La Corée du Sud s'apprête à réparer une petite anomalie. Ce pays qui adore, et pratique, le baseball depuis la fin du 19e siècle, n'avait encore jamais eu l'honneur d'accueillir un match de la prestigieuse ligue nord-américaine. La MLB avait voyagé au Mexique, au Japon, en Australie et en Angleterre, mais jamais en Corée. Cet «oubli» sera réparé ce mercredi et jeudi lorsque les Padres et les Dodgers pénétreront dans le Gocheok Sky Dome de Séoul pour l'ouverture de la saison régulière.
«La Corée du Sud étant un des plus grands pays de baseball au monde, on peut trouver étrange que la MLB ait attendu si longtemps avant d'y organiser des matchs», concède Gaétan Alibert. Cet ancien joueur du championnat régional français, auteur du livre «Une histoire populaire du baseball» (Ed. Blacklephant), expliquera plus tard les raisons pour lesquelles les Américains ont patienté avant de voyager jusqu'à Séoul. Auparavant, il tient à rappeler l'amour fou de ce peuple pour le jeu. Une passion souvent méconnue des Européens.
Le Gocheok Sky Dome de Séoul accueillera du monde (sa capacité est de 16 744 spectateurs) pour le duel des 20 et 21 mars entre deux franchises qui soignent une féroce rivalité ces dernières années. Surtout que chacune des deux formations possède dans ses rangs des joueurs coréens et/ou nippons.
La plupart des joueurs des deux franchises seront peut-être surpris par l'ambiance, «car elle est très différente de celle observée en Amérique du Nord, reprend notre expert. En Corée et au Japon, tout le monde porte le même maillot et anime les tribunes avec des chorégraphies, de la musique et des chants. Aux Etats-Unis, l'ambiance est plus confidentielle, à part lors de gros matchs à enjeux et durant les play-offs.»
#LGTwins fans waited 29 years for this. Incredible scene at Jamshil stadium tonight. #KBO #KoreanSeries pic.twitter.com/mRzJLTa8qc
— Daniel Kim 대니얼 김 (@DanielKimW) November 13, 2023
Cet enthousiasme dit beaucoup du rôle joué par le baseball dans la péninsule. «C'est un sport qui a servi à construire l'identité nationale de la Corée du Sud et à l'exprimer à l'international», souligne notre expert.
Le pays était destiné, tôt ou tard, à accueillir des matchs de MLB, surtout depuis les années 1990, lorsque la prestigieuse ligue nord-américaine a commencé à délocaliser certaines de ses rencontres officielles. Depuis 1996, 29 matchs de championnat se sont ainsi disputés au Mexique, au Japon, en Australie et en Angleterre (une statistique qui ne tient pas compte des matchs exhibition). Pourquoi pas en Corée?
«Parce que la MLB a une démarche prudente à l'international, songe notre interlocuteur. Elle vient d'ailleurs d'annuler un match qui était pourtant prévu en France en 2025.» Elle a pourtant beaucoup à gagner lors de ses tournées à l'étranger, pour autant que toutes les conditions soient réunies.
Tout de même, la fanbase de la MLB est vieillissante (on parle d'une moyenne d'âge de 45-55 ans) et si les voyages forment la jeunesse, alors ils permettront au baseball de renouveler leur public. Et ce n'est pas le seul intérêt d'une délocalisation: la MLB a pu constater, avec la très séduisante World Baseball Classic (une compétition internationale créée en 2006), tout l'intérêt des pays étrangers pour ce jeu, surtout depuis que le baseball est redevenu un sport olympique en 2020 à Tokyo.
Le championnat nord-américain réfléchit d'ailleurs à se mettre en pause à l'été 2028 afin de permettre à ses stars de participer aux Jeux de Los Angeles. «Rien que d'y penser, c'est une sacrée révolution», fait remarquer Gaétan Alibert.
Investir de nouveaux territoires permet enfin à la MLB de susciter des vocations et, à l'avenir, de trouver dans ces pays lointains de nouvelles forces vives pour son championnat. L'histoire a montré que certains des meilleurs éléments des Ligues coréenne (KBO) ou japonaise (NPB) ont le niveau pour évoluer en Amérique du Nord et s'y imposer dès leur première saison (Kodai Senga, Shoei Ohtani, Ha-seong Kim, etc.).
Mais pour que la magie entre le baseball coréen et américain opère, il faudra peut-être faire évoluer les mentalités. «La KBO n'est pas une ligue réputée pour sa puissance mais pour sa défense, relève Gaétan Alibert. Or la MLB moderne recherche la puissance, le home run.» Cette semaine, les Coréens auront l'occasion de voir de près toutes les qualités qu'ils devront développer pour espérer, un jour, intégrer le plus beau championnat du monde.