Quand nous prenons contact avec Sara Gjergji pour la rencontrer, son emploi du temps nous donne tout de suite un aperçu de son rythme de vie intense. Entre les séances à la salle de sport, les entraînements et les matchs à arbitrer, nous comprenons vite que le foot fait partie intégrante de sa vie. Après quelques échanges, nous parvenons finalement à fixer une date.
A 20 ans, Sara Gjergji est la première femme arbitre de football amateur à Genève, un rôle qu'elle endosse depuis deux ans et demi. Elle a commencé à fouler les terrains grâce à son père, qui était aussi arbitre.
A votre avis, pourquoi la ville de Genève a-t-elle mis plus de temps à introduire des arbitres féminines que d'autres cantons?
Sara Gjergji: A Genève, nous avons vraiment du retard en matière de football et de qualité de jeu.
En plus de cela, le football féminin n’est pas encore énormément développé, même si ça commence gentiment à venir.
Qu'est-ce qu'il manque au canton de Genève?
Il faudrait peut-être davantage d'informations sur l'arbitrage, en particulier pour montrer que les filles ont leur place en tant qu'arbitres. J'ai l'impression que beaucoup d'entre elles n'osent pas se lancer simplement en raison du manque de communication à ce sujet.
Pourquoi les femmes sont-elles réticentes à rejoindre l'arbitrage?
A part le jugement des autres, je ne vois pas d'autres raisons qui expliquent leur réticence. Pour certaines, cela peut être vraiment intimidant. Il faut une grande force de caractère pour s'en sortir dans ce milieu. Pour vous donner une idée:
Ce sont des défis que les hommes ne perçoivent pas forcément.
Comment encourager les femmes à se lancer dans l'arbitrage, qui reste un milieu plutôt masculin?
Il faudrait davantage de femmes en haut de la chaîne. Par exemple:
En deux ans et demi d'arbitrage, y a-t-il un sujet qui revient souvent en tant que femme arbitre?
Oui, le fait que je me maquille. On m'a déjà demandé: «Mais pourquoi tu te maquilles?». Je suis une femme avant tout, et si j’ai envie de me maquiller, je le fais. Ça m’aide à me sentir plus confiante.
Vous avez des anecdotes à partager?
Bien sûr! Une fois, lors d'un match de juniors, il y a eu une situation de hors-jeu, selon les supporters, mais pour moi, ce n'était pas le cas. Après ça, ils ont commencé à dire:
En général, ce ne sont pas les joueurs ou les coachs qui font des commentaires, mais plutôt les supporters, parce qu’ils savent qu’ils ne risquent aucune sanction.
Et comment avez-vous réagi?
Ça m'a vraiment blessée, car on remettait en question ma légitimité. Je m'attends à être critiquée sur mon physique ou ma vitesse, parce qu'il y a des différences physiologiques entre les hommes et les femmes. Cependant, cette fois, j'ai été attaquée sur le plan psychologique, c'est totalement débile.
Actuellement, vous êtes rémunérée?
Oui, je suis payée plus de 100 francs suisses par match, et les tarifs ont été augmentés. Beaucoup de personnes s'offusquent que nous soyons rémunérés autant. Personnellement, je pense que c'est justifié, surtout quand on prend en compte la charge mentale et les déplacements.
Quel conseil donneriez-vous à une femme qui souhaite se lancer dans l’arbitrage?
Il ne faut pas avoir peur, surtout aujourd’hui que le football féminin est de plus en plus encouragé et qu'il y a des initiatives pour inclure les femmes dans ce domaine. C’est le bon moment pour se lancer, il faut oser!