Johan Eliasch est en lice pour succéder à Thomas Bach à la tête du Comité international olympique (CIO). Le désormais ex-PDG de l'équipementier sportif Head est opposé au Prince Feisal Al Hussein, Lord Sebastian Coe, Kirsty Coventry, David Lappartient, Juan Antonio Samaranch et Morinari Watanabe, depuis sa candidature surprise et de dernière minute des aveux de différents observateurs et membres du CIO. L'élection se tiendra lors de la 143e Session du mouvement en mars 2025.
Désormais en campagne, le président de la FIS a adressé une lettre aux membres du Comité international olympique. Il y expose sa vision pour l'avenir de l'instance et vante ses qualités. «Bien que je ne sois pas un vétéran du CIO, je suis un leader averti, un industriel, un financier, un entrepreneur, un dirigeant du sport, un activiste pour le climat et un responsable politique expérimenté, disposant de toutes les compétences nécessaires pour diriger cette belle institution», a-t-il rédigé dans celle-ci.
Johan Eliasch présentera son programme détaillé aux membres du CIO lors d'une réunion à Lausanne début 2025. Or il décrit déjà cette élection comme capitale pour le comité, compte tenu de la situation géopolitique, du changement climatique, des évolutions technologiques et du bouleversement des habitudes de consommation, le spectacle sportif se vivant chaque jour autrement.
L'homme d'affaires ajoute en ce sens que le prochain président du CIO devra disposer d'excellentes compétences commerciales et être un as de la négociation. Un art qu'il maîtrise à merveille, après une carrière de businessman réussie dans divers secteurs d'activité. «Aucun événement sportif ne mérite automatiquement un accord favorable en matière de droits TV. Pour maintenir l'engagement de notre public, nous devons continuellement faire évoluer notre offre», a-t-il consigné dans sa correspondance de trois pages, n'oubliant pas d'indiquer qu'il transforme en profondeur l'instance qu'il dirige depuis 2021.
Cela fait écho à ses précédentes campagnes, celles pour la présidence de la Fédération internationale de ski. La centralisation des droits TV de la Coupe du monde se trouvait au cœur des élections, le milliardaire suédo-britannique souhaitant que la FIS s'accapare les droits détenus de longue date par les fédérations nationales organisatrices, de manière à ce que l'instance puisse reprendre le contrôle de son sport et négocier un meilleur accord avec la société de marketing sportif Infront.
Il y a eu un long feuilleton à ce sujet depuis la nomination de Johan Eliasch en 2021 et sa réélection contestée un an plus tard dans la cacophonie générale. Face à ce projet, les nations les plus puissantes – dont la Suisse – ont prévenu récemment qu'elles planchaient sur une coalition et réfléchissaient à un circuit concurrent. Or malgré la menace, le Conseil de la Fédération internationale de ski a voté en mai en faveur de la centralisation des droits médiatiques.
L'affaire est néanmoins loin d'être terminée. La fédération allemande de ski (DSV) a saisi la justice et remporté en octobre son procès en première instance face à l'organisation établie à Oberhofen am Thunersee (BE). Le Tribunal de Munich estime que la FIS a violé les règles européennes de la concurrence. Il précise qu'elle exploite «sa position dominante au détriment de la Fédération allemande de ski».
La FIS a reconnu la décision du Tribunal de Munich, mais a immédiatement annoncé son intention de faire appel. Dans un communiqué agressif, elle a dénoncé une décision «erronée», soulignant qu'elle se référait uniquement au cas allemand. «Les autres associations ne sont pas concernées et ne peuvent pas l'être, car le Tribunal régional de Munich ne possède aucun pouvoir hors de son territoire. La centralisation de tous les droits n'est pas affectée par cet arrêt», a-t-elle écrit.
Cette réponse illustre l'ampleur du fossé entre la FIS et ses fédérations affiliées, mais aussi la façon dont Johan Eliasch dirige l'instance. Avec poigne et fermeté. La centralisation est une excellente nouvelle pour le ski et les associations en sont conscientes. Or elles contestent la manière dont le projet est mis en place et réclament une plus grande implication dans les discussions concernant la gestion des droits.
Depuis qu'il exerce sa fonction, le président de la Fédération internationale de ski ne parvient donc pas à unifier les différents acteurs du Cirque blanc. Pire, il fracture et se trouve être un leader controversé. Régulièrement critiqué par une partie de la famille du ski pour son manque de communication et de transparence, il l'est aussi pour sa gestion du calendrier sportif et son implication jugée trop importante. Son projet de FIS Games bat également de l'aile et n'avance pas.
Candidat à la succession de Thomas Bach, Johan Eliasch est crédité à ce jour de la cote la plus élevée, et ce alors qu'aucun nom ne se détache parmi les six autres prétendants. Car en plus des divisions dont il est à l'origine, le businessman suédo-britannique n'est membre du CIO que depuis le 24 juillet 2024. Il n'a pas encore tissé sa toile au sein de l'organisation.
Cela joue en sa défaveur. Son élection serait donc une immense surprise et elle en dirait long sur la trajectoire empruntée par le CIO. Un homme d'affaires redoutable et déterminé succéderait à un habile diplomate, qui plus est médaillé d'or aux Jeux olympiques de 1976.
L'instance basée à Lausanne a néanmoins des raisons d'apprécier le profil de Johan Eliasch. Le dirigeant tout feu tout flamme est capable de développer encore davantage les finances de l'institution. Mais il peut aussi mettre à feu et à sang la flamme olympique. Or le jeu n'en vaut peut-être pas la chandelle, surtout que les comptes du CIO sont dans le vert, et pas qu'un peu.
Le Comité international olympique n'a donc pas à jeter son dévolu sur un homme dont l'une des spécialités consiste à «redresser des entreprises», comme Eliasch le martelait si bien lors de sa campagne face à Urs Lehmann, Sarah Lewis et Mats Arjes, pour la présidence de la Fédération internationale de ski en 2021. En conséquence, la FIS ne devrait pas avoir à se trouver un nouveau président dans quelques mois. Au grand dam de certaines associations.