Personne ne s'est risqué à des lamentations obscènes sur sa rémunération ou son plateau-repas. Assez sagement, ils ont déclaré forfait pour des raisons familiales (Djokovic), personnelles (Kyrgios) et médicales (Nadal, Federer, Williams). Ou parfois sans raison (Thiem).
Ils ne seront pas à Miami...
— Jeu, Set et Maths (@JeuSetMaths) March 21, 2021
🇷🇸 Djokovic
🇪🇸 Nadal
🇦🇹 Thiem
🇨🇭 Federer
🇮🇹 Berrettini
🇫🇷 Monfils
🇪🇸 Carreno Busta
🇨🇭 Wawrinka
🇭🇷 Coric
🇳🇴 Ruud
🇷🇸 Krajinovic
🇦🇺 Millman
🇪🇸 Ramos
🇦🇷 Pella
🇫🇷 Gasquet
🇦🇺 Kyrgios
🇪🇸 Davidovich
🇪🇸 Andujar
🇬🇧 Edmund
🇫🇷 Tsonga
🇫🇷 Simon
🇺🇾 Cuevas
🏳️etc. pic.twitter.com/bornmYmib4
La réalité est bien plus subtile, comme nous le glisse un agent et organisateur de tournoi:
A Miami, les vainqueurs homme et femme recevront chacun 300 000 dollars, dont 39% seront prélevés à la source. Il y a deux ans, Roger Federer était reparti avec un chèque de 1,35 million de dollars (avant impôts).
Quelques autres exemples récents:
Elina Svitolina, 20 millions de gains en carrière, a reconnu les faits avec une sincérité confondante:
Chez les hommes, la vérité est sortie de la bouche d'un gredin de 21 ans, Denis Shapovalov, symbole d'une génération qui manifeste un rapport décomplexé à l'argent:
Denis Shapovalov enjoint l'ATP «à trouver rapidement une solution». Mais à moins de résoudre à elle seule la question du péril sanitaire mondial, l'institution faîtière ne pourra rien y changer: sans public, les tournois perdent 45% de leurs revenus (billetterie, hospitalité, produits dérivés), auxquels il faut ajouter une ristourne aux sponsors et aux télévisions.
Shapovalov est bien présent à Miami mais il l'avoue encore: le but du jeu est moins d'honorer une réputation flatteuse que des engagements contractuels. «Sans la pression de mes sponsors, je ne jouerai plus. Et j’ai l’impression que de nombreux gars feraient pareil», a-t-il cafeté.
Une certaine classe prolétarienne a encore remarqué qu'elle ne gagnait rien à travailler plus. Présenté comme une aide d'urgence, le nouveau classement ATP (attribution des points sur une période plus étirée) favorise les rentes de situation.
En juillet 2020, face aux risques d'annulation et de fermeture des frontières, l'ATP a instauré un mode de calcul basé sur 22 mois au lieu de 52 semaines. Ce système (a priori équitable) présente l'inconvénient de récompenser grassement les activités de la période pré-Covid, en particulier les dominations du deuxième trimestre 2019.
⬅️ A gauche, le classement officiel ATP.
— Jeu, Set et Maths (@JeuSetMaths) March 10, 2021
➡️ A droite, le classement uniquement basé sur les résultats des 52 dernières semaines.
🟢 Classement officiel favorable
🟡 Classement officiel = 52 semaines
🔴 Classement officiel défavorable pic.twitter.com/SOWwwE3s6X
De son côté, même en roulant les œufs dans les prairies de Lenzerheide (GR), Roger Federer est assuré de préserver son capital (6630 points) au moins jusqu'en mai. Pourquoi irait-il rouler sa bosse à Miami?
Par dessus tout, de nombreux joueurs ne veulent plus de cette vie de forçats, incarcérés dans des chambres d'hôtel qu'ils ne peuvent quitter que sous escorte atrabilaire, pour quelques pas dans un court grillagé, avec des journées qui se réduisent à l'attente jubilatoire d'un plateau-repas déposé devant la porte. «A Melbourne, des agents de sécurité faisaient des rondes dans les couloirs, témoigne une joueuse dans The Athletic. Ces bulles sanitaires, avec des quarantaines à l'aller et au retour, sont devenues inhumaines».
Trois membres du top dix ne ratent pas une occasion de se distinguer, et en tirent des avantages substantiels: Daniil Medvedev est désormais No 2 à l'ATP, Alexander Zverev va devancer Roger Federer dans moins de dix jours, et Andrey Rublev a remporté quatre tournois ATP 500 depuis la reprise de septembre.
Plus tard, sinon bientôt, la réalité du terrain rappellera également les sédentaires à la question cruciale, non moins pénible, de la forme physique et des réflexes techniques. Ceux qui ont choisi le home office seront-ils encore dans le coup?