Alan Roura a passé de très mauvaises nuits depuis le départ du Vendée Globe le 10 novembre, mais il n'est pas le seul. Allyson Mousselon ne dort pas très bien non plus en ce moment. «Mon portable est allumé jour et nuit car je suis le contact de crise d'Alan, donc s'il a un problème, c'est chez moi que ça arrive. Je suis un peu tendue, forcément, et j'entends le téléphone sonner la nuit même quand personne ne m'appelle.»
Récemment, la Française de 39 ans a eu la mauvaise surprise de découvrir que son portable s'est éteint pendant son sommeil, «à cause d'une mise à jour automatique. J'ai eu peur qu'il soit arrivé quelque chose à Alan cette nuit-là, mais heureusement tout s'est bien passé pour lui.»
Allyson Mousselon est ce qu'on appelle une «team manager». Chacun des 40 navigateurs engagés sur le Vendée Globe, le tour du monde à la voile sans escale et sans assistance, en a un. Il est en quelque sorte «l'ange gardien» du skipper, un terme qu'Allyson tient toutefois à réfuter. «C'est un peu exagéré», trouve-t-elle. Son rôle est pourtant fondamental dans la réussite du marin qu'elle soutient, et pas seulement pendant la course.
Depuis le 10 novembre et le départ donné aux Sables d'Olonne, Allyson gère entièrement les affaires d'Alan Roura sur terre, mais aide également le skipper en mer. Elle est à la tête d'une équipe de six personnes, basée à Lorient, dans les locaux de la société du Genevois: cinq employés s'occupent de la partie technique à distance (il y a notamment un spécialiste du cordage, un autre des composites et un troisième de l'électronique) et une employée gère le secteur administratif.
Ce petit groupe communique chaque jour avec Alan Roura pour l'aider dans sa traversée du globe, mais puisqu'il s'agit d'une course sans assistance, Allyson et ses collègues ne sont pas autorisés à fournir tout type de soutien au marin. Les règles sont strictes et les interdictions nombreuses.
«On ne peut pas lui donner d'indications météo, ni des infos qui lui permettraient de prendre une meilleure trajectoire. On ne peut pas non plus lui rappeler de faire telle ou telle manoeuvre à un moment donné de la course, ni lui offrir une aide humaine, en sollicitant par exemple l'expertise d'un coach mental, liste Allyson Mousselon. Ce qu'on peut faire, en revanche, c'est lui demander des nouvelles, l'encourager ou lui fournir des infos pour qu'il puisse faire des réparations sur son IMOCA Hublot, à condition que ça n'améliore pas son embarcation par rapport à sa configuration de départ.»
«La différence entre ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas est assez subtile», reconnaît Allyson Mousselon, qui redouble de vigilance pour respecter le règlement et ne pas pénaliser son marin employeur.
La direction du Vendée Globe n'écoute pas les conversations entre le participant et son équipe. Elle demande en revanche aux skippers de garder leurs échanges écrits (mail, SMS, messages whatsapp, etc.) avec la terre ferme jusqu'à plusieurs semaines après l'arrivée.
On ne sait pas encore quand Alan Roura rentrera au port des Sables d'Olonne (le record de l'épreuve est de 74 jours), mais ce qui est certain, c'est que le Genevois n'aura pas réussi son exploit tout seul. «Le Vendée Globe, c'est un sport d'équipe, rappelle Allyson. On est un peu comme une écurie de F1: l'athlète est seul en course, mais avant le départ, il y a toute une équipe qui s'active pour le placer dans les meilleures conditions.»