Cette pratique inévitable chez les para-nageurs fait polémique
Les Championnats du monde de para-natation se terminent ce samedi à Singapour. Au-delà du courage et du talent des participants, un détail a frappé certains observateurs: les nageurs sans bras se cognent la tête contre la paroi au bout de la piscine. Lors des virages, et aussi en fin de course où il s'agit de toucher le plus rapidement possible – avec n'importe quelle partie du corps – le mur pour arrêter le chrono. Or, pour ces athlètes, c'est avec la tête que c'est le plus rapide.
La pratique dérange particulièrement un journaliste du Tages-Anzeiger, Otis Schaffeld. Il a publié un commentaire ce vendredi dans le média zurichois, pour fustiger la fédération internationale de para-natation (World Para Swimming) qui «continue ainsi de tolérer que les sportifs soient incités à risquer de graves blessures».
Dégâts physiques et cérébraux
Otis Schaffeld met en avant les risques de traumatisme crânien, de blessures à la tête ainsi qu'à la colonne vertébrale. Il en veut pour preuves les violents chocs, à vitesse élevée, des para-nageurs qui foncent tête la première dans le mur pour toucher celui-ci. Le journaliste du Tages-Anzeiger prend l'exemple d'une vidéo Instagram de la fédération internationale, qui montre le Chinois Guo Jincheng heurter ainsi le bord de la piscine, cette semaine à Singapour.
La vidéo en question (au ralenti)
Pour appuyer ses propos, Otis Schaffeld mentionne une étude de l'Ecole supérieure du sport de Cologne, en 2024, qui a démontré les dangers de cette pratique. Les chercheurs ont demandé au para-nageur allemand Josia Topf (dont les bras ne se sont pas développés) de terminer quatre traversées en se cognant à chaque fois la tête. Résultats? Tout de suite après l'expérience, Topf «obtenait de moins bons résultats aux tests de mémoire, cherchait ses mots et parlait de manière pâteuse», relate Schaffeld.
Avant les Jeux paralympiques de Paris l'année dernière, Le Monde mentionnait également cette expérience dans un article, et soulignait que le temps de réaction de Josia Topf après les impacts était plus long. Des risques physiologiques, mais aussi cérébraux donc.
Inflexibilité de la fédération
Tout en précisant que «déjà avant les Jeux paralympiques de Paris 2024, des voix réclamaient une modification du règlement», Otis Schaffeld critique l'inaction de la fédération internationale.
Il lui reproche son inflexibilité par rapport au règlement: ne pas vouloir mettre de la mousse sur les parois pour amortir les chocs, sous prétexte que cela contrarierait les normes officielles concernant la longueur du bassin. Ou encore le fait que World Para Swimming n'incite pas les para-nageurs à rembourrer leurs bonnets.
«Une fois encore, les nageurs (sans bras) ont dû choisir entre la gloire et leur santé. Il devrait être du devoir des responsables de les libérer de ce dilemme», peste le journaliste du Tages-Anzeiger.
Et il ne manque pas de décrire comment Josia Topf a été sacré en 50 m nage libre cette semaine: «Il a frappé la paroi, levé les yeux vers l’écran – et il était champion du monde».