Le voyage galère de GC reflète les problèmes du foot féminin
Le Grasshopper Club Zurich a écrit l’histoire la semaine dernière. Pour la première fois, son équipe féminine disputait un match officiel international. Lors du premier tour qualificatif de l’Europa Cup, les Zurichoises ont battu 2-0 les championnes du Kazakhstan, BIIK Shymkent. Janina Egli a fait exploser de joie les 700 spectateurs du Letzigrund avec son doublé. L’entrée en scène européenne est réussie.
Malgré cette bonne avance, le retour prévu jeudi au Kazakhstan s’annonce ardu. Chez les joueuses, ce voyage suscite des sentiments partagés. «D’un côté, c’est cool. Je ne pense pas que je serais allée au Kazakhstan un jour autrement», confie la capitaine Luna Lempérière.
Zurich et la ville de Shymkent, dans le sud de ce pays majoritairement situé en Asie centrale, sont séparées par près de 5 000 kilomètres à vol d’oiseau. Comme aucun vol direct ne relie les deux villes, l’équipe de GC a pris lundi un bus jusqu’à Munich, avant de s’envoler de nuit vers Shymkent. Le trajet a duré environ six heures et demie.
L’horaire du match constitue un défi supplémentaire. Le coup d’envoi est fixé jeudi à 11h00 le matin, heure locale – soit 8h00 en Suisse.
Avec le décalage horaire, les joueuses zurichoises vont se lever vers 4h du matin, heure suisse, afin de pouvoir manger un vrai repas avant la rencontre. Pour s’y préparer, elles ont commencé ces derniers jours à adapter leur rythme de sommeil, explique Luna Lempérière.
Télétravail depuis le Kazakhstan
Le retour est prévu vendredi, car GC recevra déjà dimanche le FC Bâle en championnat. En clair: l’équipe est en déplacement du lundi au vendredi. Pour certaines joueuses, c’est un vrai casse-tête. Ne pouvant vivre uniquement du football, elles exercent un deuxième métier et doivent donc négocier avec leur employeur. Résultat: certaines doivent poser des jours de congé, d’autres sont contraintes de travailler à distance depuis le Kazakhstan.
C’est le cas de Lempérière. La milieu de terrain de 24 ans occupe un poste à 60 % comme spécialiste opérations chez la marque de chaussures On. Son emploi du temps habituel: bureau le matin, entraînement l’après-midi. Pour le voyage au Kazakhstan, elle a pris quelques jours de vacances et travaille aussi à distance – dans le bus pour Munich ou à l’hôtel sur place. «Le staff connaît notre situation. C’est pourquoi nous n’avons pas un programme complet (d'entraînement) au Kazakhstan», précise-t-elle.
Comme l'explique la capitaine, cinq autres coéquipières vivent la même contrainte. S’y ajoutent deux jeunes joueuses scolarisées dans un centre sportif, qui ont dû obtenir une dispense de cours. Le reste de l’effectif est composé d’étrangères professionnelles, qui n’ont pas à jongler entre football et second emploi.
Bonne nouvelle: l'effectif de GC au complet a pu faire le déplacement. Mais la situation illustre la grande inégalité qui persiste dans le football suisse de haut niveau entre hommes et femmes. Imaginer un joueur du FC Bâle ou de Young Boys posant des congés pour un match d'Europa League est impensable. Pour les femmes, c’est la réalité.
Malgré cette double charge de travail, l’horaire matinal et le voyage éreintant, c'est l’enthousiasme qui domine chez Luna Lempérière. «Nous sommes ravies de pouvoir jouer à l’international», dit-elle. L’objectif est clair: passer un tour supplémentaire et se faire un nom dans cette nouvelle Europa Cup, disputée pour la première fois cette année.
Adaptation en français: Yoann Graber