Le 16e Congrès ordinaire de l'Union internationale de biathlon s'est tenu ce week-end à Belgrade en Serbie. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les dirigeants du biathlon mondial ont eu du pain sur la planche. Ils ont adopté de nouvelles règles et ont ajusté le barème de points, augmenté les primes de course, réduit à 23 ans le critère d'éligibilité au dossard bleu de meilleur jeune ou encore introduit une équipe de réfugiés.
La question de la réintégration des athlètes russes et biélorusses n'a en revanche pas été soulevée. Ce n'était pas à l'ordre du jour, et «la décision du précédent Congrès, organisé en 2022, reste en vigueur. Cela signifie que les athlètes russes ne participeront à aucune course cet hiver sous l'égide de l'Union internationale de biathlon», a détaillé l'instance basée en Autriche auprès de l'Agence de presse russe TASS. «Il n'y a aucune disposition dans le règlement pour le statut d'athlète neutre», a-t-elle également rappelé.
C'est un message fort envoyé par l'IBU. D'abord parce que le biathlon est un sport national en Russie et que l'instance se prive de sérieux revenus en désertant ce marché. Ensuite parce que d'autres fédérations internationales – plus huppées – ont récemment acté le retour des athlètes russes et biélorusses sous bannière neutre, conformément aux recommandations du Comité international olympique (CIO). C'est le cas de World Aquatics et de la Fédération internationale de gymnastique (FIG). Les mots de Thomas Bach, président du CIO, lors du Congrès ordinaire de l'Union internationale de biathlon, n'ont donc rien changé.
Cette situation intacte énerve passablement Elena Vyalbe, présidente de la Fédération russe de ski de fond, autre sport national que les Russes ne pratiquent plus sur la scène internationale depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022. Interrogée par la télévision d'Etat, Vyalbe a eu des propos chocs lorsqu'il lui a été demandé ce qu'il fallait pour que la Russie soit réintégrée dans les compétitions internationales.
Un message d'intimidation, suivi d'un discours de victimisation. «La lutte entre la Russie et le reste du monde dure depuis des siècles. Ils ne nous ont jamais aimés, même lorsqu'ils nous laissaient concourir. Ils nous attendent avec le couteau entre les dents. J'aime quand le pays est fort. Notre force irrite le reste du monde», a ajouté la dirigeante.
Elena Vyalbe n'en est pas à sa première sortie polémique. Fidèle de Vladimir Poutine, elle a pris position après l'invasion des Russes en Ukraine et a comparé les dirigeants ennemis aux nazis. Elle était alors membre du Conseil de la Fédération internationale de ski (FIS) et candidate à sa réélection.
Ce choix de l'IBU – à l'encontre des recommandations du CIO sur la question des athlètes neutres – semble être celui vers lequel la FIS se dirige pour la saison à venir. «Il n'y a eu aucune discussion. Nous avons simplement été informés que la suspension de la Russie et de la Biélorussie a été prolongée et que leurs équipes ne participeront pas aux épreuves de la FIS cette saison», a fait savoir au journal Expressen Lars Öberg, patron du ski de fond suédois, au lendemain des réunions d'automne à Zurich. Contactée par watson, la Fédération internationale de ski confirme que «la politique actuelle, qui n'autorise pas la participation des athlètes et des officiels russes et biélorusses aux compétitions de la FIS, reste inchangée pour le moment». Un entérinement officiel est néanmoins attendu lors du Conseil automnal de l'instance, à Sölden fin octobre.
Le fait que les biathlètes et fondeurs russes ne soient pas autorisés à concourir cet hiver ne surprend pas en Russie. «Pourquoi auraient-ils besoin d'Alexander Bolshunov, qui leur enlèvera toutes leurs médailles?», a déclaré Svetlana Zhurova, ancienne patineuse de vitesse et membre de la Douma d'Etat russe, auprès du site EurAsia Daily, fidèle à Poutine.
Le double champion olympique de biathlon, Dmitri Vasiliev, se demande pour sa part si la Fédération russe de biathlon (RBU) a suffisamment travaillé pour permettre le retour de ses athlètes: «Nous pouvons conclure que la RBU n'a pas été assez active et efficace. Il n'y a aucune raison d'espérer que l'IBU prenne une telle décision d'elle-même. Il y a là un rassemblement de russophobes», a-t-il exprimé.
Vasiliev a enfin souligné que le ski de fond allait finir par disparaitre, sans la présence des athlètes russes. «Nous voyons que la FIS n'aime pas beaucoup les athlètes russes. Elle ne veut pas nous voir en compétition à cause de notre nationalité. Certains, comme l'Union internationale de patinage, comprennent que sans nous, le sport va décliner», a-t-il assuré, selon des propos rapportés par le média Inside the games. L'Union internationale de patinage (ISU) réfléchit à une réhabilitation. Son conseil s'est réuni les 27 et 28 septembre à Lausanne et a inscrit à l'ordre du jour la question de l'interdiction des athlètes russes. Or selon les médias locaux, l'ISU a finalement choisi de reporter sa décision – ce que signifie que les patineurs russes ne devraient pas être en mesure de concourir cet hiver sous bannière neutre.
A l'heure où les athlètes vont chercher à valider leur qualification pour les Jeux olympiques de Milan-Cortina, la présence des athlètes russes en Italie semble de plus en plus compromise. Pour rappel, sur les rares 32 sportifs neutres présents à Paris, 17 représentaient auparavant le Bélarus et 15 la Russie. Ils ont été qualifiés de «traîtres» par certains hommes politiques et des personnalités du monde des médias. Même s'ils venaient à être autorisés à concourir dans les sports d'hiver, sous bannière neutre, les athlètes russes et biélorusses resteraient à n'en pas douter peu à porter un dossard.