Dans son édition de jeudi, Le Nouvelliste nous apprenait que des clubs valaisans de 4e et 5e ligues avaient reçu l'ordre de ne plus disputer leurs matchs le samedi, jour privilégié par la plupart des équipes amateurs pour recevoir leurs adversaires. «Cette décision de l’Association valaisanne (AVF) résulte de la diminution récurrente du nombre d’arbitres», ajoutait l'article, expliquant qu'il y avait plus d'équipes qui voulaient jouer le samedi que d'arbitres disponibles. Le média régional précisait ensuite que d’autres associations romandes avaient dû prendre une mesure identique. Lesquels?
Pour connaître l'ampleur du phénomène, nous avons contacté tous les présidents des associations francophones du pays. Et on a appris plein de choses.
Presque tous. Seuls Genève et le Jura ne doivent pas obliger certaines équipes à déplacer leurs matchs au vendredi ou au dimanche. «Nous n'avons pas trop d'arbitres, mais nous sommes moins en pénurie que dans d'autres régions», résume le président de l'Association genevoise Pascal Chobaz. Son homologue jurassien est moins serein. Les directeurs de jeu peuvent toujours répondre à la demande, mais la menace de pénurie pèse. «C'est pour cette raison que nous incitons les équipes à jouer le dimanche depuis la saison dernière», nous informe Jacky Borruat. Le résultat est en demi-teinte: trop peu d'équipes acceptent de déplacer leurs rencontres.
Fribourg les a déjà prises depuis plusieurs saisons en 3e, 4e et 5e ligues. Neuchâtel depuis l'an dernier en 2e et 3e ligues. Les deux cantons interdisent la pratique le samedi pour certaines équipes des catégories de jeu mentionnées ci-dessus. Chaque week-end, certains clubs sont donc à tour de rôle (question d'équité) contraints de jouer le dimanche, voire le vendredi soir. «Par le passé, pour jouer le vendredi, il fallait demander l'avis du club adverse. On a changé cette règle, renseigne Mario Chatagny, président de l'Assocation neuchâteloise. Si une équipe convoque son adversaire à 20h15, celui-ci ne peut rien dire et a l'obligation de se présenter.»
Cette meilleure répartition des matchs sur trois jours permet à des arbitres qui jouent aussi au football de pouvoir se rendre plus facilement disponibles. C'est une mesure que s'apprêtent d'ailleurs à prendre les cantons de Vaud et du Valais.
Un principe semblable sera appliqué pour les groupes de 4e et 5e ligues en Valais, ainsi que pour la 4e ligue féminine. Les équipes pourront recevoir le vendredi et le dimanche, mais pas le samedi.
Le 90% des matchs amateurs de l'Association neuchâteloise se déroule le samedi après-midi entre 16h et 20h. En Valais, 20 parties en moyenne sont programmées le vendredi, 20 le dimanche et 100 le samedi, relève Fabien Gemmet (président de l'Association valaisanne) dans Le Nouvelliste.
La tendance d'une «saturday afternoon fever» s'observe partout. «C'est un horaire qui simplifie la vie de chacun, songe le président de l'Association fribourgeoise Benoît Spicher. Jouer à 18h, ça signifie être libre à 20h et avoir la soirée devant soi.»
Certains clubs soutiennent qu'il est plus facile d'attirer des spectateurs le samedi, et surtout de les garder à la buvette pour une partie de la soirée. Jouer le dimanche représenterait donc un manque à gagner. Un argument que balaie le Neuchâtelois Mario Chatagny. «Saint-Blaise a par exemple pour habitude de jouer le dimanche matin, et il y a jusqu'à 200 spectateurs selon l'adversaire. Autant de clients potentiels pour les grillades et les boissons de la cantine à midi.»
«C'est la première fois qu'on en a aussi peu. Environ 360 pour tout le canton», résume Gilbert Carrard (Vaud). Fribourg a 100 clubs amateurs et près de 200 arbitres et juges de touche engagés chaque week-end. «Il en faudrait 100 de plus, estime le président de l'Association fribourgeoise Benoît Spicher. Cela nous permettrait de remplacer les malades et d'être plus souple pour fixer les matchs. L'an passé, quelques parties du samedi ont dû être annulées faute de personnel disponible.»
Neuchâtel a environ 115 arbitres, le Valais 230. Insuffisant pour répondre à toutes les demandes et pallier aux absences (blessure, maladie, congé) de certains directeurs de jeu.
Il faut distinguer les arbitres qui ne poursuivent pas leur activité et ceux qui ne la commencent même pas.
Benoît Spicher commence par évoquer la première catégorie, expliquant que le canton de Fribourg forme chaque année entre 30 et 40 hommes en noir. «Mais beaucoup arrêtent après deux ou trois saisons. Ils en ont marre de l'attitude des joueurs et de celle des spectateurs autour du terrain, marre d'entendre leurs remarques acerbes.» Gilbert Carrard dresse le même constat: «On perd beaucoup de jeunes arbitres non pas à cause de ce qu'il se passe sur le terrain, mais en-dehors.» Certains arrêtent aussi par manque de temps, lorsqu'ils débutent un apprentissage ou des études supérieures.
Le football peine à garder ses talents du sifflet. Il peine encore plus à susciter des vocations. «À Neuchâtel, nous n'avons aucun ancien joueur qui a arrêté sa carrière vers 35-40 ans et qui s'est orienté vers l'arbitrage, constate Mario Chatagny. Il pourrait pourtant rapidement évoluer à un bon niveau et servirait d'exemple pour les autres.»
Le meilleur moyen pour attirer des arbitres consisterait à augmenter leur rétribution. À titre d'exemple sur le canton de Vaud, un arbitre perçoit 90 francs en 5e ligue, 100 en 4e ligue ou encore 120 en 3e ligue. Le problème, c'est que ces montants sont versés par les équipes qui accueillent les matchs, des clubs amateurs aux moyens limités.
C'est justement en faisant ce constat que certaines associations cantonales ont décidé de délivrer des amendes aux clubs qui ne fourniraient pas d'arbitres. «À Neuchâtel, vous avez l'obligation d'avoir un directeur de jeu par équipe engagée dans un championnat. Si un club a quatre équipes, elle doit avoir quatre arbitres. S'il en manque un, c'est 450 francs d'amende; deux, c'est 1000 francs; trois, c'est 1800 francs, etc.» Des montants facturés non pas par week-end, mais par saison. Mario Chatagny en rirait presque. «Ce n'est absolument pas dissuasif.»
Le Neuchâtelois explique que dans son canton, «une dizaine de clubs ont une seule équipe et pas d'arbitre. Leurs dirigeants sortent 450 francs le 1er janvier et l'affaire est réglée. L'arbitrage, ils s'en foutent! Un jour, peut-être qu'on leur dira que s'ils n'ont pas de directeur de jeu, ils ne pourront pas jouer le week-end mais la semaine, mardi ou mercredi soir, selon notre bon vouloir.»
Si Mario Chatagny est aussi remonté, c'est parce qu'il a multiplié les initiatives ces dernières années pour trouver de nouveaux «sifflets» pendant que «les clubs ne faisaient pas tout leur possible».
Un clip commun avait déjà été réalisé conjointement par les associations romandes il y a plusieurs saisons. Il avait coûté 35 000 francs et n'avait permis de séduire que 20 ou 30 hommes en noir sur toute la Romandie.
Interdire aux équipes de jouer le samedi ne suscitera pas davantage de vocations chez les jeunes arbitres. C'est peut-être même le contraire qui se produira. Etirer les matchs sur trois jours signifie potentiellement solliciter les directeurs de jeu du vendredi au dimanche, donc prendre le risque de les fatiguer ou de les décourager, et finalement de les perdre.
Il ne s'agit que d'une solution d'urgence en attendant de nouveaux renforts en noir. Le problème, et il reste entier, c'est de les trouver, puis de les garder.