Les chiffres sont préoccupants: lors d’un match de foot sur 100 en Suisse, un arbitre est insulté, menacé ou agressé, selon l’émission Rundschau de la SRF. Autrement dit, plusieurs fois par week-end, des officiels subissent d'importantes pressions, au point de devoir signaler un incident.
Ce signalements ne portent pas sur des détails insignifiants. Les arbitres sont en effet capables d'endurer beaucoup de choses. «Si on ne peut pas encaisser, on est probablement au mauvais endroit. Mais en même temps, on ne peut pas tout accepter non plus», explique Yannick Schwegler, arbitre régional.
En octobre dernier, un jeune arbitre soleurois a été violemment attaqué, ce qui a nécessité des soins hospitaliers. Suite à cet épisode, sa ligue a décidé d’expérimenter de nouvelles mesures afin de mieux protéger les garants du jeu.
Fin avril, des caméras corporelles ont donc été utilisées pour la première fois en Suisse, dans le canton de Soleure. Ces petits dispositifs, attachés à la poitrine de l’arbitre, peuvent être activés si nécessaire. Vingt appareils ont été fournis pour une période d'essai d'un an. Le Valais envisage également d’adopter cette technologie.
Mais cette idée ne fait pas l’unanimité dans le pays. Luigi Ponte, président de l'Association argovienne de football, affirme être «contre l’utilisation des caméras». Ancien officiel et ancien président de l’Association suisse des arbitres (ASA), il devrait pourtant être favorable à une meilleure protection.
«Je le suis», dit-il: «Mais les caméras ont l’effet inverse». Selon lui, certains joueurs se sentiraient provoqués par la simple présence du dispositif. «On le voit déjà: dès qu’un spectateur sort un téléphone, l’ambiance peut très vite changer», ajoute-t-il.
A l’annonce du projet, Ponte a dressé une liste des avantages et inconvénients des fameuses bodycams. «Le seul avantage, c’est la possibilité d’avoir des preuves», a-t-il constaté. Les arguments contre l’utilisation des caméras sont bien plus nombreux. Voici les principaux.
Ces avis ne sont donc pas partagés par l'Association soleuroise. «C’est une bonne chose. Il devient de plus en plus difficile d'arbitrer. Ces outils sont donc les bienvenus», a en outre déclaré Hamza Caliskan, l'un des arbitres ayant testé le dispositif, lorsqu'il a été suivi par l'émission Rundschau.
Les débats autour des caméras corporelles rappellent un peu l’introduction de la VAR. Cette technologie a aussi suscité des critiques. Luigi Ponte faisait partie des réfractaires. «Avec ces outils, on déresponsabilise un peu les arbitres. Ils se reposent sur une aide extérieure», assure l'ancien officiel.
Pour lui, la clé se trouve dans le contact humain et l’éducation. Il appelle les associations à intervenir directement auprès des clubs. «Nous devons aller vers eux et être présents lors des matchs. Il faut clairement expliquer nos attentes. Et si elles ne sont pas respectées, il faut des sanctions sévères. Sinon, les fédérations perdent toute crédibilité», explique Ponte.
«Il faut du dialogue et des clubs prêts à changer», conclut-il. «Une caméra ne peut pas faire ça.»