Pour leur troisième saison en Champions Cup, une ex-Coupe d'Europe devenue compétition transcontinentale, les franchises sud-africaines, en difficulté sportive, peinent à convaincre de leur légitimité, plombées par les voyages à rallonge et un calendrier surchargé.
Balayés à l'extérieur, à présent malmenés à domicile, les Sud-Africains ne comptent depuis le début de la saison que deux victoires en neuf rencontres, un piètre résultat qui relance le débat sur leur présence, que ne justifie même plus un intérêt sportif.
«Bien sûr qu'on se pose des questions sur la logique de la compétition», reconnaissait la superstar toulousaine Antoine Dupont avant de plonger dans la moiteur (30 degrés, 80% d'humidité) de Durban, à plus de 10'000 km de l'hiver européen.
Sur le papier, l'affrontement du week-end dernier entre les Sharks et leurs Springboks (Kolisi, Etzebeth, ...) et des Toulousains champions en titre avait de quoi faire saliver. Mais entre les nombreux absents sud-africains et le jeu médiocre proposé, la montagne promise a accouché d'une souris, les Toulousains remportant sans bonus (20-8) une rencontre terne.
Dans la même poule, Bordeaux-Bègles recevra dimanche des Sharks probablement remaniés, un déséquilibre évident quand un point de bonus gagné ou perdu peut modifier considérablement la suite du tableau. «Cela fausse un peu cette compétition», note l'entraîneur des Rouge et Noir, Ugo Mola, qui refuse de se plaindre.
«La réalité, c'est que le modèle de la Coupe d'Europe commençait à décliner», estime Thomas Lombard, le directeur général du Stade français, dont l'équipe se déplace à Pretoria pour affronter les Bulls samedi. «L'alignement de l'Afrique du Sud sur les fuseaux horaires permettait d'amener une autre dimension à la compétition, et potentiellement aussi de maximiser des revenus avec des nouveaux sponsors», précise-t-il.
Le coût des déplacements pour les clubs n'est pas plus important: l'EPCR, qui organise la compétition, comble le différentiel avec un déplacement en Europe.
«C'est l'opportunité pour nous d'avoir sous la main les joueurs pendant quasiment une semaine complète», préfère positiver Lombard.
«On a vécu des moments intenses, ça permet de renforcer les liens entre les joueurs», renchérit l'ailier toulonnais Gabin Villière, venu gagner avec son équipe chez les Stormers (24-14).
Mais si les clubs européens abordent de mieux en mieux préparés ces déplacements vécus comme des aventures, les Sud-Africains paient eux les frais de ce casse-tête logistique.
Déjà engagées dans l'United Rugby Championship où elles affrontent Italiens, Ecossais, Irlandais et Gallois, les franchises sud-africaines envoient régulièrement en Europe des équipes de seconds voire de troisièmes couteaux, comme les Sharks à Leicester (56-17), les Stormers chez les Harlequins (53-16), ou les Bulls à Castres (49-10).
«Les joueurs ne sont pas des robots», s'est défendu John Plumtree, l'entraîneur des Sharks après la déroute à Leicester, obligé de mettre au repos des Springboks sollicités sans relâche depuis des mois, leur saison internationale débutant en plein été quand le rugby européen fait relâche.
Un – énième – nouveau format de la Champions Cup, avec plusieurs semaines d'affilée en Europe ou en Afrique du Sud, pourrait venir atténuer les écarts. «Si les clubs sud-africains veulent exister dans la compétition, il faut réfléchir sur le rythme du calendrier», juge Mola.
A moins que la solution se situe un échelon plus haut, en harmonisant les calendriers des deux hémisphères du rugby: un dossier épineux souvent évoqué, jamais tranché.
«Tout le monde demande un calendrier global. On espère que ça arrivera», a déclaré le deuxième ligne des Boks Eben Etzebeth au micro du podcast The Ruck. «C'est probablement la seule chose logique à faire».