Arsène Wenger, Joachim Löw, Mauro Lustrinelli, Laurent Blanc, Peter Zeidler et plein d'autres. Depuis le départ de Vladimir Petkovic à Bordeaux, les rumeurs sur le nom de son successeur vont bon train dans la presse et les bistrots helvétiques. En attendant une avancée plus sérieuse sur l'identité de l'élu, Steve von Bergen, Stéphane Grichting et Gilbert Gress esquissent le portrait de l'homme dont l'équipe de Suisse a besoin.
«Le challenge est énorme!», prévient Steve von Bergen. L'ancien international et actuel consultant de la Radio télévision suisse (RTS) en veut pour preuve la situation de la Nati: il lui reste six matchs pour obtenir sa qualification directe à la Coupe du monde 2022 au Qatar, en prenant la première place du groupe.
Pour y arriver, elle devra passer devant l'Italie, championne d'Europe... Un adversaire que les Suisses affronteront deux fois. «Il y a aussi des attentes très fortes après le quart de finale du dernier Euro», renchérit Steve von Bergen. «C'est donc une personne courageuse et avec les épaules suffisamment solides qui devra prendre place sur le banc de l'équipe de Suisse.»
Gérer la pression, une qualité qui s'acquiert surtout grâce à l'expérience. Alors faut-il engager coûte que coûte l'un des plus prestigieux techniciens de la planète, comme Wenger ou Löw par exemple? Pas forcément, selon Steve von Bergen:
Jeune loup ou vieux briscard, le successeur de Petkovic devra faire vite pour s'acclimater à sa nouvelle équipe et en tirer le meilleur: la Nati reprend les qualifs pour le Mondial dès le 5 septembre, avec la réception de l'Italie à Bâle. Et cette adaptation ne se fait pas en un claquement doigt, surtout dans notre pays.
«En plus d'être un bon motivateur, le nouveau sélectionneur devra être imprégné par la culture suisse ou vite le devenir», estime Stéphane Grichting. «Il lui faudra connaître ses spécificités, l’histoire de son immigration et maîtriser si possible deux langues nationales et l'anglais.»
L'ancien défenseur de la Nati et d'Auxerre opte pour un coach capable de s'inscrire sur le long terme, même si sa première mission – la qualif pour le Mondial et la phase finale au Qatar – ne durera que seize mois. «Dans un premier temps, il pourra s'appuyer sur des bases solides et une équipe en confiance. Mais il faudra ensuite assez rapidement renouveler une partie du contingent et prendre un nouveau départ. Parce que la génération des Sommer et Schär arrêtera bientôt. Et plusieurs années sont nécessaires pour faire monter une équipe en puissance.» Il faudra donc s'y atteler le plus rapidement possible.
Stéphane Grichting pointe du doigt une autre spécificité helvétique pour un sélectionneur, liée à la faiblesse du championnat national: la difficulté de faire des choix. Le Valaisan s'interroge:
Celui qui prendra le relais de «Petko» devra avoir un nez spécialement fin et une belle confiance en lui. Même si Steve von Bergen relativise: «Il n'y a actuellement que 30 ou 40 joueurs sélectionnables en Suisse. Et si vous prenez Ruben Vargas, son niveau actuel à Augsbourg en Allemagne est incomparable avec celui qu'il avait à Lucerne».
Les deux anciens défenseurs internationaux sont d'accord sur un point: le nouvel homme fort de la Nati devra être un très bon communicateur. «Le football aujourd'hui, c'est énormément de communication», observe Steve von Bergen, désormais entraîneur des jeunes défenseurs de Young Boys. «Le coach doit ressentir ses joueurs et son discours doit être rapidement assimilé.»
Gilbert Gress, sélectionneur de la Suisse durant un an et demi entre mars 1998 et octobre 1999, confirme: «La relation entre un entraîneur et ses joueurs est ce qui a le plus changé dans le football ces 30 dernières années».
Et dans le vestiaire suisse, cette communication sera facilitée si le nouveau venu maîtrise la langue de Goethe. «Si on ne parle pas l'allemand, qui prédomine dans le vestiaire, c’est compliqué», prévient Steve von Bergen. Mais pas de quoi exclure d'emblée un candidat romand, selon le Neuchâtelois.
Il incombera aussi à l'heureux élu d'être à l'aise derrière un micro. «Un sélectionneur représente un pays, il en est un ambassadeur», rappelle le consultant de la RTS. «Il y a des attentes du public sur le successeur de Petkovic à ce niveau-là, avec le souhait de voir une personnalité plus ouverte vers l'extérieur et les médias.»
Le technicien, désormais parti aux Girondins de Bordeaux, était régulièrement critiqué pour son prétendu manque de charisme. Il l'avait aussi été après la lourde défaite de la Nati contre l'Italie à l'Euro, pour ne pas s'être présenté en conférence de presse – les remplaçants Steven Zuber et Ruben Vargas avaient été envoyés au turbin à sa place.
«Un sélectionneur doit assumer», tranche Stéphane Grichting. «Il doit être capable de venir s'exprimer après une défaite sèche ou une polémique comme celle des Aigles au Mondial 2018.»
Euro 2021: Petkovic esquive la presse après la défaite contre l’Italie https://t.co/ex7Nj8MK0r @arcinfo
— ArcInfo.ch (@arcinfo) June 17, 2021
Gilbert Gress n'était, lui, pas du genre à se défiler. L'ancien entraîneur mythique de Neuchâtel Xamax restera l'un des plus charismatiques techniciens du pays.
Pourtant, ce n'est pas la personnalité du coach qu'il met d'abord en avant lorsqu'il évoque le profil idéal du successeur de Petkovic, «qui aura suffisamment de bons joueurs pour obtenir de bons résultats».
Sa préoccupation reste l'animation du jeu. «Tout devient trop technique dans le football, peste l'Alsacien. L’autre jour, j’ai entendu parler d’un schéma en 3-2-1-2-2. C’est complètement débile, il faut arrêter! Le football se joue avant tout en mouvement. La base, c’est la technique et le physique. Un entraîneur, surtout un sélectionneur, doit rester flexible et accepter la part de spontanéité et de hasard dans ce sport.»
Il incombe maintenant à l'Association suisse de football (ASF) de trouver le candidat qui pourra remplir toutes ces caractéristiques. Tout en étant disponible, motivé et pas trop cher. Bon courage.