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En crise, le football suisse veut faire du «Donald Trump»

En crise, le football suisse veut faire du «Donald Trump»
image: keystone/watson

En crise, le football suisse veut faire du «Donald Trump»

Dépassés par les joueurs venus de l'étranger, les jeunes footballeurs suisses ne disposent pas suffisamment de temps de jeu en Super League et Challenge League. Il convient de remédier à ce problème pour le bien de la Nati, c'est pourquoi l'Association suisse de football (ASF) cherche activement des solutions, avec un leitmotiv: «Switzerland First».
30.11.2024, 07:00
Sébastien Wendel

Depuis la mi-septembre, un sujet revient fréquemment aux abords des stades suisses et il concerne le manque de temps de jeu des jeunes talents, aussi bien en Super League qu'en Challenge League. Si la courbe ne s'inverse pas, cela impactera négativement l'équipe nationale dans quelques années. En d'autres termes, la participation régulière aux tournois internationaux est menacée.

Rien ne s'est amélioré depuis que l'Association suisse de football a tiré la sonnette d'alarme il y a désormais deux mois. Le temps de jeu des M21 stagne à un niveau inquiétant. On parle d'une moyenne de 1'000 minutes par journée, ce qui ne représente pas 10% du temps total.

Le regard porté sur la Challenge League est particulièrement critique. Car depuis cette année, soutenir la relève peut rapporter gros aux clubs. Quiconque offre un total de 6'000 minutes sur la saison aux M21 de nationalité suisse recevra 50'000 francs. Un montant doublé si les joueurs atteignent les 8'000 minutes. Ce qu'il restera dans la cagnotte en fin d'exercice sera enfin partagé entre toutes les équipes ayant fait jouer les jeunes durant au moins 8'000 minutes.

Or cette perspective d'enrichissement ne semble pas toucher les clubs. Ou du moins, elle n'est pas assez lucrative. Selon les prédictions actuelles, seules trois équipes sur dix (Nyon, Schaffhouse, Wil) atteindront la barre des 6'000 minutes en fin de saison. Cela ne représente pourtant que 166 minutes par match, en sachant que les talents helvétiques n'ont pas à être titulaires.

Une stratégie à revoir

En interrogeant les responsables de plusieurs clubs de Challenge League, deux constats s'imposent. D'une part, l'actuel trophée M21, récompensant les équipes les plus investies dans la formation, devrait être transformé en trophée M23. Car celui qui dépasse les 21 ans reste jeune et peut encore rejoindre un championnat étranger de haut niveau via la Super League, et donc potentiellement les rangs de la Nati. En fait, la pratique actuelle contredit le souhait exprimé par l'ASF, qui consiste à laisser la porte ouverte aux talents qui se révèlent tardivement.

L'entraineur Christophe Caschili (NYO) reagit lors de la rencontre de football de Challenge League entre FC Stade Nyonnais et FC Thun le vendredi 1 novembre 2024 au stade de Colovray a Nyon. (KEY ...
L'entraîneur de Nyon, Christophe Caschili, est l'un des rares en Challenge League à donner du temps de jeu à ses jeunes joueurs.image: Keystone

La ligue et la fédération devraient également être effrayées par les déclarations de plusieurs dirigeants qui affirment qu'ils feront appel à davantage de jeunes formés en Suisse, selon le déroulement de la saison. Traduction: ce n'est que quand tout sera joué et qu'il n'y aura plus d'intérêt sportif (maintien assuré, aucune chance de monter) que les équipes s'intéresseront à ces joueurs, dans un pur intérêt financier. Les réalistes évoquent le «principe de performance». Les pessimistes constatent le peu de crédit accordé à la relève, si même les subventions ne la rendent pas attractive.

A l'heure actuelle, un seul club de Super League (Lucerne) devrait atteindre les 6'000 minutes offertes aux jeunes. Le championnat de première division jouant un rôle dans le marché mondial des transferts, les effectifs sont naturellement internationaux. Mais il y a de bonnes raisons d'encourager davantage les talents. Sur ce même marché des transferts, les professionnels suisses sont par exemple extrêmement demandés.

Derrière les nations de pointe, seule la Croatie fournit plus de joueurs que la Suisse. Cela signifie de belles indemnités de transfert.

Le fait que les clubs suisses, qui investissent des millions dans la formation, n'offrent guère de place à leurs jeunes est difficilement compréhensible de l'extérieur. Cela est probablement dû au faible poids des responsables de la relève dans les organes décisionnels des clubs.

Une course contre la montre

Il y a donc suffisamment de raisons pour enclencher un important changement, qui plus est rapidement. Car oui, le temps presse. Un groupe composé de représentants de la fédération, des ligues, y compris celles de niveau amateur, planche depuis quelques semaines sur cette crise. Des propositions concrètes sont attendues pour le printemps prochain, afin qu'elles puissent être introduites dès la saison 2026/2027. Impossible d'aller plus vite, les adaptations dans le règlement devant être approuvées en haut lieu par les assemblées.

Patrick Bruggmann, Marc Hottiger, Jean-Claude Donzé et Pierluigi Tami du côté de l'ASF, ainsi que David Degen, Sandro Burki et Silvano Lombardo pour les clubs et la ligue, élaborent donc des solutions et échangent sur de possibles évolutions, en relation étroite avec leur organe d'origine. Il semble désormais clair que l'accent sera mis sur la Challenge League. Le défi consiste à l'agrandir sans en diluer le niveau.

Le passage à 20 équipes, réparties dans deux groupes régionaux, comme évoqué par le directeur des équipes nationales Pierluigi Tami, n'est toutefois pas une option.

Il est davantage probable que les prix financiers soient modifiés, selon la divise: seuls ceux qui promeuvent la «suissitude» profiteront de l'argent. Patrick Bruggmann, directeur du développement à l'ASF, déclare à ce sujet: «Il n'y aura probablement pas plus d'argent. Nous devons surtout le répartir différemment».

Le dirigeant va encore plus loin et évoque un système d'amendes: «Chaque club est libre de composer son effectif comme il l'entend. Mais la Challenge League en priorité, ainsi que la Super League, doivent être à la hauteur des centres de formation. Ceux qui préfèrent miser sur des joueurs étrangers pourraient contribuer à la relève sous la forme d'un soutien financier». Dans la pratique, cela pourrait se présenter ainsi: GC, dont les propriétaires américains ne devraient pas se soucier de l'avenir de la Nati, versera au FC Lucerne une contribution pour ses efforts.

Patrick Bruggmann, Technischer Direktor SFV, spricht neben Tatjana Haenni, Direktorin Frauenfussball, waehrend einer Medienkonferenz des Schweizerischen Fussballverbands SFV zur Strategie 2021-2025, a ...
Patrick Bruggmann veut innover.Image: KEYSTONE

Permettre aux joueurs issus de la formation suisse de jouer plus de minutes est donc à ce jour la principale préoccupation de l'ASF. Or l'instance intervient ici directement dans le travail des clubs, qui restent logiquement sur la défensive. Ils souhaitent que la fédération aborde la crise de la relève sous un autre angle et se demandent après tout si le faible temps accordé n'est pas dû tout simplement à la qualité des talents formés.

Patrick Bruggmann comprend les doutes émis par les clubs. Il souligne que les stratégies de formation sont également remises en question au sein de l'Association suisse de football. L'une des principales conclusions est que l'accompagnement des talents entre le niveau junior et le monde professionnel doit être amélioré. Un plan de développement individuel est pour cela nécessaire. C'est dans ce domaine que la fédération souhaite soutenir les clubs à l'avenir.

Le dirigeant ajoute qu'il est essentiel que la relève soit organisée pour des raisons idéalistes et non pas monétaires. Les modèles à suivre se trouvent en Espagne, avec l'Athletic Bilbao et la Real Sociedad, qui s'appuient depuis des décennies sur la formation locale, et dans le cas de Bilbao, régionale.

Avec succès, puisque les Rojiblancos n'ont jamais été relégués et sont régulièrement conviés en Coupe d'Europe.

L'ASF a déjà envisagé un déplacement en Espagne, pour permettre aux directeurs sportifs des clubs professionnels suisses de comprendre le modèle développé par ces deux institutions, et découvrir sur place ce qu'il faut pour qu'il y ait plus de «suissitude» en Super League et Challenge League.

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