Deux jours avant son voyage au Népal, ce jeudi 10 avril, Karl Egloff apparaît très tranquille. Ce Suisso-Equatorien mince et souriant a pourtant un projet fou en tête: il veut gravir les plus hautes montagnes de tous les continents, les «Seven Summits», en un temps record. Il détient déjà des records de vitesse sur le Kilimandjaro en Afrique, sur l'Aconcagua en Amérique du Sud, sur le Denali en Amérique du Nord et sur l'Elbrouz en Europe. Il va désormais s'attaquer au sommet le plus mythique de la planète.
Autrefois, quand Egloff n'avait pas encore l'âge de crapahuter sur le dos des montagnes, il y avait une photo de l'Everest dans le salon de son père. A l'âge de 5 ans déjà, il était certain qu'il finirait par gravir cette montagne, de préférence le plus vite possible.
Maintenant qu'il en a 44, il n'a jamais été aussi près de son rêve. Il va tenter son record en partant de la face sud de l'Everest. Mais, chose atypique pour un alpiniste, il a cette fois un concurrent direct en la personne de l'Américain Tyler Andrews. Les deux athlètes font leur ascension sous forme de course, en partant indépendamment l'un de l'autre.
L'ensemble du projet est accompagné de nombreuses caméras, le service de streaming Netflix mettant en scène le duel entre les deux sportifs de l'extrême sur la plus haute montagne du monde (8848m). «Cette situation est extrêmement inhabituelle pour moi», admet Egloff.
Sur les autres montagnes, le natif de Quito apprécie quand il croise des alpinistes lors de son ascension, car la sécurité est plus grande lorsqu'on n'est pas seul en pleine nature. Mais sur l'Everest, c'est différent. Egloff doit planifier son itinéraire de manière à ne pas croiser trop de monde, pour ne pas devoir faire la queue aux endroits habituellement très fréquentés et perdre ainsi un temps précieux. Rester trop longtemps inactif sans oxygène l'expose à des gelures.
Or pour l'alpiniste de l'extrême, utiliser un apport d'oxygène dans son ascension s'apparenterait à du dopage. Seul son partenaire Nicolas Miranda, qui l'accompagnera dans son projet, grimpera avec une réserve d'oxygène dans le cas où il devrait lui venir en aide.
L'histoire de vie de Karl Egloff est particulière. Il est né en Équateur d'une mère équatorienne et d'un guide de montagne du Toggenburg. L'amour de la montagne lui a donc été transmis dès le berceau. Ce n'est qu'à la suite de circonstances tragiques qu'il s'est installé en Suisse.
Sa mère est décédée lorsqu'il avait 16 ans et son père l'a placé avec ses deux sœurs aînées dans une colocation à Zurich. A cette époque, Egloff jouait au football au FC Zurich-Affoltern. Il a fait quelques essais au FCZ et à GC mais ne réussissant pas à percer comme professionnel, il s'est tourné vers un apprentissage de commerce, avant de rentrer plus tard en Equateur.
Ce n'est qu'à la suite d'un autre événement tragique que l'alpiniste, devenu adulte, a décidé de revenir en Suisse. A Noël 2022, alors qu'il passait quelques jours de vacances avec sa femme et ses deux enfants sur la côte pacifique de l'Equateur, des bandits ont attaqué leur village de vacances et pointé un fusil sur la tête d'Egloff en exigeant ses effets personnels. Des coups de feu ont été tirés, et même si la famille est sortie indemne, elle a été traumatisée. «Nous ne nous sentions plus en sécurité en Équateur», explique Egloff, désormais installé dans le canton de Zurich avec les siens.
C'est donc depuis la Suisse que cet ancien pro de VTT en Equateur poursuit son rêve de gravir les fameux «Seven Summits». Il a d'ailleurs pour sponsor le club de football du FC Zurich. Son président Ancillo Canepa lui a même remis un fanion du club sur lequel est inscrit «On Top of Mount Everest», qu'Egloff emportera avec lui au sommet.
Grâce à ses sponsors et à la production qui le suivra dans son aventure, Karl Egloff a mis toutes les chances de son côté pour pouvoir se lancer à l'assaut de l'Everest, une aventure risquée pour laquelle il s'est entraîné dur. «Je suis plus en forme que jamais», assure-t-il.
Il prendra l'avion pour le Népal jeudi, où il s'entraînera au Mera Peak. Ce n'est que fin mai, lorsque la plupart des expéditions touristiques seront terminées sur l'Everest, qu'il s'élancera pour sa tentative de record. Il rêve d'obtenir la meilleure marque en battant Andrews, bien sûr, mais ce qui est encore plus important pour lui, c'est de revenir sain et sauf.