Quand il a enfin réussi à s'extirper de son lit lundi matin, le journaliste Grégoire Barbey a eu l'impression d'être «une grosse Suisse molle». Le genre de sentiment qu'ont connu ceux qui, le même jour, se sont levés aux aurores pour suivre d'un œil rouge et entrouvert la descente olympique remportée par Beat Feuz.
On dit des Jeux olympiques qu'ils sont une épreuve physique et ça n'est pas seulement vrai pour les athlètes: les fans de sport doivent aussi encaisser les sept heures de décalage horaire s'ils veulent profiter du spectacle. Mais comment tenir le coup quand les compétitions s'enchaînent? Quelle routine mettre en place pour être frais comme une tresse au beurre au milieu de la nuit? On a posé la question à ceux qui les préparent.
Autrement dit: tout le monde est-il capable, physiquement et moralement, d'enchaîner les courtes nuits? Boulangère-pâtissière de formation, Melinda Binggeli pense que oui. «Dormir peu, ça s'apprend», explique celle qui se lève chaque jour à 23h30. Elle se dit suffisamment entraînée pour pouvoir fermer l’œil «n'importe où et n'importe quand», mais le plus souvent à heures fixes: entre 20h et 23h30 puis entre 8h et midi.
Pascal Clément, lui, pense au contraire qu'être un petit dormeur «n'est pas donné à tout le monde». Ce propriétaire de onze boulangeries dans le canton de Vaud s'estime chanceux: il n'a jamais eu de mal à émerger. «Quand j'étais à l'école, je faisais mes devoirs à 4-5 heures du matin, parce que c'est à ce moment-là que j'apprenais le mieux. Et le week-end, je me levais aux mêmes heures pour faire des gâteaux à mes parents.»
La musique doit être assez forte pour galvaniser, mais suffisamment douce pour ne pas décourager. Choisis ton camp, dormeur! Kevin Pultau, artisan à Saint-Sulpice: «J'ai toujours opté pour quelque chose de brutal et efficace. Genre: LaLaLaLa».
Pour obtenir cette sonnerie, envoie «marteau piqueur sur l'A1» au 1019.
Melinda est aussi du genre chantier d'autoroute: «Il faut que ce soit fort et rythmé. En un mot: motivant».
Si tu n’aimes pas la sonnerie de ton réveil pendant ces Jeux, tu peux désormais utiliser @J_Nicolet pic.twitter.com/8VrPY915uB
— Jean-Frédéric Debétaz (@jfdeb) February 7, 2022
Tous les boulangers que nous avons interrogés nous ont bien fait comprendre que le réveil, c'était un peu comme un sparadrap qu'on arrachait: il faut y aller d'un coup sec pour ne pas souffrir trop longtemps. «A l'époque, je me levais gentiment en mettant trois réveils, mais ma femme a fini par faire chambre à part! Désormais, quand le réveil sonne, je m'habille et je fous le camp», se marre Pascal.
«Si je n'avais qu'un seul conseil à donner aux fans de sport, c'est celui-ci: dès que le réveil sonne, il faut quitter le lit et aller regarder la télévision dans le salon», insiste Sébastien Godineau, boulanger à Penthalaz. «Suivre la compétition sur son écran de téléphone depuis son lit, c'est le meilleur moyen de se rendormir.»
Melinda va même plus loin: «Au salon, optez pour une position assisse plutôt qu'allongée». Le combo «plaid-oreiller-méridienne» est à proscrire: il a toutes les chances de vous envoyer au pays des rêves avant la pub.
Préambule: cette sous-rubrique n'a été validée par aucun nutritionniste qualifié.
Les boulangers comptent les cafés comme d'autres les moutons. «Le secret, c'est le petit noir bien serré», nous dit Sébastien, qui en enchaîne jusqu'à 6 avant le lever du soleil. Le jeune homme ne mange rien avant plusieurs heures. Idem pour Pascal, qui travaille le ventre vide jusqu'à 9 heures, voire 10.
«Quand on a coup de fringale, un coup de mou, c'est quand même bien de s'alimenter», recommande Kevin, adepte du duo le plus célèbre de Suisse (après celui formé par les deux Vincent): le pain-fromage.
Les marathoniens ont le mur du 30e kilomètre, les boulangers celui de 5 heures. «C'est le pire moment de la journée», avoue Pascal. Les jambes et le cerveau tournent alors moins vite que la machine à pétrir. Deux solutions permettent de reprendre le dessus: s'offrir une pause en prenant un café, ou baisser le rythme.
Les téléspectateurs des JO n'étant confrontés à aucune exigence de rendement, on ne peut que leur conseiller, si leurs paupières se mettent à trembler avant le lever du soleil, de se resservir un espresso en aérant la pièce.
Non selon Pascal. «La sieste, c'est vraiment pour ceux qui travaillent toute l'année durant la nuit», estime-t-il. «Quand on veut suivre les JO, on peut tout à fait attendre le soir pour dormir.»
Le chef d'entreprise rappelle que les heures avant minuit comptent double. Sa recommandation jusqu'à la cérémonie de clôture le 20 février: se coucher vers 19 heures, dormir dans les 30/60 minutes qui suivent puis se lever vers 2 heures du matin. «Il faut des horaires fixes et de la discipline pour que le corps s'habitue», insiste Melinda. Sébastien est du même avis: «C'est bien plus simple de dormir quand vous suivez une routine. Parfois, je me lève même quelques minutes avant le réveil». C'est ce qui s'appelle un champion olympique.