Ce club de Swiss League est à l'agonie: il faut une révolution!
Le cri d’alarme est tombé sous forme de communiqué officiel, ce mardi. A Winterthour – sixième ville du pays après Zurich, Genève, Bâle, Lausanne et Berne – il n’est plus possible de faire vivre un club de hockey en deuxième division.
Depuis des années, le président et propriétaire Rolf Löhrer comblait le déficit de sa propre poche. «Ce fardeau, il ne peut ni ne veut plus l’assumer», explique le club zurichois. Avant d’appeler à l’aide: «Nous avons besoin de soutien, car les conditions-cadres se sont fortement dégradées.»
Dans son communiqué, l'EHC Winterthour poursuit:
Une solution doit être trouvée d’ici la fin de l’année.
Une ligue en crise structurelle
La Swiss League appartient – contrairement à la National League, juridiquement indépendante – à la fédération nationale, Swiss Ice Hockey. Elle est censée représenter, avec les équipes nationales, le «produit premium» du hockey suisse. Dans les discours officiels, on vante volontiers son rôle d’incubateur de talents. Mais les faits parlent d’eux-mêmes. Questions à Swiss Ice Hockey, réponses officielles:
Le EHC Winterthour rend publique sa situation financière. Quelle est la réaction de la fédération?
Swiss Ice Hockey: «Nous regrettons profondément la situation actuelle du EHC Winterthour. Nous savons combien ce défi pèse sur le club, ses employés, ses joueurs et ses fans. Nous sommes toutefois convaincus qu’une solution pourra être trouvée avec l’ensemble des partenaires concernés.»
Le club peut-il espérer une aide financière directe?
Swiss Ice Hockey: «Non. Le rôle de la fédération est de créer des conditions-cadres pour renforcer durablement l’ensemble de la Swiss League. Nous restons en contact étroit avec Winterthour et l’accompagnons de manière consultative.»
Des pistes concrètes pour améliorer la situation?
Swiss Ice Hockey: «Avec l’agence de marketing sportif Two Circles, nous avons défini sept scénarios de développement de la ligue. Objectif: renforcer la Swiss League sportivement, la stabiliser économiquement et accroître sa visibilité médiatique. Des points concrets sont discutés dans des groupes de travail avec les principaux acteurs.»
Voilà pour les réponses de la fédération. Mais une amélioration nécessiterait d’abord deux gestes simples:
- Produire une couverture TV décente financée par la fédération et diffuser ces images sur MySports pour rendre la ligue visible et monétisable.
- Créer un département marketing indépendant dédié à la Swiss League, avec du personnel déjà disponible.
Rien de tout cela n’est prévu.
Le constat d’échec
Il faut se rendre à l’évidence.
- Premièrement, la fédération ne peut offrir que des mots de réconfort. La Swiss League ne changera pas. Winterthour est en passe de suivre Langenthal en ligue amateur. Et à Olten, chaque déficit à sept chiffres rapproche un peu plus du même choix.
- Deuxièmement: la National League est indépendante et prospère. La réduire de 14 à 12 voire 10 équipes? Impossible. Et aucune obligation ne peut forcer les clubs à subventionner la Swiss League. Zoug a même dissous son équipe ferme sans y être contraint. Inutile de réclamer sans cesse des mesures irréalisables.
- La Swiss League n’a plus de base économique. Coincée entre hockey pro et amateur, réduite à 11 équipes, elle affiche un taux de remplissage moyen de ses patinoires de 39,47 %. L’écart avec la National League est devenu trop grand: le plus petit budget de l’élite (Ajoie, 14 millions) est déjà le double du plus gros en Swiss League.
La MyHockey League comme ligue de formation
Pendant ce temps, la MyHockey League (troisième division) a repris. Match phare: Huttwil contre Seewen, champion amateur. Le niveau y est étonnant: rythme, précision et intensité équivalents à un match moyen de Swiss League. Un hockey adulte de qualité, sans étrangers ni pros, idéal pour la formation.
Langenthal, relégué volontairement, a assaini ses finances, attire encore plus de 1 000 spectateurs en moyenne, affiche des comptes positifs et finance à la fois une équipe féminine en élite et une filière junior.
Bref, la MyHockey League est devenue la véritable ligue de formation et l’environnement naturel pour des clubs comme Arosa, Winterthour, Coire, Olten, Viège ou Bellinzone.
Repenser tout le système
Des solutions concrètes existent:
- La National League pourrait être élargie à 16 équipes – seules deux formations de Swiss League disposent du potentiel et des infrastructures nécessaires à moyen terme.
- Fusionner Swiss League et MyHockey League en une grande ligue amateur nationale, divisée en groupes régionaux pour contenir les coûts.
- Miser sur la formation: encadrement par des entraîneurs qualifiés et staff médical dans chaque club.
C’est là que la fédération doit intervenir: financer ces entraîneurs et soignants plutôt que les salaires des joueurs. Cela garantirait un haut niveau de formation et des standards homogènes.
La fédération a de l'argent
Impossible? Non. Il suffirait de stopper la dérive bureaucratique et de redevenir un centre de services au service du hockey. Une noble mission pour le nouveau président Urs Kessler. Ancien patron des remontées mécaniques de la Jungfrau, il sait lire un rapport de gestion. Et s’il prend le temps d’examiner le dernier bilan, il constatera que l’argent existe au sein de Swiss Ice Hockey:
- Les coûts de personnel ont augmenté de 1,5 million d’un exercice à l’autre.
- Les effectifs sont passés de 55 à 61 employés, bientôt 72, alors même que le Mondial 2026 sera organisé par une société distincte.
- La fédération dispose de 14 millions de liquidités et de 7,5 millions dans divers fonds dédiés.
Il est grand temps d’investir cet argent dans la base et la formation, plutôt que dans le gonflement administratif.
Et la question de la promotion/relégation?
L’ascenseur fait partie de la culture sportive européenne. Mais en Swiss League, la base économique est devenue si fragile qu’une relégation ne peut plus être absorbée comme il y a dix ans. Les structures d’un club de National League ne survivraient pas.
Reste une formule de compromis: le champion amateur affronte le dernier de National League en barrage. Si le prétendant parvient à renforcer son effectif pour rivaliser sportivement, il mérite sa place. Sinon, ce duel reste une animation folklorique.
Avec Urs Kessler, un dirigeant déterminé prend les rênes. Il ne veut pas être un président d’opérette. Le moment est propice pour de nouvelles idées. Les ligues doivent enfin être repensées.
Adaptation en français: Yoann Graber