Le tournoi de Genève sert de répétition générale avant Roland-Garros. Certains des meilleurs tennismen du monde – notamment Novak Djokovic – y peaufinent leurs gammes et préparent leurs oreilles à ce qu'ils entendront dès la semaine prochaine. Car oui, le public du central genevois a pris une habitude musicale qui était, jadis, propre aux spectateurs du Grand Chelem parisien.
Si vous suivez ne serait-ce qu'un peu le tennis, vous avez forcément déjà entendu le fameux «Popopopopopopo polololo», crié par tel ou tel spectateur à Roland-Garros et ponctué par un «Olé!» du reste de l'assistance. Cette petite séquence vocale, censée mettre l'ambiance dans les gradins, a résonné des dizaines et des dizaines de fois ce mercredi dans le Parc des Eaux-Vives. La plupart des fois, elle émanait d'un très jeune spectateur (les enfants, en congé, sont venus en nombre cet après-midi-là).
Bien avant d'animer les arènes de tennis, ce «Popopopopopopo polololo» (oui, on a fait gaffe au bon nombre de syllabes) a mis l'ambiance dans celles dévolues à la corrida, en Espagne. Ces quelques notes y sont généralement jouées à la trompette (ça arrive aussi à Roland-Garros).
Logique: elles sont l'introduction du morceau En er mundo, composé en 1930 par l'Espagnol Juan Quintero Muñoz (1903-1980) et qui est une marche militaire. Pourtant, à la base, c'est pour un saxophoniste cubain résidant à Madrid (Aquilino) qu'En er mundo avait été écrit.
Grâce à son riff initial de seulement quatre secondes, le morceau n'a donc pris la poussière ni sur le sable de la corrida, ni sur la terre battue. Un exploit. Mais attention, le «Popopopopopopo polololo» est un art subtil, et en abuser pourrait mener à sa perte. Par lassitude. Car oui, si cette succession d'onomatopées a de quoi mettre le feu aux tribunes, elle peut aussi les exaspérer, à force.
Une preuve? Les soupirs blasés de nos confrères dans la salle de presse du Geneva Open quand, au loin, le énième «Popopopopopopo polololo» était lancé par un gamin. Un agacement sans doute partagé par pas mal de monde sur le central.
Pour un spectateur, réussir cette succession de cris n'est pas une mince affaire: il faut le bon timing, l'assurance et la justesse de la voix, ainsi qu'une articulation parfaite. Mais, surtout, une bonne dose de courage – ou une insouciance quant au regard des autres, c'est selon –, car les stades de tennis restent très feutrés et l'énergumène qui se risque à la moindre exubérance est très vite repéré.
Grégory, 28 ans, chanteur téméraire de Roland-Garros, témoignait dans le média français 20 Minutes:
Le Français Jo-Wilfried Tsonga, ancien numéro 5 mondial, racontait exactement la même chose:
Oui, l'unique marqueur du succès d'un «Popopopopopopo polololo», c'est le nombre de personnes qui enchaînent avec le «Olé!»
Et les chances augmentent drastiquement si l'initiative est prise aux moments opportuns. Après le premier point du match? Flop assuré. Pareil juste avant la balle de match, où la tension sur le terrain et dans les gradins est trop haute. Il faut trouver la fenêtre idéale: celle où le public est alerte, mais pas trop bruyant. Quand la pression est forte, mais pas trop. Un joueur pourrait par exemple vite s'agacer si le public s'enflamme quelques secondes avant de servir ou retourner une balle cruciale.
«En lâcher un alors que les joueurs sont sur leur banc avant de changer de côté n’a aucun intérêt. Il faut l’envoyer sur une balle de break, sur un point important. Ce n’est pas un truc pour déconcentrer tel ou tel joueur. C’est vraiment pour chauffer le public», détaillait un autre adepte dans La Voix du Nord.
L'édition 2025 de Roland-Garros sera la première depuis la retraite de la légende des lieux, Rafael Nadal (14 titres). Mais même sans le Taureau de Manacor, les arènes de la Porte d'Auteuil auront donc toujours un air de corrida.