Bruno Genesio a attendu 55 ans pour tomber la chemise, ses costumes sobres du boulevard Haussmann, et oser le sweat à capuche (en bon français: le hoodie). A moins que ce ne soit son transfert à Rennes, et une certaine hantise du crachin breton. Mais dans ce cas, pourquoi l'entraîneur français ne rabat-il jamais sa capuche quand il pleut?
Idem pour Nuno Espirito Santo, son collègue de 47 ans, placé sous un ciel non moins menaçant à Londres (Tottenham) et dont la capuche XXL ne semble servir qu'à couvrir ses arrières.
Ne nous méprenons pas: Le style d'un entraîneur n'est jamais innocent, ce n'est pas une coquetterie de chéfaillon ou une façon de paraître. Un code vestimentaire, dans le football, donne accès à toutes sortes de croyances: La capuche fait le moine.
«Les entraîneurs qui portent le hoodie font simplement comme tout le monde et cherchent à le montrer», observe Stéphane Bonvin, spécialiste mode et lifestyle. «Depuis cinq ou six ans, nos villes sont envahies de gens en training. Le hoodie noir, mais un noir dark, limite service de sécurité, est le trend de base: On en vend partout, parfois à 1000 francs pièce chez les enseignes de luxe.»
Pep Guardiola a commencé sa carrière en costume Armani, avant d'initier la mode du sweat à capuche chez les entraîneurs émérites. Jürgen Klopp a disputé sa première finale de Ligue des champions (2013) en cravate, certes à demi nouée, comme les dandys de l'intellectualisme parisien, mais depuis qu'il travaille à Liverpool, l'Allemand ne quitte jamais son suvêt' – comme les tenants du prolétariat local.
«Le training correspond à son personnage actif, qui vocifère et qui gesticule. Klopp se pose en homme de terrain, je ne pourrais plus l'imaginer en costume, j'en serais presque perplexe», avoue Léonard Thurre, ancien international suisse, désormais recruteur du FC Saint-Gall et consultant particulièrement élégant de la RTS.
D'expérience, Thurre sait que «les entraîneurs choisissent leur style vestimentaires selon des critères extrêmement variables, «pour se sentir à l'aise, pour dégager une certaine classe, voire une certaine autorité, par superstition, ou pour appliquer les directives du club». Ce débat philosophico-stylistique a toujours existé:
«J'ai l'impression qu'aujourd'hui, les entraîneurs portent des vêtements qu'ils aiment et qui représentent leur personnalité, évalue Léonard Thurre. Les Italiens restent majoritairement classes, costumes cintrés et mocassin cirés. Julian Nagelsmann (34 ans, nouvel entraîneur du Bayern) joue un peu de son image de jeune prodige en portant des accoutrements bizarres, et en restant indifférent aux moqueries qu'il subit. L'air de dire: Je suis tendance, unique, et je me fous de ce que les gens pensent.»
A cet égard, le hoodie est à l'entraîneur de football ce que la plume était au guerrier indien: Un symbole de réussite. Stéphane Bonvin confirme et va même plus loin:
Stéphane Bonvin relève que le football est désormais associé à «trop d'argent, trop de business, pas assez d'humain. Les codes de la réussite sont devenus négatifs et les entraîneurs s'en démarquent en adoptant ceux de la rue. A travers le hoodie ou le jogging, ils se revendiquent plus proches du sport que du CAC 40.»
Dans son style, Guy Roux fut une forme de précurseur, bonnet de laine et vieux training fatigué, chaussures emballées dans du sac plastique les soirs de grand froid. Le Bourguignon n'avait pas son pareil pour paraître pauvre, besogneux et provincial, soit le positionnement marketing de l'AJ Auxerre, dont la plupart des sponsors étaient des produits du terroir.
Il n'y a donc pas de hasard à ces capuches qui pendent dans le dos des entraîneurs, été comme hiver, de la France à l'Angleterre. Stéphane Bonvin en est persuadé:
Et ils n'ont pas peur de se mouiller, contrairement aux apparences.