Le cyclisme suisse a été ébranlé par deux décès au cours des deux dernières années. En été 2023, Gino Mäder a trouvé la mort lors du Tour de Suisse. En septembre 2024, la junior Muriel Furrer a chuté dans le cadre des Championnats du monde sur route à Zurich. Elle serait restée environ une heure, grièvement blessée et sans être repérée, dans un sous-bois.
Olivier Senn a vécu ces deux drames de près: en tant que directeur du Tour de Suisse pour Mäder, et comme organisateur des Mondiaux pour Furrer. C’est surtout à propos de cette dernière que l’Argovien a été la cible de vives critiques.
«Avec le recul, cela aurait été une solution parfaite», déclarait Olivier Senn au sujet de l’absence de balises GPS portées par les coureuses et coureurs. Grâce à ces dispositifs, Furrer aurait pu être retrouvée et prise en charge plus rapidement. Ce n'est toutefois pas sûr qu'elle aurait eu la vie sauve.
Dans le même temps, Senn promettait de s’engager avec détermination auprès de l’Union cycliste internationale (UCI) pour améliorer la sécurité. «Il est important que des changements fondamentaux soient opérés dans le cyclisme. Heureusement, tous les acteurs en ont désormais conscience», affirmait-il en fin d'année dernière dans une interview.
Désormais, Olivier Senn passe à l’action. Lors du prochain Tour de Suisse (du 15 au 22 juin), un système de traçage sera mis en place. Chaque vélo sera équipé d’un traceur GPS qui déclenche une alarme en cas d’anomalie, par exemple si le vélo ne bouge pas pendant 30 secondes, sort de l’itinéraire ou subit une brusque variation de vitesse.
Si un tel scénario se produit, les organisateurs seront immédiatement alertés et pourront intervenir. Les traceurs seront utilisés au sein même de la caravane du tour: chaque poste radio sera doté d’un dispositif. Les données collectées convergeront vers un centre de sécurité, où la situation sera surveillée en continu et, si besoin, une intervention pourra être lancée.
Ce faisant, Senn semble aussi affronter une certaine opposition de l’UCI. Celle-ci a interdit l’usage de radios et de traceurs pendant les épreuves des Championnats du monde. Les responsables du cyclisme affirment qu’en raison d’interruptions de signal, le suivi GPS ne permettrait pas encore de localiser tous les coureurs à tout moment. Une affirmation que des experts qualifient de fausse.
Il semble également que l’UCI ait exprimé, lors de discussions avec Senn, des inquiétudes concernant une possible exploitation commerciale des données recueillies par le Tour de Suisse. L’utilisation des traceurs ne sera pas obligatoire, explique Senn dans un article publié sur le site de la course.
Il précise aussi que la seule motivation des organisateurs est d’assurer la sécurité de la compétition, et non de valoriser commercialement ces données. Un compromis a été trouvé: une clause dite de «désinscription». Les équipes qui ne souhaitent pas participer au dispositif peuvent se retirer – mais elles prennent alors le départ à leurs propres risques.
Le tracking n'est pas la seule nouvelle mesure prise par le Tour de Suisse cette année. Celui-ci réorganise complètement son analyse des risques. Auparavant, une personne, parfois deux, en avaient la charge. Désormais, une équipe de cinq spécialistes est mobilisée. Elle parcourt les huit étapes, identifie les zones à risque et définit des mesures ciblées.
Avant les virages délicats, davantage de signaleurs seront postés pour alerter les coureurs et les inciter à ralentir. Des matelas de protection seront installés, et les équipes recevront en amont des informations détaillées sur les secteurs dangereux.
Les vélos ont beaucoup évolué ces dernières années: jantes plus hautes, freins à disque, guidons encore plus étroits – ils sont plus rapides, plus légers et plus exigeants à manier. En parallèle, le style de course est devenu plus agressif, avec moins de considération pour la sécurité.
Le coût de ces nouvelles mesures n’est pas encore connu. Olivier Senn prévoit de communiquer à ce sujet mardi prochain.
Le cyclisme, parce qu’il se déroule en plein air, est soumis à des éléments imprévisibles comme le vent et la météo. Forte pluie, routes glissantes, vent latéral ou chaleur extrême augmentent les risques.
Même avec toutes ces mesures, les chutes ne peuvent être entièrement évitées. Mais leurs conséquences peuvent être atténuées. C’est au moins ce que les décès de Gino Mäder et Muriel Furrer auront permis d’améliorer.
Adaptation en français: Yoann Graber