«J'ai de bonnes raisons de penser que je suis capable de faire quelque chose d'inédit.» C'est par ces mots que Noah Lyles a confirmé sa participation aux Championnats du monde d'athlétisme de Budapest (jusqu'au 27 août), au cours desquels le sprinter américain s'alignera sur 100 et 200m.
Double champion du monde en titre sur 200m, Noah Lyles rêve de marquer les esprits en s'imposant à la fois sur 100 et sur 200. Il est tellement certain de pouvoir y parvenir qu'il a carrément annoncé sur les réseaux sociaux ses futurs chronos en Hongrie: 9''65 sur 100 et 19''10 sur 200, ce qui constituerait un nouveau record du monde (la meilleure marque du demi-tour de piste est jusqu'ici détenue par Bolt en 19''19). La comparaison avec la légende jamaïcaine n'est pas fortuite car les deux hommes ont des traits communs, notamment pour leur sens du spectacle. L'an dernier après son titre mondial, Lyles avait déchiré son maillot, fait une course à dos de mascotte et réalisé un «kamehameha» sur la foule (attaque du héros du très populaire manga Dragon Ball).
A ses heures perdues, l'Américain se mue aussi en artiste: il dessine, il peint, il chante, allant jusqu'à entonner un rap dans le stade de Zürich après les finales de la Ligue de diamant en 2019. «C'est bien d'être rapide, mais qu'est-ce qui mène réellement au sommet?, se demandait-il dans une interview au Washington Post. Usain Bolt, son nom est entré dans les cœurs, au-delà du sport. Michael Phelps, nageur, au-delà du sport. Qu'est ce qui fait que l'on passe de populaire sur la piste à populaire dans le monde entier? Tu ne peux pas arriver là si tu joues à être quelqu'un d'autre.»
Compétiteur féroce, il remet à la mode le bon vieux «trashtalk» des sprinteurs US, effacé sous la domination d'Usain Bolt. En 2019, il avait taquiné Christian Coleman (champion du monde du 100 m) sur les réseaux sociaux. Fin juin 2022, aux sélections américaines, il a devancé et pointé du doigt en pleine course le jeune prodige Erriyon Knighton, qui avait quitté la piste furieux.
Chambrer, plaire et courir très vite, la vie de Noah Lyles n'a pourtant pas toujours été si simple. Né à Gainesville en Floride le 18 juillet 1997, enfant, il passe beaucoup de temps à l'hôpital pour traiter son asthme, avant d'être soulagé par une opération des amygdales et des végétations à l'âge de 6 ans.
Ses parents, tous les deux anciens athlètes, divorcent lorsqu'il a 13 ans: avec son cadet Josephus, ils partent vivre avec leur mère. Leur grande sœur Abby rejoint leur père. Dyslexique et victime de troubles de l'attention, il a du mal à l'école où il redouble son «first grade », l'équivalent du cours préparatoire. Mais il se révèle en diamant brut sur la piste d'athlétisme, un sport débuté à 12 ans avec son frère.
Devenu professionnel directement après le lycée, sans passer par la case université comme c'est la norme aux Etats-Unis, Lyles manque à 19 ans la qualification pour les Jeux de Rio en 2016 pour 9 centièmes de secondes. Il explose en 2018 où il devient presque imbattable en Ligue de diamant (15 victoires) avant d'être titré une première fois aux Mondiaux de 2019.
Mais la pandémie mondiale de Covid 19 affecte son moral, et, aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, il doit se contenter de la médaille de bronze.
Il avait retrouvé des couleurs et irradié lors des derniers Mondiaux à Eugene, devant son public et ses proches. «Je me sens moi-même pour la première fois depuis des années. Je ne m'étais pas autant amusé depuis 2018. Même en 2019 j'étais épuisé par une longue saison (réd: les Mondiaux avaient eu lieu en octobre au Qatar), alors que là je déborde d'énergie», avait-il expliqué après les séries du 200m. Cette nouvelle mentalité était «le résultat de beaucoup de travail, en thérapie, d'avoir ouvert les yeux sur certaines de mes relations, de me retrouver en fait, de savoir pourquoi je cours».
Il ajoutait alors: «Et de toute façon je suis un showman. J'aime faire plaisir aux gens. Ca a été impossible pendant la pandémie. Ca m'a affecté. J'en ai parlé à ma psy qui m'a dit: «Tu es un showman, sans la foule tes courses seront moyennes.» Je pense qu'elle avait raison.»
Il y aura beaucoup, beaucoup de monde dans le flambant National Athletics Centre (35'000 places), dimanche soir à Budapest pour le 100m. De quoi gonfler à bloc le moral et les cuisses du sprinter yankee. «Je n'ai aucun problème à parler de mes rêves. Peu importe si j'y arrive ou pas, a-t-il assumé vendredi lors de la conférence de presse de l'équipe américaine. La confiance est un mot intéressant. Les gens pensent que ça vient de nulle part. Mais non, ça vient de l'enchaînement des victoires. J'ai couru aux Trials avec le Covid, me qualifier pour les Mondiaux m'a encore renforcé. Chaque jour à l'entraînement j'en vois la preuve, en chiffres. J'ai de bonnes raisons de penser que je suis capable de faire quelque chose d'inédit.»
On saura dimanche, à 19h10 et quelques secondes, si Noah Lyles a eu raison de se croire aussi fort, ou s'il ne s'agissait pas simplement d'un élément de langage, de ce trash-talking qu'il adore et dont il est coutumier. (ats/afp/jcz)