En quelques mots sur Twitter, Andrey Rublev (ATP 8) a fait rejaillir tout ce que le tennis compte de vieilles brouilles et de petites lâchetés ordinaires. Ses mots sont «écrits avec le coeur», un peu avec les crocs, aussi, dans une langue qui n'est pas la sienne - l'anglais. Le Russe connaissait les risques et l'avait annoncé en préambule: «Je sais que tout ce je pourrais dire sera considéré comme faux.» Mais il l'a dit quand même.
Rublev a conclu en force: «Je suis Russe, je suis né en Russie, j’y ai vécu toute ma vie, je veux juste montrer que nous sommes des gens biens. Ils ne peuvent pas nous mettre tous dans le même panier.»
La réaction de ses collègues ukrainiens est outrée. Moins sur le fond que sur l'ignorance affichée comme un étendard, sinon comme un alibi, par Andrey Rublev, au prétexte d'exercer un métier prenant... L'Ukrainien Alexandr Dolgopolov, ex ATP 13 aujourd'hui au front, a rétorqué sèchement:
Alexandr Dolgopolov insiste sur l'incohérence du message: «Donc, après avoir prétendu qu’il ne sait rien, qu'il est inculte et non éduqué, Rublev nous explique pourquoi la décision de Wimbledon est antidémocratique.» Et aussi: « C’est exactement ce que son président fait et ce que leur propagande fait tous les jours: mentir! Je ne sais rien, je ne lis pas les nouvelles, je ne suis pas le gouvernement, je n’ai pas d’éducation… Mensonge! Rublev a joué en double avec un joueur ukrainien dix jours avant le début de la guerre, et oui, il sait sûrement ce qui se passe, vu qu’il a écrit « No War » sur une caméra.»
Sans réelle surprise, depuis sa base arrière de Kiev, Alexandr Dolgopolov soutient la décision de Wimbledon. Mais c'est également la position d'Elina Svitolina, depuis sa résidence vaudoise et son 25e rang mondial:
Un autre argument, d'une toute autre nature, est brandi par l'ancienne joueuse ukrainienne Olga Savchuk, interrogée par le New York Times:
Plusieurs rumeurs font état de procédures judiciaires contre le All England Club, propriétaire de Wimbledon. Des joueurs russes préparent une action collective sur la base du « droit au travail», arguant d’une discrimination liée à leur nationalité et à la nature de leur profession puisque, jusqu'à nouvel avis, des personnalités russes et biélorusses sont toujours employées sur sol britannique.
Les plus virulents sont l’ATP et la WTA, dont les dirigeants tiennent une réunion importante mardi à Madrid. Les deux organes faitiers du tennis professionnel pourraient retirer tout ou partie des points à Wimbledon, qui deviendrait une vaste exhibition. L'ATP persiste: elle est en «profond désaccord» avec une décision qu'elle juge «injuste» et qui, au surplus, «crée un dangereux précédent». En marge de la polémique, le Premier ministre italien Mario Draghi serait intervenu discrètement auprès du tournoi de Rome pour qu'il applique les mêmes sanctions.
Bien qu'il soit toujours membre du conseil des joueurs, Roger Federer n'a exercé aucune activité dans le tennis ces deux dernières années. A une seule exception: la promotion de la Laver Cup, «sa» compétition, dont la prochaine édition est prévue le 23 septembre prochain... à Londres.
Au terme d'un lobbying adroit, la Laver Cup est officiellement entrée dans le giron de l'ATP, dont elle tire des points et des primes substantielles. Si la configuration politique reste la même, le gouvernement britannique fera pression pour que les joueurs russes, vraisemblablement Medvedev et Rublev, ne soient pas sélectionnés. Federer aura deux choix: obtempérer et fâcher l'ATP, son partenaire privilégié. Résister et fâcher Londres, sa ville hôte. Avec de lourdes conséquences dans tous les cas.
En attendant, Roger Federer n'a pas pris position sur l'exclusion de ses collègues russes, ce qui ne manque pas de soulever de nouveaux débats sur la neutralité suisse.
Federer, Nadal, votre silence assourdissant n'est pas une réponse We Love Tennis - https://t.co/pLfIqGIfdC pic.twitter.com/2pFFtMFisp
— We Love Tennis (@Welovetennis) April 22, 2022
Outre le tort causé aux athlètes, jusqu'au tort moral, la décision de Wimbledon est majoritairement condamnée pour sa dimension politique et coercitive. De nombreux joueurs, anciens ou actuels, la contestent ouvertement: