Le FC Thoune pense au titre, mais ne veut pas s'emballer
Il y a vingt ans, le club de l'Oberland bernois vivait sa première et unique campagne de Ligue des champions. A Londres, sur la pelouse du vénérable stade d'Highbury, il manquait de peu un authentique exploit face à Arsenal. Après l'égalisation de Nelson Ferreira, les Gunners étaient sauvés par un but de Dennis Bergkamp dans le temps additionnel (2-1).
Comme Ferreira, Andres Gerber et Mauro Lustrinelli faisaient partie d'une formation thounoise qui venait de signer la meilleure saison de son histoire sur la scène nationale. Deuxièmes de Super League en 2004/05, les Thounois avaient ensuite décroché leur billet pour la Ligue des champions en franchissant deux tours de qualification.
Le classement actuel:
Le trio est toujours là, ou plutôt de retour, et écrit une nouvelle page de l'histoire du club dans d'autres rôles. Le capitaine de l'époque, Gerber, est devenu président du club. Lustrinelli, l'ex-buteur, en est l'entraîneur, assisté par Ferreira, l'ancien ailier. Les trois hommes forts du FC Thoune racontent leur nouveau succès dans une interview accordée à Keystone-ATS.
Six victoires consécutives, neuf points d'avance sur la concurrence, le tout en tant que promu: est-ce que vous devez parfois vous pincer?
Mauro Lustrinelli: «C'est fantastique, sensationnel, historique. Nous en sommes déjà conscients. En même temps, ce n'est qu'un instantané. Nous avons pu déclencher cette euphorie, c'est bien, mais l'accent est toujours mis sur le travail quotidien.»
Quel est le secret du FC Thoune?
Andres Gerber: «Il n'y a pas de secret. Ce sont différentes pièces de puzzle qui s'imbriquent les unes dans les autres. Nous avons une grande continuité au sein du club, grâce à laquelle nous pouvons travailler en toute sérénité. Le directeur sportif est là depuis 15 ans, nous avons des entraîneurs de longue date pour la condition physique et les gardiens. Je suis au club depuis plus de 20 ans, Nelson et Mauro sont également des piliers du club. Et nous avons confiance les uns envers les autres.»
Lustrinelli: «Un mot important pour moi est la résilience. Lorsque surviennent des situations où tout ne tourne pas rond, nous devons rester calmes et nous en sortir en tant qu'équipe. C'est un processus. Jusqu'à présent, nous avons montré 13 bonnes performances. Même dans les défaites, nous avons bien joué. L'équipe est restée calme et affamée.»
Jusqu'où ce chemin peut-il mener?
Gerber: «On nous demande si on peut aller chercher le titre. Rêver est la dernière chose que l'on peut reprocher à quelqu'un. Je mentirais donc si je n'en rêvais pas. C'est déjà un objectif, une vision. Nous allons tous les jours au travail et tous les week-ends sur le terrain parce que nous voulons gagner. Avec autant d'avance après 13 matches, ce serait de la fausse modestie de dire que c'est irréaliste, ou que personne n'y croit. Nous ne sommes pas déconnectés ou naïfs, nous savons très bien que cela dépend aussi de la concurrence. Nous pouvons faire notre truc à la perfection, mais si les autres le font aussi à la perfection, cela deviendra difficile.»
Est-ce que vous signeriez aujourd'hui pour la deuxième place à la fin de la saison?
Lustrinelli: «Si tu connais déjà l'avenir, tu perds toute curiosité. J'aime le processus, le chemin que nous suivons, je veux en profiter. Pourquoi devrais-je signer pour une 2e place? Je ne le ferais pas.»
Et le président ?
Gerber: «Nous pourrions finir 2es et être tout de même malheureux. Nous serions déjà contents d'être 2es, mais on ne peut pas savoir comment ça va se passer ces prochains mois, donc je suis comme Mauro: je ne signe pas!»
Prenons la machine à remonter le temps et revenons 20 ans en arrière. Quelle était l'émotion de jouer la Ligue des champions avec le petit FC Thoune?
Nelson Ferreira: «C'était un moment fort pour nous tous, une période incroyable. Tout était parfait, sinon nous n'aurions pas pu remporter ces grands succès. Cela sonne comme un cliché, mais c'était vraiment le cas. Nous étions une grande famille sur et en dehors du terrain. Avec le recul, nous n'en avons pas assez profité, nous étions dans une sorte de tunnel. Si je pouvais revenir en arrière, je profiterais davantage de tout.»
Gerber: «C'est la cohésion qui nous avait amenés là. La joie primait sur tout. Tactiquement, nous n'étions pas très bons et le mot résilience ne nous était pas encore familier à l'époque (rires). Nous avions de l'ambition, et pourtant nous étions meilleurs que ce que nous pensions. Nous étions insouciants, nous n'avions pas de pression.»
Il y a donc certains parallèles avec aujourd'hui...
Gerber: «C'était très différent à l'époque. En tant que club, nous n'étions pas prêts pour la Ligue des champions, nous étions complètement dépassés – et ce n'est pas un reproche. Il y a 20 ans, le FC Thoune n'était pas aussi prêt qu'aujourd'hui. Nous étions presque un club amateur, nous avions des bureaux provisoires et deux employés. Lorsque nous nous sommes qualifiés pour la phase de groupes, le club a dû chercher 20 employés du jour au lendemain. Ensuite, il y avait la présence des médias. Nous devions donner des interviews tous les jours, nous étions tout à coup devenus des stars.»
Vous pourriez à nouveau écrire l'histoire dans de nouveaux rôles. Que doit-il se passer pour que le FC Thoune soit toujours en tête du classement à la fin de la saison?
Ferreira: «Nous ne regardons pas trop loin dans l'avenir, nous nous concentrons sur le prochain match. Nous voulons continuer sur la voie que nous avons choisie, travailler dur et avec plaisir jour après jour. C'est ce qui nous rend forts.»
Lustrinelli: «C'est beau quand, après une victoire à Genève (réd: 1-0 contre Servette), le calme règne dans le vestiaire et l'euphorie ne prend pas le dessus. Mission accomplie. Le prochain défi arrive. Samedi, Lugano nous attend. Il sera passionnant de voir avec quelle tactique, avec quelle stratégie ils vont se présenter. Pour nous, il s'agit de chercher des solutions. Je suis curieux de voir comment nous allons relever ce prochain défi.»
