Ysaora Thibus a appris il y a deux semaines qu'elle avait subi un contrôle antidopage positif. Suspendue à titre provisoire et avec effet immédiat, la fleurettiste française (32 ans) se bat désormais pour prouver son innocence et ainsi participer aux Jeux olympiques de Paris, où elle a de grandes chances de médailles. Or pour justifier la présence d'ostarine (un produit généralement utilisé pour augmenter la masse musculaire) dans ses analyses, Thibus a adopté une ligne de défense à la mode chez les sportifs: celle de la contamination par sa moitié.
C'est la représentante de la championne, Me Joëlle Monlouis, qui a révélé la stratégie de sa cliente:
Pour prouver cette contamination passive, la fleurettiste et son compagnon devront demander un prélèvement capillaire. «C’est le seul examen qui peut apporter la preuve de son innocence, estime le médecin du sport Jean-Pierre de Mondenard, cité par Ouest-France. L’avantage des tests capillaires, c’est qu’ils permettent de remonter dans le temps. On peut donc savoir si la contamination est accidentelle ou si l’athlète en prend régulièrement.»
Jean-Pierre de Mondenard rappelle dans les colonnes du quotidien français que par le passé, une canoéiste canadienne (Laurence Vincent Lapointe) et une softballeuse américaine avaient toutes deux été blanchies après avoir adopté la même stratégie qu'Ysaora Thibus. «On avait retrouvé du ligandrol dans leur analyse. Il s'agit d'un produit qui agit sur les récepteurs androgènes. Elles avaient toutes les deux plaidé la contamination passive par voie sexuelle.»
Ce type d'exemples accrédite les résultats d'une étude australienne ciblant les athlètes féminines et parue en 2022. Les chercheurs étaient parvenus à démontrer que des substances illicites pouvaient être transmises d'une personne à l'autre via le sperme. Ils avaient estimé que les gouttes d'urine qui accompagnent l'éjaculation masculine ont aussi une grande incidence sur le taux de concentration des résidus.
Cette étude avait été très médiatisée, car dans l'histoire de la lutte antidopage, le rapport sexuel a souvent été pris comme justification principale. Dans certains cas avec succès, et dans d'autres, avec des retombées moins glorieuses. Comme pour Dennis Mitchell.
En 1998, le sprinteur américain avait justifié la présence de testostérone dans ses échantillons par quatre relations sexuelles la veille de la compétition. «C'était l'anniversaire de madame, elle méritait quelque chose de spécial», avait-il servi au jury, avant d'enchaîner les poncifs sur les sportifs machos dont le corps dégouline d'hormones sexuelles mâles. Le médaillé d'or finira par être suspendu deux ans.
Le footballeur italien Marco Borriello, lui, avait pris six mois. Contrôlé positif aux corticoïdes en 2007, il avait invoqué un rapport avec sa compagne qui, victime d’une infection vaginale, aurait utilisé une crème pour se soigner. Sa version n'avait pas convaincu. À l'inverse, le tennisman français Richard Gasquet, contrôlé positif à la cocaïne en 2009, avait été exonéré de toute faute par le Tribunal arbitre de sport.
L'Américain Gil Roberts, champion olympique du relais 4 x 400m en 2016, a lui aussi été blanchi. Il avait expliqué en 2017 que sa conjointe, atteinte d’une infection des sinus, avait pris des médicaments qui contenaient du probénécide (un diurétique et un agent masquant), et qu'il ignorait que cette substance pouvait lui être transmise par un baiser.
Que va dire exactement Ysaora Thibus pour sa défense? Quels produits va-t-elle invoquer, et à quelle date? Les représentants de la championne réservent leurs explications à la Fédération internationale d'escrime et à son tribunal disciplinaire de dopage. Ils n'auront pas le droit à l'erreur: l'épreuve olympique du fleuret se dispute dans cinq mois à Paris, la ville de l'amour.