Mercredi soir, quelques instants avant le début de la partie de Ligue des champions entre le PSG et Milan, la régie de Canal plus a projeté à l'écran la composition de l'équipe «italienne».
Les journalistes et consultants en plateau n'ont pas semblé se rendre compte du moment historique que le club plus que centenaire était en train de vivre. Mais David Ginola, si. L'ancien international français a recentré le débat et interrogé ses collègues:
Le présentateur du Canal Champions Club a rappelé en substance qu'il n'y avait pas vraiment de quoi être surpris puisqu'après tout, Arsenal avait déjà joué sans Anglais par le passé. Mais Ginola a insisté: «C'est problématique (...) Le Milan AC sans aucun joueur de son pays, ça me fait froid dans le dos.» La déception était aussi perceptible chez Gaetano Tripodi, président et fondateur du Milan Club de Crans-Montana:
Les rossoneri s'étaient déjà présentés sans Transalpins face à la Salernitana en mars dernier, c'était en championnat et cela avait marqué un tournant historique dans l'histoire moderne du club lombard.
0 - Milan will not field any Italian player in the starting line-up in a Serie A match for their first time in the three points for a win era (since 1994/95). News.#MilanSalernitana pic.twitter.com/5xTTjeVruM
— OptaPaolo (@OptaPaolo) March 13, 2023
A l'époque, Roberto Mancini avait trouvé cela décourageant. On avait aussi pu lire des commentaires comme «ça craint», ou «quelle honte» parmi les amoureux du foot italien. Mais Mancini, qui était encore le sélectionneur des Azzurri, avait aussi demandé de regarder au-delà des chiffres.
Aujourd'hui, la Serie A est un championnat qui accorde beaucoup de temps de jeu aux étrangers, comme le révèlent les chiffres du Centre International d'Etude du Sport (CIES).
Et au sein même de la Botte, le Milan AC est l'un des clubs qui sollicite le plus les étrangers, toujours selon les chiffres du CIES.
Roberto Mancini évoquait en mars dernier des «solutions à trouver». Mais lesquelles? Mercredi soir, peu avant PSG-Milan, David Ginola préconisait de réguler les effets de l'arrêt Bosman qui, en 1995, avait permis la libre circulation des joueurs en ne limitant plus le nombre d'étrangers par club (on vous la fait courte). Or certains réclament aujourd'hui la réintroduction de quotas. «La bonne solution, ce serait de ne pas avoir plus de 5 joueurs étrangers par équipe sur le terrain», songe Gaetano Tripodi, persuadé qu'avec une telle mesure, son Milan n'aurait jamais laissé partir Lorenzo Colombo en prêt à Monza. «C'est un attaquant italien qui a fait sa formation chez nous. Je n'arrive pas à comprendre pourquoi il ne fait plus partie de l'équipe», déplore le tifoso valaisan.
Le cas de Lorenzo Colombo est intéressant. Il montre que le recours aux footballeurs étrangers est moins une question de règlement que de philosophie. Le Milan, qui mise énormément sur les expatriés, l'a laissé partir dans le club qui fait le plus confiance aux Italiens en Serie A (79,4% des minutes disputées par les joueurs du club l'ont été par des Transalpins).
De fait, l'arrêt Bosman n'est pas le (seul) responsable de la situation actuelle. Sinon comment expliquer ce chiffre:
C'est le 2e plus haut total après celui de l'an dernier (61,7%). Cela signifie que, chaque année depuis plus de dix ans, le nombre d'expatriés augmente dans le championnat italien. Joint par téléphone, le directeur du CIES explique pourquoi:
Si rien ne change, si le football italien conserve ses habitudes et le Milan AC sa philosophie, on ne risque pas de voir plus de Transalpins à San Siro ces prochaines années, et il viendra le jour où David Ginola ne s'offusquera même plus en lisant la composition du club lombard en Ligue des champions.