La Diagonale des Fous? «Un chantier par rapport au Valais»
Le cadre est idyllique. D’un côté, l’océan Indien. De l’autre, un aperçu des montagnes du sud de l’île de la Réunion. Entre les deux, des palmiers et un chapiteau dressé en extérieur pour la conférence de presse ainsi que la présentation des athlètes élites.
Plateau étoffé oblige, seuls les tout meilleurs mondiaux sont invités à monter sur scène. A notre grande surprise, Emily Vaudan reste dans l’ombre. La raison? «J’ai couru quelques courses en mode détente avec des amis, et ça a un peu ruiné ma cote ITRA. Je n'ai pas fait attention à ça», nous explique-t-elle.
Plus tard, en plein échange, le célèbre speaker «Ludo» Collet nous interrompt. «J’aurais aimé te présenter. Ce n’est pas moi qui décide», lui glisse-t-il à l’oreille tout en la prenant dans ses bras, avant que nous ne poursuivions notre conversation, et qu'elle nous raconte son avant-course. Interview.
Emily, depuis quand êtes-vous sur l’île de la Réunion? Avez-vous eu le temps de vous acclimater?
Cela fait à peine plus d'une semaine que je suis ici. En fait, je ne pouvais prendre que deux semaines de vacances. J'ai donc préféré arriver en avance pour me familiariser avec l’environnement et faire quelques reconnaissances. Je repartirai presque tout de suite après la course.
1re du 90 km du SwissPeaks Trail
1re du Scenic Trail
3e du Monte Rosa
5e de la TDS
5e du Madeira Island Ultra Trail
Plusieurs Top 15 sur l'UTMB
S’il peut faire très froid à certains endroits du parcours, la Diagonale des Fous est surtout réputée pour ses fortes chaleurs et son taux d’humidité. Comment performez-vous dans de telles conditions?
Ce sont des conditions auxquelles je ne suis clairement pas habituée. Ce sera donc un vrai défi pour moi. En général, je ne suis pas spécialement perturbée par la chaleur. Mais je ne sais pas encore si celle qu’on trouve à Mafate est comparable à ce que je connais chez nous. J’ai couru la TDS (réd: Sur les Traces des Ducs de Savoie, une course satellite de l'UTMB) cet été, il faisait plus de 30 degrés à Beaufort, c’était dur. Mais ce n’était pas un climat tropical comme ici, où l'on transpire sans rien faire.
Vous dites avoir reconnu une partie du parcours. Quels sentiers avez-vous repérés?
J'ai surtout reconnu les descentes les plus techniques. J'ai fait le chemin des Anglais, le sentier Kalla et la dernière descente, du Colorado à la Redoute. Je suis ici avec deux amies et nous sommes aussi restées quelques jours à Cilaos. J'ai pu monter le Taïbit et descendre le Bloc.
Et quel bilan tirez-vous de ces repérages?
J’avais des appréhensions par rapport à la technicité du parcours. Et depuis que je suis sur l’île, je dois dire que cela s’est confirmé. J’en parlais avec mes copines l’autre jour: chez nous, on a des sentiers, mais ici, ce sont carrément des chantiers. C’est un autre monde. Chez nous, on peut courir, allonger le pas. Ici, c’est presque impossible.
Est-ce que vous ressentez une certaine crainte à l'idée de vous aventurer sur ce parcours?
Si je lis "Diagonale des Fous, 178 kilomètres, 10 000 mètres de dénivelé", je me dis: "Allez, ça se fait". Sur le papier, le tracé ne me fait pas forcément peur. Mais sur les sentiers, c'est une autre histoire.
Cette course intervient seulement quelques semaines après votre participation à la TDS, longue de 153 kilomètres. Avez-vous suffisamment récupéré?
Ça a été un peu la course contre-la-montre pour récupérer. J’ai un peu ralenti le kilométrage, mais c’est toujours compliqué (Rires). J’ai fait pas mal de vélo de route, c’est vrai que ça m’aide pas mal. C’est quand même plus light au niveau articulaire, et ça permet de travailler l’endurance.
Et avant la TDS, il y a eu le Monte Rosa by UTMB en juillet dernier, ce qui porte à trois le nombre de courses de plus de 120 kilomètres pour vous cette saison. Ce n’est pas rien.
Ce n’était pourtant pas gagné, car j’ai commencé l’année avec une blessure en février et je n’ai pas couru quasiment jusqu’en juin. Je pensais que ma saison était fichue. En avril et en mai, je me disais simplement: "J’espère pouvoir être prête pour la Diagonale des Fous". Quand j’ai recommencé à courir, petit à petit, en essayant pour une fois de faire les choses bien (Rires), je me suis sentie assez bien. Mais début juillet, je ne savais pas trop où j’en étais. J’ai profité de quelques jours de repos pour aller reconnaître le Monte Rosa sur trois jours. Je me suis dit: "J’essaye, et on verra. Si ça ne va pas, j’abandonne. Si ça passe, je prends le départ". Et c'est ce qu'il s'est passé. Le résultat n’était pas si mal, alors j’ai enchaîné sur la TDS avec la même approche.
Quelle était la nature de cette blessure?
J’ai eu une fissure du col du fémur. C’était la première fois que je faisais face à une blessure aussi grave.
Dernière question, Emily. Comment vont s'organiser vos dernières heures avant le départ, jeudi à 22h (20h, heure suisse)?
J’ai fait mon dernier petit entraînement ce matin. J’appelle cela un déblocage. On fait monter les pulsations la veille de la course. Vous savez, c’est toujours compliqué d’attendre le départ. Là, je suis à la conférence de presse, puis je vais récupérer mon dossard. Ce mercredi après-midi, on fera les derniers préparatifs, on vérifiera les ravitos avec les copines, on veillera à bien manger, puis je compte aller me coucher tôt. Demain, il s'agira de dormir le plus possible et de s'alimenter.