Granit Xhaka ne jouera pas dimanche face à l'Italie ni mercredi en Irlande du Nord. Et c'est une vraie tuile: le capitaine de la Nati, remarquable lors du dernier Euro, va beaucoup manquer à son équipe dans ces matchs déjà cruciaux pour la qualif au Mondial 2022. La raison de cette absence? Un test positif au Covid-19.
Xhaka est le seul joueur de la Nati à ne pas s'être fait vacciner. Alors forcément, dans un pays où le débat sur la vaccination est féroce, son forfait fait grincer des dents. Celles du journaliste de Blick Ugo Curty, par exemple, qui dénonce dans son édito «une décision égoïste qui serait difficilement acceptable pour n’importe quel joueur, mais qui devient incompréhensible pour le capitaine.»
Jean-François Collet, propriétaire et président de Neuchâtel Xamax, est du même avis.
Comme la Nati et le cas Xhaka, les clubs peuvent perdre leurs meilleurs éléments pour plusieurs matchs, le temps de la guérison et de la quarantaine. Avec plusieurs cas positifs dans le contingent, des parties peuvent être renvoyées, serrant encore plus un calendrier déjà bien chargé.
Le risque que ces reports cassent des dynamiques positives existe aussi. Celui de Covid long également. «Quand on a été relégué en Challenge League en été 2020, on a a eu une longue série de défaites juste après notre quarantaine. Je soupçonne la maladie encore présente chez certains joueurs d'avoir eu un impact sur ces mauvais résultats», rembobine amèrement «Jeff» Collet.
Au bout du fil, le boss xamaxien en a gros sur la patate. Avec le médecin du club, il tente de convaincre depuis des mois ses joueurs de se faire vacciner. Environ 90% l'ont fait. «J’essaie encore de faire changer d'avis les récalcitrants. Mais c'est difficile, parce il y a des sortes de croyances: un joueur m’a expliqué que sa grand-mère a eu la sclérose en plaques après le vaccin», soupire le président neuchâtelois.
Au Stade Lausanne Ouchy, les dirigeants se méfient davantage des potentiels effets secondaires spectaculaires de la piqûre. Et pour cause: le club de la Pontaise a vécu un traumatisme au mois de mai. «Notre joueur Michaël Perrier s’est fait vacciner fin avril, puis il a eu un arrêt cardiaque», s'émeut Hiraç Yagan. Pour le directeur sportif, le lien cause-conséquence est clair. Fort heureusement, le milieu de terrain de 32 ans s'en est sorti sans séquelles, après quatre jours de coma.
Mais cet épisode a refroidi les ardeurs des autres joueurs vaudois d'opter pour le vaccin. «Michaël a été le premier à le faire. Après son accident, 5-6 joueurs ont annulé leur rendez-vous. Aujourd’hui, peu sont vaccinés», explique Hiraç Yagan. Malgré leur scepticisme, le directeur sportif et la direction du SLO ont laissé le médecin du club militer auprès des joueurs en faveur du vaccin: «C’est lui le plus compétent pour juger et les conseiller. Et on est dans une démocratie, alors on leur laisse le libre choix.»
Si la décision ne tenait qu'à lui, Jean-François Collet, au contraire, ne laisserait pas cette liberté à ses employés.
En aurait-il le droit? Comme la vaccination au Covid-19 est récente, les certitudes ne sont pas à l'ordre du jour. Y compris chez les experts. «Je doute de la validité légale d’une telle clause. Mais il existe probablement une autre opinion», avance prudemment Rémy Wyler, avocat et spécialiste de droit du travail. Le Lausannois ne croit pas davantage à la possibilité d'imposer la vaccination à des employés d'un club de foot professionnel.
Le juriste vaudois estime aussi qu'«un licenciement d’un joueur contaminé et non-vacciné serait probablement abusif» et que des sanctions financières en cas d'absence pour cette raison à des matchs ou entraînements ne seraient pas légales dans notre pays.
Au FC Sion, on préfère la carotte au bâton. Son président Christian Constantin fait dans le pragmatisme:
Le boss de Tourbillon est prudent sur la question de la vaccination. «Je n’ai ni les compétences médicales ni la loi pour obliger mes joueurs à la faire, reconnaît-il. Et c'est une question de choix personnel.»
Malgré tout, le club valaisan met sur pied des séances collectives de piqûre pour ceux qui le désirent. Rhône FM informait le 11 août que, sur les 35 joueurs du contingent du FC Sion, neuf avaient reçu les deux doses et dix-neuf attendaient la seconde. Sept joueurs refusaient toujours de se vacciner, «malgré les encouragements du club à le faire». «On leur a expliqué l’importance de ce vaccin sur le plan professionnel, mais aussi social. Ils ont évidemment le droit d’avoir leur position, mais on se doit en tant que club de les rendre attentifs à l’importance de la campagne vaccinale», confiait à la radio valaisanne Massimo Cosentino, directeur général du FC Sion.
En dépit du manque de ressources légales pour imposer ses souhaits, Jean-François Collet a déjà posé un premier jalon concret – en plus de la sensibilisation – pour inciter certains «Rouge et noir» à placer leur épaule sous l'aiguille. «On prévient les joueurs à cheval entre les M21 et la première équipe que s'ils ne se vaccinent pas, ils ne s'entraîneront ni ne joueront pas avec celle-ci. Parce que chez les M21, le risque de contamination est élevé puisque il y a moins de contrôles. Au contraire, les pros sont testés régulièrement.»
Imposer un certificat Covid (délivré aussi grâce aux tests) à tous les joueurs et au staff à chaque match, c'était la solution trouvée par la Swiss Football League fin juillet, en réaction au report de deux matchs de Challenge League lors de la première journée. Mais avec le cas Granit Xhaka, décidera-t-elle de franchir un nouveau cap?
ℹ️ Covid-Zertifikat (auch) für Spieler und Staff obligatorisch.
— Swiss Football League (@News_SFL) July 28, 2021
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ℹ️ Un certificat Covid obligatoire (aussi) pour les joueurs.
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C'est ce qu'a fait la NHL, par exemple. La célèbre ligue nord-américaine de hockey sur glace vient d'annoncer pour la saison à venir de lourdes mesures pour les non-vaccinés – tests quotidiens et isolation lors des déplacements – qui se transformeraient en sanctions en cas de contamination, telles que des suspensions et des retenues de salaires.