Kamila Valieva pourrait entrer jeudi à Pékin dans l'histoire des Jeux olympiques, mais la prodige russe reste accaparée par la retentissante affaire de dopage qui continue de la poursuivre.
Après avoir terminé première du programme court mardi, Valieva, 15 ans, se présentera en dernier sur la glace, comme le veut l'organisation habituelle des compétitions de patinage, pour la seconde partie de son épreuve individuelle. Son programme libre doit débuter jeudi à 14 h 49 suisses pour ce qui devrait être l'un des moments forts des Jeux de Pékin.
Kamelia Valieva a quatre minutes pour décrocher le titre le plus prestigieux de son sport dès sa première saison sur le circuit seniors, où elle est toujours invaincue. Pour y parvenir, l'élève de l'insondable et décriée Eteri Tutberidze va enchaîner les quadruples sauts, sa marque de fabrique. Des rumeurs rapportent qu'elle est capable d'en enchaîner quatre à cinq au cours du même programme, ce que les experts considéraient encore comme impensable il y a quelques années.
Mais comme elle a pu s'en rendre compte après son programme court, Valieva suscite toujours beaucoup d'attention, même si le Tribunal arbitral du sport (TAS) a validé lundi, sans se prononcer sur le fond de son test antidopage positif, la levée de sa suspension provisoire, pour la plus grande colère du CIO qui avait réclamé son exclusion immédiate.
A sa sortie de la glace, des dizaines de journalistes l'attendaient dans la zone médias qu'elle a traversée sans s'arrêter. Comme elle ne s'est pas davantage présentée en conférence de presse, il faut se contenter de ces mots, émaillés de quelques larmes, accordés à une télévision russe la veille du programme court:
Ses rivales sur la glace oscillent entre soutien, compréhension et indignation.
Aux Etats-Unis, les commentateurs de la chaîne NBC, dont les anciens patineurs Johnny Weir et Tara Lipinski, très remontés contre Valieva, sont restés silencieux pendant le programme court de la patineuse russe.
Sur NBC, Johnny Weir et Tara Lipinski sont restés presque silencieux durant la performance de la patineuse russe Kamila Valieva. «Nous n'aurions pas dû voir ce programme», a déclaré Lipinski. #beijing2022 https://t.co/xk1Q9HDkKQ
— Richard Therrien (@zaptele) February 15, 2022
A contrario, certains athlètes russes (qui participent aux JO sous pavillon neutre en raison d'une sanction pour dopage institutionnalisé) peinent à cacher un sentiment de persécution, sinon à afficher ouvertement leur ressentiment.
Comme si les représentants du Comité olympique russe avaient besoin d’une autre controverse, le patineur de vitesse longue piste Daniil Aldoshkin a célébré la qualification de son trio avec deux doigts d’honneur brandis bien haut.
L'affaire Valieva a connu un nouveau développement avec les révélations du New York Times qui a eu accès aux documents présentés au TAS; pièces sur lesquelles le tribunal s'est appuyé pour autoriser la patineuse à poursuivre ses Jeux.
L'échantillon prélevé le 25 décembre aux championnats de Russie comporte en réalité deux produits interdits:
Depuis une semaine, tous les médecins se demandaient comment un médicament à faible recommandation contre les angines de poitrine, la trimétazidine, a pu se retrouver dans le corps d’une adolescente de 15 ans.
Mardi, Denis Oswald, membre neuchâtelois du CIO, avait expliqué que «l'argumentation (de sa défense) avançait la contamination avec un produit que son grand-père prenait». Les médias russes ont depuis rapporté que Valieva aurait bu dans le même verre que son grand-père, qui prend de la trimétazidine pour un problème cardiaque.
Selon le NYT, ce dernier a confirmé lors de l'audience du TAS, dans un message vidéo pré-enregistré, qu'il avait recours à la trimétazidine pour traiter des «attaques», montrant un paquet du médicament en sa possession.
La mère de Valieva a également précisé à cette occasion que le grand-père de Valieva l'accompagnait quotidiennement à l'entraînement et que sa fille prenait de l'hypoxène en raison «d'arythmies cardiaques».
Avant son programme libre, la patineuse n'a pas beaucoup de certitude. Elle sait toutefois qu'il n'y aura pas cérémonie des fleurs, ni même de remise de médailles si elle devait terminer sur le podium. Le CIO a bien l'intention de la priver de cette joie, au motif d'une enquête en cours que l'instance promet de faire trainer des mois si nécessaire (le problème est que les autres patineuses recevront également leur médaille par la poste).
Le porte-parole du CIO, Mark Adams, a ajouté qu'il y aurait un astérisque à côté des résultats de l'épreuve féminine de patinage artistique: «Ils seront considérés comme préliminaires tant que la procédure se poursuit.» (afp/chd)