Les Emirats bâtiraient des montagnes pour propulser Pogacar
Les sprinteurs sont-ils une espèce en voie de disparition? Tim Merlier, vainqueur au sprint à Dunkerque et Châteauroux sur le Tour de France 2025, le craint.
Dans une interview accordée au Het Laatste Nieuws, l'homme rapide de la formation Soudal Quick-Step s’est dit préoccupé par le fait que les parcours deviennent de plus en plus exigeants et peu adaptés aux purs sprinteurs, désormais contraints de faire preuve de polyvalence s’ils veulent s’exprimer.
Son analyse est partagée par Marcel Kittel, 14 victoires dans l'emballage final sur les routes du Tour de France. «La nouvelle génération doit être capable de mieux grimper que la mienne», a-t-il déclaré dans un podcast de domestique.
Cap sur 2028
Si Kittel a mis un terme à sa carrière et vient d'être recruté il y a quelques jours en tant qu'entraîneur de l’équipe Unibet-Tietema, Merlier, lui, est peut-être aujourd’hui le meilleur sprinteur de la planète. Or malgré ce statut, il redoute de ne jamais pouvoir devenir champion du monde, le parcours des Mondiaux étant trop rarement conçu pour les sprinteurs.
Les derniers Championnats du monde achevés par un sprint en grand comité remonte à l’édition 2017, à Bergen, où Peter Sagan s’était imposé devant Alexander Kristoff et Michael Matthews. Cependant, la montée de Salmon Hill, répétée à 12 reprises, avait presque permis à Julian Alaphilippe et Gianni Moscon de piéger le peloton. Elle avait également refroidi les purs sprinteurs comme Mark Cavendish et André Greipel, qui ne s’étaient pas déplacés en Norvège. Ainsi, le dernier parcours résolument taillé pour les hommes rapides avait été proposé l’année précédente, à Doha au Qatar.
Les prochains Championnats du monde totalement plats doivent désormais avoir lieu en 2028, toujours au Moyen-Orient. Le parcours n’a pas encore été dévoilé, mais on sait déjà que les courses se tiendront à Abou Dabi, capitale des Emirats arabes unis. La région n’est pas réputée pour son relief. Elle est même totalement plate.
Des monts artificiels en construction
Cet événement doit donc être la chance d’une vie pour Tim Merlier, qui approchera alors les 36 ans. A moins qu’il ne soit, une fois encore, limité par le profil du parcours.
Le Belge a laissé entendre que les Emirats arabes unis étaient en train de modifier le terrain, afin que le tracé comporte une côte permettant d’animer la course et de ne pas garantir un sprint à 100%. «Chaque année, sur l'UAE Tour, on voit cette montagne prendre de l'ampleur», a-t-il commenté, en référence à un mont situé le long des routes empruntées par le Tour des Emirats arabes unis.
Marca a mené l’enquête et précise qu’il s’agit de la colline d’Al Wathba, dont la construction a débuté en 2023. Actuellement, elle est en mesure d'offrir une ascension longue de 1,4 kilomètres à 6%, avec un court passage à 9%. Le média espagnol assure qu’elle mesurera 2 kilomètres d’ici 2026 et se durcira dans sa partie finale.
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Mais selon des documents internes, l’ascension d’Al Wathba devrait atteindre 3,8 kilomètres à 6,5% de moyenne en 2028, avec un dernier kilomètre à environ 11%, soit une rampe de lancement idéale pour les attaquants et une portion très défavorable aux sprinteurs, surtout avec le vent et la chaleur prégnante. La colline est érigée à l’aide de sable provenant d’anciennes dunes fossiles et d’agrégats extraits du désert. Des couches géotextiles sont également utilisées afin d'éviter les glissements de terrain.
Située à une cinquantaine de kilomètres d’Abou Dabi, cette côte pourrait être un premier obstacle avant un circuit final escarpé sur l’île d’Hudayriyat, proche de la capitale et sur laquelle les Emirats arabes unis construisent un véritable complexe sportif. «Hudayriyat accueillera un vélodrome couvert, des parcs sportifs, des circuits cyclistes permanents et, en point d'orgue, une série de pentes artificielles culminant déjà à plusieurs dizaines de mètres», indique Marca. Les pentes devraient varier du simple faux-plat aux murs très raides.
Personne ne sait pour l’instant si le parcours des Championnats du monde 2028 comportera du dénivelé. Cependant, la réflexion de Tim Merlier n’est pas dénuée de sens. Au-delà de la volonté de tous les organisateurs de privilégier le spectacle, il convient de noter que les Emirats arabes unis financent l’équipe UAE de Tadej Pogacar et viennent d’ériger une statue en son honneur à Abou Dabi. Il ne fait donc aucun doute que le pays aimerait voir celui qui a prolongé son contrat jusqu’en 2030 l’emporter «à domicile». Or pour cela, la course ne doit pas se terminer par un sprint massif.
