Deux semaines après le décès de Gino Mäder, qui a succombé à ses blessures après sa chute au col de l'Albula, la douleur est encore profonde chez Stefan Küng.
Le spécialiste du contre-la-montre faisait partie des coureurs qui se sont retirés du Tour de Suisse après le drame. Le lendemain de la tragédie, le Thurgovien était certes assis dans le bus de l'équipe Groupama-FDJ, il s'est certes rendu au départ de l'avant-dernière étape à Tübach, mais une fois sur place, il s'est vite rendu compte que ce n'était pas possible de continuer.
Küng est rentré chez lui auprès de sa femme et de son fils de bientôt un an, avec lesquels il a essayé de surmonter «le choc énorme», en sachant que le Tour de France l'attendait bientôt. Mais l'envie de s'entraîner était forcément moins présente ces jours-là. «J'ai déjà eu plus de plaisir à faire du vélo», euphémise-t-il.
Avec sa victoire dans le contre-la-montre d'ouverture et la conquête du maillot de leader, le Tour de Suisse avait pourtant commencé de manière très réjouissante pour lui à Einsiedeln. «J'étais physiquement à un bon niveau. La victoire m'a donné confiance en moi. Et traverser son pays en jaune, c'est toujours très spécial. Mentalement, j'étais au top.» Puis le drame s'est produit.
Küng est conscient que «cela aurait pu arriver à n'importe lequel d'entre nous». Il sait que le risque fait partie du cyclisme. «Il n'y a jamais de sécurité à cent pour cent. Cela montre que tu n'es à l'abri de rien.» Pour lui, l'accident a été un coup du sort. Les critiques sur le tracé du parcours, il les a trouvées déplacées. Et il s'agace de ces gens qui «cherchent sans cesse des explications» à tout. Il pose une question rhétorique : «Faut-il toujours tout savoir?» Les réponses, en tout cas dans l'accident qui a coûté la vie à son collègue et ami, ne l'aident pas dans le processus de deuil.
Dimanche dernier, Küng s'est classé 5e aux championnats suisses. C'était pour lui un premier pas vers le retour à la compétition quotidienne, même s'il n'avait pas encore les mêmes sensations qu'avant. «Les émotions sont encore bien présentes», souffle-t-il pudiquement.
Le Tour de France, la plus grande et la plus importante course cycliste, l'attend maintenant. Il y a un an, après la naissance de son fils Noé et après avoir contracté le Covid, il s'était déjà rendu à Copenhague dans des circonstances particulières, où il avait dû se contenter de la 14e place lors du contre-la-montre d'ouverture. Mais cette fois encore, tout sera différent lorsque le 110e Tour de France débutera samedi à Bilbao.
«Je ne me suis pas encore penché sur le Tour aussi intensément que les autres années», avoue le coureur. Il aurait souhaité avoir un objectif sur lequel se focaliser. Mais l'unique contre-la-montre, avec ses nombreux mètres de dénivelé, n'est pas adapté à ses points forts.
Küng sait de toute façon que son rôle principal sera de soutenir son leader David Gaudu. Le frêle Français a terminé 4e au classement général l'année dernière. Le jeune homme de 26 ans, qui est considéré comme un grand espoir dans son pays, doit maintenant viser le podium.
Pendant ces trois semaines, Küng aura peut-être l'occasion de tenter sa chance sur une échappée. «Il y aura plusieurs occasions», anticipe celui qui a déjà terminé deux fois 2e et trois fois 4e d'une étape. Jusqu'à présent, il n'a pas encore réussi à frapper un grand coup. Peut-être qu'il y parviendra cette année. Ce serait une victoire pour lui, mais aussi pour Gino Mäder, qui aurait dû participer au Tour de France pour la première fois cette année. (mom/jcz/sda)