Pour une fois, Marco Odermatt n'est pas l'ambassadeur sportif de son canton ces jours. Cet honneur revient à Géraldine Reuteler. La Nidwaldienne brille par ses performances individuelles avec la Nati à l'Euro. Dimanche soir, c'est elle qui a libéré tout un stade (un pays, même) avec son ouverture du score contre l'Islande (2-0), à la 76e minute. Cette victoire a complètement relancé l'équipe de Suisse pour une qualification en quarts de finale.
L'action est un condensé de tout le talent de la milieu de terrain offensive: un appel de balle en profondeur dans le timing parfait, un contrôle pied gauche impeccable et une finition pleine de sang-froid, pied droit, dans le petit filet opposé.
C'est simple: Géraldine Reuteler a fait tout juste. Et tout suiveur de la Nati depuis le début de ce tournoi n'aura pas été surpris de retrouver la footballeuse de Suisse centrale à la conclusion de cette action. Elle sort du lot par son aisance technique et sa vision du jeu, est capable de perforer tout un bloc défensif ballon au pied ou d'envoyer une prune sur la latte (contre la Norvège).
La numéro 6 est l'une des rares joueuses de cette équipe – avec Iman Beney et Sydney Schertenleib – à pouvoir changer le cours d'un match sur un seul geste. La capitaine, Lia Wälti, était dithyrambique après le succès de dimanche:
Les perfs de Reuteler (26 ans) à l'Euro n'étonneront pas non plus ceux qui suivent assidûment le foot féminin. La droitière, qui joue attaquante avec son club de l'Eintracht Francfort (depuis 2018), est l'une des meilleures joueuses de Bundesliga depuis plusieurs saisons. Lors du dernier exercice, elle a claqué dix buts et délivré six passes décisives en 20 matchs.
Ses prestations outre-Rhin, et avec la Nati, lui ont valu le prestigieux titre de «footballeuse suisse de l'année 2024». Une confirmation, pour celle qui était présentée déjà ado comme la pépite du foot suisse et a joué encore avec les garçons jusqu'aux M15 du FC Lucerne.
Oui, ce sens du football, la Nidwaldienne aux tresses plaquées l'a depuis longtemps, pour ne pas dire toujours. Repérée à 12 ans alors qu'elle évolue dans les juniors (garçons) du FC Stans, chef-lieu où elle grandit, elle rejoint le centre de formation de l'Association suisse de football (ASF). Là-bas, elle tape dans l'œil de la sélectionneuse de l'équipe A, Martina Voss-Tecklenburg, alors en charge de certains entraînements:
Un joyau que l'ASF se charge de polir, pendant trois ans. Deux à Huttwil (BE), puis un à Bienne. Géraldine Reuteler est logée dans des familles d'accueil et fréquente les écoles locales. Dans la cité horlogère, elle profite de se familiariser avec le français. Mais pas suffisamment pour oser répondre dans la langue de Molière au journaliste de la RTS Christophe Cerf, qui lui a laissé le choix avec celle de Goethe, dimanche en interview d'après-match.
Si elle racontera plus tard que son séjour au centre de formation de l'ASF était «méga cool», la numéro 6 de la Nati a d'abord souffert loin de la maison. Au point, certains soirs, de pleurer jusqu'à s'endormir, comme le raconte la NZZ. Un fichu Heimweh (mal du pays, en version originale).
Et il se comprend, parce que Géraldine Reuteler a grandi dans une famille aimante et attentionnée, qui n'a pas hésité à traverser la planète pour aller la voir jouer au Mondial en Nouvelle-Zélande il y a deux ans. Ses parents assistent aussi régulièrement à ses matchs à Francfort. Alors autant dire que les billets offerts pour cet Euro à domicile au clan Reuteler – papa, maman et les quatre frangins – ont très vite trouver preneurs.
C'est d'ailleurs en voyant ses deux frères aînés jouer que la Nidwaldienne est devenue une passionnée de foot, très tôt déjà (elle a rejoint le FC Stans à sept ans). Une autre preuve de son attachement familial? Elle s'est faite tatouer les dates de naissance de ses proches.
Ce ne sont pas les seuls tatouages de la star du moment. Elle a encré cette devise – en anglais – dans sa cuisse gauche:
Un mémo qui semble avoir plutôt bien fonctionné. Oui, Géraldine Reuteler a été capable de sortir plusieurs fois de sa zone de confort. Il y a donc eu ce départ de la maison à seulement 12 ans, mais aussi le grand saut vers l'Allemagne en 2018, après trois saisons à terroriser les défenses de première division suisse avec le FC Lucerne.
Et puis, elle a fait preuve de beaucoup de résilience pour revenir à la compétition en 2022, après une rupture des ligaments croisés du genou au printemps 2021, qui l'a tenue éloignée des pelouses pendant un an.
Sur le terrain, l'attaquante de Francfort ne donne pas non plus l'impression de «vivre dans sa tête». Elle sait lever celle-ci, pour servir ses coéquipières quand il le faut. Chez elle, il n'y a aucun signe d'égoïsme. D'ailleurs, elle est altruiste même en dehors de la pelouse. «Je serais intéressée par une carrière de psychologue ou de kinésithérapeute», répond-elle dans la Luzerner Zeitung à la question de savoir ce qu'elle pense faire une fois ses crampons rangés.
Avant de changer de job, Géraldine Reuteler aimerait bien tenter un jour une expérience dans le championnat anglais, le meilleur du monde.
Une nouvelle perf' contre la Finlande jeudi à Genève (la Nati n'a besoin que d'un nul pour se qualifier pour les quarts) aura de quoi attiser l'intérêt de clubs d'outre-Manche. Comme quoi, le monde a beau être plus grand qu'un cerveau, on peut l'avoir à ses pieds grâce à un QI footballistique élevé.