Ce Tour d'Italie 2025 était annoncé comme un duel entre Primoz Roglic et Juan Ayuso. Si le premier a abandonné lors de la 16e étape, le second a vécu une cruelle défaillance. Une panne de jambes qui le prive assurément d'un sacre à Rome, dimanche 1er juin, alors que son coéquipier chez UAE Team Emirates-XRG, Isaac Del Toro, continue de s'accrocher à son maillot rose.
14 minutes dans la musette au moment de passer la ligne, l'Espagnol de 22 ans était à la dérive ce 27 mai 2025. Sa dégringolade réjouit même une foule d'internautes. L'un d'eux a pris son clavier et écrivait ceci, sous une image d'Ayuso, dégoulinant de sueur: «Il n'y a rien d'aimable chez Ayuso».
La raison? Les suiveurs ne lâchent plus un coureur qu'ils considèrent sans panache, froid et surtout individualiste.
Mais ces critiques sont directement liées à une situation bien précise: le jour où Ayuso a refusé de rouler pour Pogacar dans le col du Galibier, lors de la 4e étape du Tour de France 2024. Il y a eu les gesticulations d'Almeida et le regard appuyé de Pogacar. Ils cherchaient le talent espagnol pour donner un coup de main. A la place, il était planqué en queue de groupe, cherchant à se faire oublier - il reviendra donner un coup de main dans les derniers lacets et bouclera l'étape au troisième rang.
Il n'en fallait pas plus pour nourrir le premier scandale du Tour. Sur les réseaux et sur les plateaux, l'Espagnol est rangé à la place des égos trop gros qui ne pédalent pas pour les autres.
Lors de la 13e étape, Ayuso décidera de se retirer de l'épreuve invoquant une infection au Covid alors qu'aucun autre coureur UAE n'a été touché par la maladie.
Remonté par tout ce pataquès, le manager du team Mauro Gianetti le punira en le retirant de la sélection UAE du Tour d'Espagne. Des remous à l'interne qui auraient donné des idées à plusieurs équipes. Comme à un certain Alexandre Vinokourov, qui a tenté de racheter le contrat d'Ayuso. «J'ai essayé de convaincre Mauro Gianetti de racheter son contrat», racontait le boss des XDS-Astana à L'Equipe en janvier 2025.
Depuis ce désir de ne pas se soumettre à l'autorité supérieure du Slovène, le prodige valenco-catalan roule désormais à l'écart du champion du monde. Il a cartonné en début de saison (victoire en mars sur Tirreno Adriatico et deuxième du Tour de Catalogne) dans un plan sur mesure, pensé spécialement par l'autre manager de l'équipe UAE, Matxin Fernandez.
Pour s'en convaincre, les programmes d'Ayuso et Pogacar ont été soigneusement charpentés pour que les deux athlètes ne se croisent pas dans le bus. Car le projet Ayuso doit rapporter des victoires à la formation émiratie, qui lui a fait signer à l’été 2022 un contrat portant jusque fin 2028.
Si l'Espagnol est libéré de l'omniprésence du Slovène sur les routes italiennes, il s'est frotté au talent du nouveau venu: Isaac del Toro, qui porte le tricot rose depuis plusieurs jours et qui a bien failli le perdre au sommet de San Valentino.
Déjà à l'aube de la 16e étape, Matxin Fernandez avait senti le vent tourner et confiait à la presse qu'Isaac del Toro était désormais le leader du team:
Cette fois-ci, au soir de la 16e étape, le Mexicain a bel et bien relégué dans l'ombre Ayuso, avant que le cycliste espagnol ne devienne l'ombre de lui-même.
Ayuso n'est plus le caïd du préau, Del Toro lui a arraché son goûter. Selon les quelques retours de la presse espagnole, l'Ibère a le genou qui chicane après trois points de suture posés après sa gamelle sur les chemins blancs de la 9e étape.
Or cette situation est symbolique d'un coureur bourré de talent, mais qui peine à confirmer et exister dans un collectif qui déborde de gros calibres - Un dilemme vécu par Marc Hirschi, qui n'a jamais réussi à faire sa place. Même avec sa victoire sur la 7e étape sur ce Giro 2025 (son premier bouquet sur un grand tour), son rôle de leader n'est plus assuré.
Bousculé dans sa propre équipe, taclé par le public, Juan Ayuso, malgré sa maturité pour son jeune âge, va souffrir durant cette dernière semaine italienne - plus de 20 000 m de dénivelé positif.
Hors-jeu, l'ancien vainqueur du Tour d'Italie espoirs (en 2021) va devoir se mettre à la planche pour Del Toro. Et cette fois-ci, avec l'ambition de démontrer qu'il sait se sacrifier pour son équipe.