Qu’est-ce qu’un boxeur professionnel? En quoi diffère-t-il d’un amateur? Et où se situe Brian Keller, anciennement connu sous le pseudonyme de Carlos, aujourd’hui reconverti en boxeur? Samedi dernier, il a disputé son tout premier combat pro – remporté en… 38 secondes.
Le monde de la boxe professionnelle reste opaque. Et pour l’ex-détenu le plus médiatisé du pays, deux voies très différentes s’offrent à lui.
En principe, tout le monde peut se dire boxeur professionnel. Mais pour être reconnu au niveau international, il faut appartenir à l’une des quatre principales fédérations de boxe:
Chacune délivre ses propres titres de champion du monde, tout en reconnaissant ceux des autres fédérations. Toutes partagent une exigence forte en matière d’équité et de sécurité des boxeurs.
Brian pourrait espérer une licence via la Fédération suisse de boxe, condition indispensable pour être considéré comme professionnel au niveau international. Mais cela suppose de « faire ses preuves » dans des combats amateurs. Une étape que Brian a tout simplement sautée.
Face à la voie classique du boxeur sportif, une tendance plus récente a émergé: les combats d’influenceurs. Deux YouTubeurs – en général des hommes – règlent leurs comptes sur un ring, au nom d’un conflit réel ou simplement scénarisé.
Ce phénomène est né avec le YouTubeur britannique KSI, de son vrai nom Olajide Olayinka Williams Olatunji, devenu célèbre pour ses commentaires sur le jeu vidéo Fifa. Avec son frère, il a défié les YouTubeurs américains Logan Paul et Jake Paul – donnant naissance à un nouveau genre de boxe spectacle.
Un genre qui ne repose pas sur les qualités sportives ou les mérites des adversaires, mais sur leur notoriété – peu importe comment celle-ci a été acquise. Grâce à leur célébrité et à leurs millions d’abonnés (surtout des jeunes hommes), ces combats génèrent des revenus de plusieurs millions et remplissent des stades comme le Staples Center de Los Angeles, habituellement réservé au hockey des LA Kings ou au basket des Lakers.
Tandis que les multimillionnaires de YouTube sont des héros dans leur monde numérique, ils cherchent la reconnaissance dans le sport. Logan Paul est aujourd’hui acteur et catcheur, et Jake Paul a battu, en novembre 2024, un Mike Tyson de 58 ans. Pas exactement un exploit sportif.
Pour gagner sa vie dans la boxe sans dépendre en premier lieu des contribuables suisses, Brian Keller doit choisir l’un de ces deux chemins. Même s’il souligne sur Instagram sa notoriété, affirmant:
Mais pour ça, il lui manque un parcours sportif crédible et une reconnaissance officielle. La fédération suisse, d’ailleurs, hésite à lui accorder une licence. Savoir frapper ne suffit pas l’obtention d’une licence exige aussi des garanties de qualité.
Angelo Gallina, ex-entraîneur du meilleur boxeur suisse de ces dernières années, Arnold «la Kobra» Gjergjaj, et aujourd’hui mentor de Gabi «Balboa» Timar, estime qu’il est impossible de juger le niveau de Brian Keller après un tel affrontement. «Il n’y a pratiquement pas eu de combat.»
Selon lui, les réseaux sociaux attirent l’attention sur la boxe, mais véhiculent aussi l’illusion d’un mode de vie luxueux, à l’image d’Anthony Joshua sur Instagram.
Mais Joshua, lui, a été champion olympique amateur et a détenu tous les titres mondiaux majeurs. Brian Keller en est très loin. «Sur les réseaux, les boxeurs enjolivent souvent leur image», souligne Gallina.
Pour Brian Keller, le scénario le plus probable reste celui de la boxe-spectacle, à travers des combats d’influenceurs qui misent davantage sur le clash que sur la technique. Son prochain affrontement contre le rappeur allemand Sinan-G s’inscrit dans cette logique.