Ses amis argentins sont partis ou poussés vers la sortie. Certains étaient là pour lui, pour l'entourer de leur affection. Pour partager un maté et des nouvelles du bled. Des facteurs d'intégration, en quelque sorte, pour aider à comprendre (car le facteur résonne toujours deux fois).
Il y a un an, personne n'aurait osé toucher le «poto» de Lionel Messi, celui qui figure sur toutes ses photos de vacances, ses dîners en ville, ses séances de home-trainer: Leandro Paredes. Mais aujourd'hui à Paris, on s'en fiche pas mal des vieux amis. Le premier qui met le prix peut emballer Paredes. On n'a plus peur de vexer Messi.
Aux dernières nouvelles de mercredi, le PSG souhaiterait tout de même prolonger le contrat de la «Pulga» car, comme dit le président, «c'est une opération commerciale hyper rentable». Et peut-être que Messi a encore un peu de talent dans le cabas, qui sait? En gros, on pourrait comparer cette situation à un théâtre qui ferait venir George Clooney en espérant vendre beaucoup de café. Et il joue encore pas mal, pas vrai?
Pour rappel: Messi est arrivé à Paris il y a un an; seulement un an... Messi est arrivé à Paris avec femme et bagages, sans avoir eu le temps de sécher les larmes de sa conf' d'adieu au Barça.
Pour le monde entier, c'était l'événement de l'été. Un halo de lumière dans une météo «pourave». Un coup de tonnerre d'une ampleur jamais vue sur le marché des transferts. Soudain, la Tour Eiffel n'était plus le principal monument de Paris. Vous pouvez imaginer sans peine que cet été-là, Leandro Paredes a picolé gratuit dans tous les bars de la ville, qu'il a pu garer sa Ferrari 458 Pista (👇) sur n'importe quelle piste cyclable et qu'au moindre flash sur le périph', le gendarme était mis en prison.
Il faut revoir la scène, devenue mythique, quasi christique, de l'arrivée de Messi à Paris. Un avion descendu du Ciel, comme une apparition divine. Un petit homme barbu qui s'avance lentement, les bras en croix, en Sauveur de l'humanité francilienne. Des milliers de fidèles prosternés qui, orientés plein Sud, direction l'arrivée des bagages, psalmodient: «Meeeeeessi, Meeeeessi, Meeeeessi».
On n'avait pas vu une telle ferveur depuis l'arrivée de Maradona à Naples en 1984, Naples où des maillots du «Diez» continuent de pendre dans la cour des maisons et aux cous des polissons. Mais à Paris, «fini Messi, y en a plus que pour Kiki», résume un internaute sur le forum de Onze Mondial. Il parait même que le nouvel entraîneur Christophe Galtier a déjà réattribué la charge des penalties à Mbappé, au pire un partage chrétien.
Après un an, et seulement un an, les fans du PSG se soucient de Messi comme de leur premier selfie avec Paredes. C'est la différence fondamentale avec Naples où un fidèle supporter n'a pas la foi en août et la rage en avril. Un vrai fidèle sait reconnaître les siens: pour lui, un enfant prodige ne peut pas devenir un vieil empoté en un an. Et on ne parle pas comme ça à des apôtres, même si Paredes a réalisé une saison moyenne.
Il y a un an, c'était tout ça. Nasser al-Khelaïfi posait à côté de son nouveau Titi en l'entourant de son affection (des deux bras, même) et vous pouvez imaginer sans peine que son visage n'avait pas exprimé davantage de bonheur et de fierté à la naissance de ses quatre enfants. Est-ce qu'à un an, les enfants de Nasser marchaient comme Messi et encouraient quelques coups de pieds aux fesses (jusqu'à l'intervention vengeresse de Paredes)?
Il y a un an, c'était l'émeute dans la cour du Parc des Princes, des hordes qui se piétinaient pour voir Messi et mourir.
Même les gens d'Eglise étaient jaloux. Ils accusaient Messi de plagiat car on parle rarement de Lui sans citer la parole d’évangile: ses buts sont des délivrances, ses passes des offrandes, ses actions des miracles. Lorsqu'il écrase la Bolivie 4-0, on dit qu’il marche sur l’eau. Usurpation d’identité?
Face à l'espoir qui s’était emparé de Paris, le pasteur Benjamin Corbaz, sur watson, éprouvait «un double sentiment qui mêle l’admiration pour le joueur, et l’impression d’un imbroglio religieux entre le trio Père-Fils-Saint Esprit, et la sainte trinité Messi-Mbappé-Neymar».
Un an après, les mêmes fidèles le huent à chaque fois qu'il touche le ballon - et Barcelone pleure à distance la profanation d'une idole brûlée. Ce ne sont pas seulement des reproches. Ce ne sont pas les sifflets qui, en général, escortent un joueur vers la sortie après un match raté. Ce sont des humiliations. Ce sont des instincts grégaires, des mouvements sans couilles ni tête. Ces sifflets sonnent aux oreilles du monde civilisé comme des piaillements d'enfants gâtés qui, dans la cour de récré, se font le petit doué auquel la vie a trop donné. C'est la curée des médiocres.
Puisqu'il l'a expliqué d'une voix timide et faible, personne ne l'a entendu; ou n'a voulu l'entendre. Mais Lionel Messi a mis six mois à trouver ses repères, d'une ville où il s'est noyé dans le trafic à des allers-retour incessants en Amérique du Sud pour qualifier l'Argentine. Puis il a subi les effets d'un Covid long et, à peine sur pied, d'une élimination en Ligue des champions. A partir de là, Parades pouvait réserver ses tables sous un faux nom.
Messi n'a pu enchaîner qu'un total de dix matchs consécutifs. Il n'a inscrit que six buts, a touché dix fois les montants et a délivré treize passes décisives. Ce n'est ni odieux, ni divin. Rien n'empêche de penser qu'avec un an de plus, un été reposant, un contexte apaisant, déjà quelques vieilles habitudes et encore de vieux amis, Messi ne redeviendra pas Messi. Pourquoi pas? Qui s'y connaît vraiment en résurrection? Mais pour cela, il faut l'amour et la foi. Peut-être même Paredes.
Les prolos et les bobos diront qu'à 41 millions d'euros nets par an, le gaillard n'est quand même pas à plaindre, que le PSG n'est pas obligé, «en plus», de lui payer un chien de garde. Ils ont raison. Et ils n'ont toujours pas compris.