On a eu très envie, la semaine dernière, de vous raconter le destin tourmenté de Dominik Peter. Or en cherchant de quoi illustrer notre article, on s'est aperçu que le tout frais retraité du saut à ski avait pris l'habitude de planer la bouche ouverte.
L'attitude du Saint-Gallois peut paraître étrange, mais on a trouvé d'autres sauteurs qui, eux aussi, semblent gober les mouches en compétition. Parmi eux: l'Obwaldien Gregor Deschwanden.
Garder la bouche ouverte ne doit pourtant pas être très agréable, compte tenu de la vitesse des sauteurs (ils traversent les airs à près de 100 km/h) ainsi que du froid. Pourquoi dès lors se l'imposent-ils? Un internaute s'était fait la même réflexion il y a quelques années. Il avait posé la question sur le site web communautaire Reddit, mais n'avait obtenu que des réponses farfelues. Du style: «Parce qu'il est difficile de crier de terreur la bouche fermée». Ou encore: «L'air passe par leur bouche et sort par leur derrière, ce qui leur donne un surcroît de puissance.» Mouais.
Pour obtenir une réponse crédible et un peu mieux documentée, on a lancé un coup de fil à Arnaud Bousset, l'un des coachs de Swiss-Ski, entraîneur pour les clubs de la vallée de Joux et des Diablerets. Il nous explique que le fait de garder la bouche ouverte est une sorte de «rituel» adopté par certains sauteurs afin «de relâcher, de décontracter les muscles du visage».
«Quand l'athlète se déplie pour se mettre en position de vol, c'est à dire au moment de l'impulsion, il doit être très attentif à sa ligne du haut du corps, poursuit notre spécialiste. Car en poussant fort, il aura tendance à activer les muscles du tronc, des bras, du cou, pour accompagner ce mouvement. Or il s'agit de minimiser les imperfections pour que le "moteur" soit dans les jambes.»
Le corps du sauteur est un savant mélange de force et de relâchement. «Il faut un équilibre parfait de la tête au pied», insiste Arnaud Bousset, qui considère ces bouches grandes ouvertes comme un moyen d'atteindre cet équilibre. «Mais c'est vraiment propre à chacun. Le Norvégien Halvor Egner Granerud, par exemple, se caresse la lèvre avec sa langue durant la prise d'élan.»