Le tennis masculin chinois ne s'est jamais aussi bien porté qu'actuellement. Trois de ses représentants figurent dans le top 100. Une première. Il s'agit de Zhizhen Zhang (27 ans/ATP 43), Juncheng Shang (19/55) et Yunchaokete Bu (22/96).
La semaine dernière, Zhang et Shang disputaient même chacun une finale d'un tournoi ATP dans leur pays. Si Zhang s'est incliné à Hangzhou contre Marin Cilic, Shang a triomphé à Chengdu en dominant l'Italien Lorenzo Musetti (médaillé de bronze des derniers JO).
Ce dernier, opéré il y a quelques mois et convalescent en début d'année, a d'ailleurs le potentiel pour revenir dans le top 100.
Le tennis masculin chinois semble donc enfin avoir décollé. De nombreux observateurs pensaient que cette percée viendrait beaucoup plus tôt. On l'imaginait déjà juste après les JO 2008 de Pékin. Mais les exemples dans l'histoire (du sport, y compris) ne manquent pas pour nous rappeler qu'instaurer une nouvelle dynamique prend du temps. Dans le cas du tennis en Chine, il en a fallu beaucoup pour changer les mentalités envers ce sport. Condition sine qua non à son développement.
Dans ce pays communiste, taper la balle jaune était considéré comme «un péché de la petite bourgeoisie» jusqu'au milieu des années 1970, rappelle l'AFP. Et ceux qui osaient braver les mœurs devaient encore avoir de l'argent pour pratiquer le tennis, une discipline élitiste. Mais, grâce au développement économique, la classe moyenne chinoise n'a cessé de grandir pour d'abord atteindre 4% en 2000 puis 30% aujourd'hui (environ 400 millions d'habitants, sur un total d'1,4 milliard ). Et, avec elle, les aspirations et les moyens financiers de pratiquer ce sport.
Conséquence? Les écoles de tennis privées ont fleuri partout dans le pays, engageant notamment des entraîneurs étrangers de pointe. Parallèlement, le gouvernement a lancé dès 2007 un programme national visant à faire émerger des top joueurs. L'organisation de nombreux tournois de toutes catégories représentait l'un de ses pans.
Il y a quelques années, l'ex-tennisman italien Paolo Lorenzi nous expliquait que c'était notamment grâce à la multiplication des compétitions sur son sol que le tennis italien avait fortement progressé. Aujourd'hui, ce dernier a l'un de ses représentants – Jannik Sinner – sur le trône de numéro 1 mondial.
C'est aussi dès les années 2000 que la Chine a organisé des événements planétaires dans le tennis. Une initiative largement soutenue par les circuits masculin (ATP) et féminin (WTA) et les équipementiers, conscients que le géant asiatique représentait un immense marché émergent. Les jeunes Chinois ont ainsi pu idolâtrer des stars comme Federer lors du prestigieux Masters de fin d'année, qui s'est tenu à Shanghai de 2005 à 2008. Ou dès 2004 à l'Open de Chine à Pékin, promu ATP 500 en 2009. De quoi faire naître des vocations.
Les pépites actuelles Zhang, Shang, Bu et Wu Yibing (âgées entre 27 et 19 ans) ont toutes grandi durant cet essor du tennis dans leur pays, où le nombre de joueurs a été multiplié par dix ces quinze dernières années. Selon les estimations, il y a aujourd'hui entre 15 et 20 millions de pratiquants, ce qui fait de la Chine la deuxième nation derrière les Etats-Unis.
A haut niveau, c'est d'abord le tennis féminin qui a récolté les fruits de ce très fort développement. Et ce longtemps avant les hommes. Li Na (42 ans) est devenue la première Chinoise (et même Asiatique) à remporter un tournoi du Grand Chelem, à Roland-Garros en 2011. Elle a doublé la mise en 2014 en Australie. «Je pense qu'avec l'influence de Li Na, les Chinois ont commencé à s'habituer au tennis. Et ça va contribuer à améliorer le niveau du tennis chinois», prédisait en 2016, au micro de la RTS, l'ancien numéro 1 national, Zhang Ze.
Oui, les exploits de Li Na ont mis des étoiles dans les yeux de ses jeunes compatriotes, hommes et femmes confondus, en plus de leur faire prendre conscience qu'ils pouvaient réussir dans ce sport.
Le même phénomène a eu lieu cet été avec le titre olympique féminin de Zheng Qinwen (21 ans). Son exploit a créé un immense engouement. Des preuves? Certaines écoles de tennis pékinoises ont plus que doublé leur nombre d'élèves dans les jours qui ont suivi et les ventes en ligne du modèle de raquette utilisé par la championne olympique ont été multipliées par 20.
Avec les belles «perfs» actuelles de Zheng Qinwen (7e joueuse mondiale) et, désormais, de ses compatriotes masculins, l'essor du tennis chinois ne devrait pas faiblir.