands tournois, pourrait croire que les anciennes gloires Stan Wawrinka, Marin Cilic et Richard Gasquet ont définitivement rangé leurs raquettes.
Et pour cause: ces trois vétérans, qui ont tous été dans le top 10 mondial, n'arrivent plus à briller dans les événements du Grand Chelem. D'ailleurs, leurs classements respectifs ne leur permettent même plus de figurer dans les tableaux principaux des quatre Majeurs. Mais le Suisse (40 ans), le Croate (36 ans) et le Français (38 ans) sont toujours bel et bien là. Et c'est une excellente nouvelle pour le tennis!
Wawrinka a été héroïque mardi, au tournoi ATP 250 de Bucarest. Il y a remporté son premier match de l'année sur le circuit principal, après... 3h18 de jeu et en ayant été mené 3-0 puis 5-3 dans le troisième set, face au jeune Kazakh Timofey Skatov (24 ans). Score final: 6-4 6-7 7-6.
Mais plus encore que cette perf', c'est l'abnégation et l'humilité du Vaudois qui sont admirables. Pourtant vainqueur de trois titres du Grand Chelem, le Graal en tennis, il s'aligne désormais régulièrement sur des tournois Challenger, la deuxième division mondiale. C'était encore le cas la semaine dernière, à Naples, où il a été stoppé en quarts de finale.
Et autant dire que dans ces compétitions de seconde zone, on est très loin des conditions de Roland-Garros ou de l'US Open. Les matchs se jouent parfois devant quelques pelés, les hôtels sont de moins bonne qualité et les prize money nettement moins élevés (181 000 euros au Challenger de Naples contre 596 000 euros à l'ATP 250 de Bucarest).
Mais Stan Wawrinka ne joue de toute façon plus pour l'argent. Durant toute sa carrière, il a amassé 37 millions de dollars. Autrement dit: largement de quoi lui permettre de prendre sa retraite du jour au lendemain, s'il le souhaitait. L'ancien numéro 3 mondial ne rentre plus, non plus, sur un terrain pour la gloire. Ni pour retrouver un classement digne de son énorme talent (il n'est que 161e actuellement). Il n'a plus rien à prouver à personne, sauf à lui-même peut-être.
Non, si «Stan The Man» joue toujours au tennis à 40 piges, c'est parce qu'il a du plaisir à le faire, comme il le répète. Par pure passion et amour de ce sport. Peut-être aussi parce qu'il n'est pas (encore) capable de quitter ce job si particulier et ô combien addictif (à cause de l'adrénaline des matchs, notamment) – preuves en sont les nombreuses tentatives de come-back.
Au final, peu importe la raison de cet acharnement. Ce qui compte, c'est le message positif que Wawrinka envoie avec cette attitude, notamment aux jeunes joueurs (amateurs ou pros): le vainqueur de Roland-Garros 2025 est un exemple d'humilité, lui qui accepte de poursuivre sa carrière dans l'antichambre du tennis alors qu'il a été, à certains moments, le meilleur joueur du monde. Et ça n'a rien d'un entêtement pathétique.
Il nous rappelle aussi que l'épanouissement dans une activité ne dépend pas que d'un compte en banque. Et donc aussi que le sport a – heureusement – d'autres moteurs que l'argent.
En suivant cette même voie parallèle, loin des paillettes du «grand circuit» dont ils étaient il n'y a pas si longtemps recouverts, Marin Cilic et Richard Gasquet font, eux aussi, beaucoup de bien au tennis. Cilic, lauréat de l'US Open 2014 et ex-numéro 3 mondial, vient de remporter dimanche le Challenger de Gérone. Lui non plus n'avait aucun besoin financier de performer sur la terre battue catalane (il a empoché 32 millions de dollars sur toute sa carrière).
De son côté, Gasquet (ancien 7e mondial et triple demi-finaliste en Grand Chelem) a écumé les tournois de deuxième division l'année passée. De la Hongrie en Nouvelle-Calédonie, en passant par Bahreïn. A 38 ans et 21 millions de dollars sur son compte, il ne peut s'agir que de passion.
Contrairement à Wawrinka et Cilic, on sait où et quand «le petit Mozart du tennis» jouera sa dernière partition: à Roland-Garros, cette année (25 mai au 8 juin). Il bénéficiera d'une invitation pour faire ses adieux sur la grande scène.
Ce sera aussi le cas de Wawrinka et Cilic en temps voulu, qui recevront une wild-card de tel ou tel prestigieux tournoi, histoire qu'ils puissent ranger leur raquette dans un décor digne de leur carrière. D'ici là, ils continueront à prendre du plaisir sur les courts de Mouilleron le Captif, Szekesfehervar ou Noumea. Et ils ont bien raison.