Course d'ouverture de la saison de Coupe du monde de VTT au Brésil, en avril. Nino Schurter (5e) et Lars Forster (4e) s'invitent illégalement sur le podium. Mais pourquoi volent-ils la vedette aux trois premiers? Il s'agit d'un geste de protestation, nous verrons pourquoi un peu plus bas. Et derrière eux, c’est tout le peloton qui se solidarise.
Car oui, entre les coureurs et l’entreprise organisatrice Warner Bros, l’entente est inexistante. Cet épisode brésilien est symptomatique. Et désormais, c’est aussi Mathias Flückiger qui hausse le ton contre le géant américain des médias: selon lui, les parcours sont devenus trop faciles. Deux exceptions seulement: le tracé des Mondiaux de Crans-Montana, où se disputeront ce week-end les titres en cross-country, et celui de Leogang, en Autriche.
Petit rappel: depuis l’essor du VTT dans les années 1990, ce sport fait exception au reste du monde sportif. Ici, ce ne sont pas trois, mais cinq coureuses et coureurs qui montent sur le podium. Un détail essentiel: cela permet à davantage d’athlètes d’obtenir une visibilité médiatique. Or les équipes de VTT luttent constamment pour séduire les sponsors et décrocher les financements qui assurent leur survie.
Les organisateurs et promoteurs de la Coupe du monde, le géant américain Warner Bros, voient les choses autrement. En 2023, ils ont racheté les droits de diffusion à Red Bull TV et, au nom de l’UCI, pilotent depuis l’avenir du VTT mondial. Première décision: augmenter les frais d’inscription pour les équipes.
Puis, ce printemps, Warner Bros annonce vouloir réduire le podium de cinq à trois places. La réaction est immédiate: la crème du VTT mondial signe une lettre de protestation. En voici un extrait:
Et c’est bien là le problème: les sportifs ont le sentiment de ne pas être écoutés, de ne pas avoir voix au chapitre. Les décisions tombent d’en haut. Résultat: à part deux amendes pour les «rebelles» Nino Schurter et Lars Forster, et un compromis bancal – les 4ᵉ et 5ᵉ pourront apparaître sur la photo après la retransmission télé –, rien de concret n’a été obtenu.
Aujourd’hui, Mathias Flückiger critique lui aussi les organisateurs. Mais cette fois, sur la question des parcours. Pas celui des Mondiaux, qu’il salue, mais bien ceux des manches de Coupe du monde.
Spécialiste des ascensions, il se réjouit du tracé exigeant de Crans-Montana. Même constat pour l’autre parcours réellement montagneux, à Leogang, où il a terminé deuxième.
C’est, selon lui, la seule piste que les organisateurs n’ont pas «rabotée». Le Bernois tranche:
La raison? Une quête de spectacle, que Warner Bros définit comme des arrivées groupées plus nombreuses. Mais pour Flückiger, cela tue la variété. Le hasard prend trop de place. «C’est bien plus palpitant quand deux ou trois coureurs se disputent la victoire».
Cela crée aussi des figures plus identifiables pour les fans, plutôt que de voir un vainqueur différent chaque semaine. Quelles seront, à terme, les conséquences de ces changements imposés par Warner Bros? L’avenir le dira.
Un point positif tout de même: chez les femmes, ces modifications sont bien accueillies. Elles passent plus de temps dans les montées que leurs homologues masculins. Avec ces nouveaux tracés, les parcours deviennent plus équitables pour elles.
Adaptation en français: Yoann Graber