Le vélo est toute sa vie. Cette année, il a fait plus de 100 sorties et parcouru près de 7000 kilomètres. L'homme est le plus souvent en action autour de chez lui dans la vallée inférieure de l'Aar, non loin de la frontière allemande.
Même en hiver, ce cycliste amateur, qui gagne sa vie comme installateur électrique et possède une petite entreprise artisanale, est régulièrement en selle. Pour cela, il n'hésite pas à faire de longs voyages. Au début de l'année, il a roulé dix jours dans le sud du Sri Lanka. Il a également déjà fait du vélo en Thaïlande et passe presque toujours les fêtes de fin d'année à Majorque, sur son vélo.
Parfois, l'Argovien participe à des courses. Comme en été 2022, lorsqu'il a pris le départ du très exigeant Tour Transalp (609 km et 15'900 m de dénivelé positif sur sept étapes).
Ce sportif très entraîné documente aussi soigneusement ses sorties sur l'application Strava, très appréciée des cyclistes et des joggeurs, mais se montre plus réservé
lorsqu'on l'interroge sur son passé. En 2009, il a pourtant refusé de se soumettre à un contrôle antidopage lors d'une course et a certes été acquitté dans un premier temps. Mais l'Union cycliste internationale (UCI) n'a pas accepté ce jugement et a porté l'affaire devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), qui a suspendu l'homme, alors âgé de 39 ans, pour deux ans en 2010.
Peu après l'expiration de cette suspension, il a été contrôlé positif à la testostérone lors d'un test inopiné. Pour sa deuxième infraction, l'amateur s'est vu infliger huit ans de suspension.
Tout cela ne semble pas préoccuper l'Argovien. En 2018, il a été suspendu pour quatre ans pour avoir participé à des compétitions alors qu'il n'y était pas autorisé. Et en octobre dernier, il a été suspendu pour les huit prochaines années pour avoir participé au Tour Transalp il y a deux ans. Il doit également s'acquitter d'une amende de 5000 francs, des frais de procédure et d'une indemnité de 1500 francs à Swiss Sport Integrity.
Notre coureur, lui, ne peut pas être radié à vie, car participer à une épreuve sans y être autorisé provoque une suspension maximale de huit ans. Empêtré dans des problèmes de dopage depuis 2010 et jusqu'en 2033 au moins, l'Argovien est donc le sportif amateur le plus longtemps suspendu de Suisse pour dopage.
L'accusé ne s'est pas exprimé sur les faits qui lui sont reprochés auprès des autorités antidopage. Et lorsque CH Media, le groupe auquel appartient watson, l'a joint par téléphone pour lui demander pourquoi il ignorait ses suspensions, il a gentiment fait comprendre qu'il préférait ne rien dire, et encore moins lire à ce sujet.
Ses trois infractions ont eu lieu dans le cadre du Tour Transalpin, en 2015, 2017 et 2022. A chaque fois, l'homme, aujourd'hui âgé de 54 ans, a intégré son équipe. Aucun de ses partenaires ne veut s'exprimer sur le fait de savoir si celui-ci les a informés de son passé et s'ils étaient au courant que l'Argovien était suspendu. Ils le décrivent comme un type détendu, pas trop ambitieux ni acharné. Aucun ne comprend pourquoi il a eu recours à la testostérone en 2012.
Certains se montrent totalement surpris, tombent des nues selon leurs propres dires et font semblant de ne pas savoir. Parmi eux, des compagnons de longue date qui connaissent l'Argovien depuis plus de vingt ans et qui ont déjà passé des vacances à vélo avec lui. D'autres minimisent l'affaire comme une broutille.
L'un d'entre eux soupçonne l'Argovien d'avoir été «dénoncé» par un participant au Tour Transalpin. Rappelons que la loi sur le dopage s'applique à tous les athlètes titulaires d'une licence ou membres d'un club ou d'une association affiliée à Swiss Olympic. Il en va de même pour les participants aux compétitions de ces organisations. Ces sportifs peuvent donc être soumis à tout moment à des contrôles antidopage et, le cas échéant, sanctionnés. Ceci s’applique quels que soient leur niveau de performance sportive, leur âge et leur nationalité.
Et ce n'est pas seulement l'utilisation de substances interdites qui est punie, mais aussi l'importation, le trafic, le refus de se soumettre à des contrôles antidopage, l'administration à des tiers, la complicité de triche ou encore la possession de produits.
Le cycliste amateur argovien n'a certes été contrôlé positif qu'une seule fois mais depuis, sa suspension n'a cessé de s'étendre, car l'envie de participer à des compétitions est manifestement plus forte. Et il semble donc plus que probable que le dopé le plus longtemps suspendu de Suisse participera à nouveau à des courses à l'avenir. «A l'année prochaine peut-être», a commenté un utilisateur de Strava sur le compte de l'Argovien après le Tour Transalp 2022. La réponse du cycliste alémanique: «Oui, peut-être».