Dans le roman de Jules Verne, ils réalisent le tour du monde en 80 jours. Le vainqueur le plus rapide du Vendée Globe, Armel Le Cléac’h en 2016/2017, a abaissé cette marque de six journées. Il était seul. Seul avec ses voiles au milieu des océans, durant 74 jours, 3 heures et 35 minutes. Ce qu'il a réalisé est une prouesse.
Le Cléac’h ne s'est jamais arrêté. Cela signifie 74 journées passées à tanguer, à se confronter au vent et aux vagues et à manger des aliments lyophilisés. Tout cela, sans se reposer, car il faut garder le cap, s'orienter, trouver les bons vents et en profiter. Il arrive certes que le soleil brille et que la mer soit calme. Mais les navigateurs du Vendée Globe doivent aussi composer avec le froid glacial et les tempêtes.
Se sent-on seul? La routine finit-elle par s'installer? La lutte contre les éléments est également une lutte contre soi-même. Pour autant, les marins n'ont pas réellement l'ennui, car ils sont constamment sous pression et accaparés par le travail. Ce qu'ils réalisent est presque inhumain. Le sommeil est évidemment une denrée rare. Les périodes de repos n'excèdent jamais plus de deux ou trois heures.
Dans L'Expédition du Kon-Tiki, le Norvégien Thor Heyerdahl décrit de manière impressionnante son voyage légendaire à bord d'un radeau à travers le Pacifique. Je me suis plongé dans son livre et j'ai essayé d'imaginer ce que les hommes ont vécu lors de cette aventure. Les événements ont souvent mal tourné et l'ombre de la mort planait régulièrement sur eux. Au moins, ils étaient six.
Ce n'est pas le cas au Vendée Globe. Les participants sont livrés à eux-mêmes. Certes, ils bénéficient des aides technologiques. Ils peuvent aussi communiquer avec le monde. La course reste néanmoins une épreuve en solitaire, sans escale et sans assistance, n'en déplaise aux puristes.
Les skippers doivent savoir tout faire. Ils réparent le matériel défectueux et soignent les blessures en cas d'accident. Car où ils naviguent, dans les contrées australes, les bateaux sont moins nombreux que sur le Léman. Ils ne peuvent pas compter sur un sauvetage immédiat.
Jules Verne. Thor Heyerdahl. Armel Le Cléac’h. Ce sont eux qui nous permettent, à nous, terriens, habitants d'une Suisse enclavée, de vivre le Vendée Globe. Si votre ventre est remué dès que vous montez sur une embarcation, vous ne pouvez avoir qu'un profond respect pour tous les marins de l'extrême.
Au final, ils seront peu à réussir leur tour du monde. Les abandons sont légion. Car les marins ne sont pas des joueurs. Ils savent évaluer les risques et prendre les bonnes décisions pour sauver leur vie. Il n'y a eu que trois drames dans l'histoire du Vendée Globe. Le dernier en date? La mort de l'Américain Gerry Roufs en 1997. «Les vagues ne sont plus des vagues, elles sont hautes comme les Alpes», avait-il glissé à la radio avant que le contact soit perdu.
Une référence à l'Everest et aux montagnes de l'Himalaya n'aurait pas été exagérée. A côté d'une telle course, le récent défi du youtubeur Inoxtag paraît tout à fait normal.
Il ne suffit pas d'être courageux, intelligent et travailleur pour revenir en vie aux Sables d'Olonne. Le Vendée Globe exige aussi de la chance. Il est normal que tous ceux qui arrivent à bon port soient accueillis en héros par des milliers de personnes dans le mythique chenal vendéen.