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Simon Ammann: «Je voulais prendre ma retraite en 2011»

Simon Ammann: «Je voulais prendre ma retraite en 2011»
Le sauteur Simon Ammann se prépare pour sa 29e saison de Coupe du monde.image: Claudio Thoma

Simon Ammann: «Je voulais prendre ma retraite en 2011»

A 44 ans, le sauteur suisse, quadruple champion olympique, vise ses huitièmes Jeux olympiques cet hiver. Il revient sur sa longue carrière, évoque sa vie de famille et les discussions autour de sa retraite. Interview.
18.11.2025, 18:4618.11.2025, 18:46
Rainer Sommerhalder

Simon Ammann, qu’est-ce qui distingue le sportif que vous êtes aujourd’hui de celui que vous étiez il y a 20 ans?
Quand on est jeune, on joue sans pression. L’athlète plus âgé profite de son expérience, mais il est utile de se rappeler l’état d’esprit du jeune sportif: qui l’on était et comment on relevait les défis. C’est souvent très enrichissant.

Qu’est-ce qui vous paraît plus facile qu’avant?
J’ai appris à rebondir beaucoup plus vite après un revers, à m’adapter à de nouvelles situations et à ne pas rester bloqué sur un problème en le ruminant. Vous savez, on peut faire beaucoup de choses correctement et ne pas gagner pour autant. J’ai donc compris qu’il fallait parfois laisser passer la journée pour évaluer les choses. Ma forme varie aussi par vagues: je préfère tout donner quand je suis à plein régime et lever un peu le pied quand c’est plus difficile. Cette prise de conscience m’a permis de devenir plus serein.

Pensez-vous encore régulièrement à vos quatre titres olympiques? Vous remémorez-vous ces images?
Rarement.

Simon Ammann célèbre avec exubérance ses titres olympiques à Salt Lake City.
Simon Ammann célèbre avec exubérance ses titres olympiques à Salt Lake City.image: ALESSANDRO DELLA VALLE

C’est pourtant quelque chose qui reste pour la vie.
C’est vrai. Et je suis heureux de pouvoir regarder en arrière plutôt que de devoir constamment courir vers l’avenir. Mais cela fait déjà plusieurs années que je dis cela (Rires).

A quelle fréquence rêvez-vous de saut à ski?
En fait, jamais. Une seule fois, j’ai rêvé que j’arrivais en retard au départ, et ce rêve ne m’a pas du tout plu.

Au cours de votre longue carrière, vous avez affronté de nombreux revers, qu’il s’agisse de chutes graves ou d’échecs sportifs. Qu’en retenez-vous pour la vie?
Qu'il faut savoir persévérer dans une tâche et s’imposer. Cela m’est récemment revenu à l’esprit en préparant mon discours pour les adieux du président Urs Lehmann à Swiss-Ski. Il lui a fallu beaucoup de temps pour atteindre son objectif et faire de la Suisse la meilleure nation en ski. Il a dû innover, défendre ses idées, faire preuve de créativité.

«C’est pour moi une immense source d’inspiration»

Depuis des années, vous poursuivez plusieurs objectifs, que ce soit en tant que sportif, entrepreneur ou étudiant. Ne serait-il pas plus simple de se concentrer sur une seule activité?
Non, ce ne serait pas plus simple. Il est toujours utile d’avoir plusieurs cordes à son arc. Je pense que si le saut à ski s’était mieux déroulé, une telle diversification n’aurait peut-être pas été nécessaire. Mais je suis convaincu qu’il est possible de gérer plusieurs activités exigeantes en même temps. Il faut simplement accepter que tout ne se passe pas parfaitement dans tous les domaines et trouver des solutions. Parfois, réduire ses activités est la bonne réponse, mais ce n’est pas toujours le cas.

Cela ne génère-t-il pas de stress?
Quand on étudie à l’Université de Saint-Gall en essayant de tout concilier, on dépasse forcément un peu les limites. Avec du recul, je ne le recommanderais peut-être pas. Mais c’est le chemin que j’ai choisi. C’est aussi ma manière de faire: lâcher prise, tenter des choses et voir comment tout cela se passe.

Simon Ammann, 16 ans, se prépare pour son premier départ en Coupe du monde.
Simon Ammann, 16 ans, se prépare pour son premier départ en Coupe du monde.image: ARNO BALZARINI

En quoi votre jeunesse passée dans une ferme avec vos quatre frères et sœurs vous a-t-elle marqué?
La persévérance et la ténacité de mes parents m’ont profondément influencé. Je n’en ai pris conscience que lorsque nous nous sommes réinstallés dans le Toggenburg avec ma famille. C’est là que j’ai compris que cette énergie ne venait pas de nulle part.

Que voulez-vous dire? Le Toggenburg est-il un lieu qui vous apporte de l’énergie?
Non, non. Mais les gens y sont habitués à travailler dur et sont très dynamiques. Je suis heureux d’avoir pu intégrer cela dans mon propre parcours de vie.

Votre origine influence-t-elle encore vos décisions aujourd’hui?
C’est une question extrêmement difficile. De nombreuses raisons influencent la manière dont on prend une décision. Je réfléchis toujours avec soin avant de trancher, mais cela n’a que peu à voir avec mes origines. Je trouve simplement qu’il est préférable d’être satisfait de ses choix sur le long terme.

Vous êtes maintenant père de trois enfants. Dans quelle mesure votre métier hors du commun les inspire-t-il?
Pour eux, c’est tout à fait normal que je sois sportif et que je m’absente longtemps de la maison. Cela fait partie du quotidien de la famille.

Votre famille a-t-elle peur lorsque vous prenez votre envol sur la plateforme?
Non, je ne pense pas.

Simon Ammann a subi plusieurs chutes durant sa carrière.
Simon Ammann a subi plusieurs chutes durant sa carrière.image: DANIEL KARMANN

Quels principes souhaitez-vous transmettre à vos enfants?
Ce qui m’importe surtout, c’est de maintenir une bonne routine avec eux, que leur rythme soit à peu près régulier et qu’ils ne se surmènent pas. Le plus jeune est maintenant à la maternelle, les deux autres vont à l’école, et je constate à quel point ils doivent apprendre. Mon objectif est qu’ils ne dépassent pas leurs limites, et les routines y contribuent beaucoup. Pour ma part, j’ai grandi sans télévision et je trouve cela dommage. Nous laissons nos enfants consommer des médias, mais toujours dans un cadre sain.

Etes-vous un père strict?
Cela me fait penser aux routines. Un enfant n’a pas vraiment de notion du temps, et vous pouvez imaginer que, lorsqu’on insiste sur le respect de l’emploi du temps, on se heurte parfois à une certaine résistance (Rires).

Tel que nous vous connaissons en tant que sauteur à ski, on imagine que vous êtes aussi un père très cohérent dans votre éducation, non?
Ce qui compte pour moi, c’est que mes enfants développent une vraie conscience dans ce qu’ils font. Avec toutes les distractions actuelles, j’aimerais qu’ils puissent être pleinement satisfaits de l’activité qu’ils sont en train de réaliser, sans se laisser happer par tout le reste. Moi-même, j’ai beaucoup bénéficié du fait d’essayer très tôt de faire les choses de manière réfléchie. Je ne connais pas encore très bien les talents de mes enfants, et c’est passionnant de voir comment leurs intérêts se forment et évoluent.

«Apprendre à faire les choses de façon consciente est, selon moi, un atout précieux dans bien des aspects de la vie»

On dit souvent que la discipline que l’on pratique influence sa manière de penser. Comment cela se manifeste-t-il chez vous?
Des qualités comme savoir lâcher prise, oser et se relever après chaque chute resteront ancrées en moi. Et puis il y a cette règle d’or de notre discipline: faire chaque geste avec une précision millimétrée. Cette rigueur-là, je pense qu’elle me suivra pour le reste de ma vie (Rires).

Quelque part dans l’espace, un astéroïde porte votre nom. Comment cela est-il arrivé?
Vraiment? Je n’en avais aucune idée. C’est un poisson d’avril en retard?

Simon Ammann et sa femme Yana.
Simon Ammann et sa femme Yana.image: WALTER BIERI

Non, c’est écrit sur votre page Wikipédia!
Alors il faudra que je la lise un jour.

En février auront lieu les Jeux olympiques d’hiver de Milan-Cortina. Vous pourriez y participer pour la huitième fois, ce qui constituerait un record en Suisse. Que représente ce chiffre?
Rien.​

Difficile de vous croire!
Pourquoi donc?

Parce que c’est un cap historique.
Oui, mais on ne va pas aux Jeux olympiques sans objectifs sportifs. Si l’on se contente de participer, on est au mauvais endroit. Les critères de sélection imposent de pouvoir performer. C’est ainsi que je me suis présenté à mes sept précédents Jeux d’hiver: toujours avec l’ambition de donner le meilleur de moi-même.

J’ai demandé à cinq personnes quelle question je devais absolument vous poser. Devinez ce qu’elles ont toutes répondu.
Je ne sais pas… Peut-être pourquoi je ne saute pas avec une combinaison plus grande?

Simon Ammann flirtant avec Shakira lors d'une émission de télévision.
Simon Ammann flirtant avec Shakira lors d'une émission de télévision.image: JOCHEN LUEBKE

Non! Quand allez-vous prendre votre retraite?
Ah, et j'imagine qu'elles ne savaient pas quoi répondre, n’est-ce pas?

C’est pour cela que je vous le demande!
Est-ce si passionnant de le savoir? Qu’est-ce que cela apporte à ces gens?

Il semble que les fans de saut à ski s’y intéressent. Et entre nous: cela fait des années que ce sujet revient. Quand avez-vous envisagé pour la première fois de prendre votre retraite?
Il y a déjà longtemps. A un moment, je m’étais dit que je pourrais arrêter après les Mondiaux 2011 à Oslo. Mais ensuite, Andreas Küttel a pris sa retraite, et moi, je sentais que j’avais encore trop de capacités pour m’arrêter.

L’intensité de vos réflexions a-t-elle augmenté avec le temps?
On me pose simplement de plus en plus souvent la question.

Mais aujourd’hui, consacrez-vous davantage de temps à la réflexion?
Non, de moins en moins.

Simon Ammann et son nouvel entraîneur, le Slovène Bine Norcic, qu’il encense.
Simon Ammann et son nouvel entraîneur, le Slovène Bine Norcic, qu’il encense.image: Claudio Thoma

C’est une réponse intéressante.
Oui, mais vous savez, ce chemin, je suis le seul à pouvoir le parcourir. Tant que je me sens capable de continuer, je le fais. Je sais que le sujet fait débat, mais ce ne sont que des discussions extérieures.

Alors, je vous le demande: pourquoi êtes-vous toujours sauteur à ski à 44 ans? La version courte, s’il vous plaît.
Parce que je le peux encore.

Avez-vous peur de ce qui viendra après?
Non, pas vraiment. J’ai toujours abordé cette question de différentes manières. Au début, j’ai essayé de me créer plusieurs activités en dehors du saut à ski. Puis j’ai parfois compris que cette stratégie n’était peut-être pas la meilleure. Mais la question de l’après-carrière ne laisse aucun athlète indifférent. Tout le monde ne peut pas, après sa retraite, créer une marque de chaussures ou être célébré lors d’événements (Rires), ce que je trouve parfaitement normal. Beaucoup doivent donc se bâtir un métier, ce qui représente un vrai défi. C’est pourquoi j’ai fait des études, pour me donner les meilleures bases possibles.

«Je n’ai pas à me cacher»

Quels sont vos rêves dans la vie?
J’ai un rêve, mais il n’est pas encore mûr. Il n’a rien à voir avec le sport, mais concerne ce que je veux faire dans le futur. Je suis curieux de voir à quel point je pourrai m’en rapprocher.

Après avoir interrogé cinq personnes au hasard, je vous pose la question directement: quelle question aimeriez-vous qu’on vous pose?
(Rires) Je suis content lorsqu’il n’y a plus trop de questions à répondre. Je trouve souvent difficile de donner une bonne réponse, surtout sur des sujets où les gens ont déjà une opinion. Je ne peux pas toujours m’exprimer clairement non plus. Je suis également heureux de ne plus avoir à expliquer autant de choses que d’autres ont du mal à comprendre. C’est comme ça dans mon sport. Je ne sais pas si ma réponse vous satisfait (Rires).

Oui, parfaitement. D'ailleurs, j'ai compris chacune de vos réponses!
C’est vrai, mais nous n’avons pas parlé de saut à ski (Rires).

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