Le genou au Lauberhorn. Une sensation de déjà-vu pour le Bernois Marco Kohler. Quand il a chuté en janvier dernier lors de la première descente de Wengen, pris en réception à près de 140 km/h dans le Haneggschuss, son pote de longue date Marco Odermatt a souffert dans la raquette d'arrivée avec lui.
Marco Kohler savait tout de suite ce qui l'attendait: évacuation en hélicoptère, hospitalisation puis attente du diagnostic tant redouté. «Il y avait une étrange familiarité avec cette situation», détaille le skieur de 26 ans. Et pour cause, il a chuté quatre ans auparavant dans le «S» d'arrivée de cette même descente, lors d'un entraînement en marge des épreuves de Wengen.
Le Suisse avait eu droit en 2020 à la totale. En plus de s'être déchiré les ligaments croisés et le ménisque du genou gauche, des blessures courantes sur le circuit de la Coupe du monde, il avait endommagé son tendon rotulien. Cela a rendu la rééducation plus longue et exigeante. Son entraîneur de l'époque, Franz Heinzer, s'en souvient parfaitement:
Marco Kohler a plusieurs points communs avec le Nidwaldien. Les deux hommes se sont rencontrés en sport-études à Engelberg et portent le même prénom. Ils ont longtemps fait jeu égal dans les catégories de jeunes. Le skieur de Meiringen reste néanmoins modeste à ce sujet. «Ce n'était ni hier, ni avant-hier», aime-t-il rappeler.
Lors d'une interview en 2015 pour un journal local, un journaliste à demander à Marco Kohler s'il pensait être celui qui domine sa catégorie d'âge. Le Bernois, alors champion de Suisse dans deux disciplines, au même titre que Marco Odermatt, a répondu: «Dominateur est peut-être un peu fort. La concurrence est forte. Il y a par exemple Marco Odermatt».
Après sa blessure au genou gauche en 2020, Kohler a reçu le soutien de son ami le plus proche sur le circuit: Marco Odermatt. «J'ai vraiment souffert avec les chutes qu'il a eues. C'est un bon ami depuis de nombreuses années et je les ai vécues de près. Je voulais l'aider autant que possible et lui faire profiter de mon expérience, avec le matériel ou encore avec mon savoir-faire sur le chemin du retour», explique celui qui domine outrageusement le ski mondial.
A l'époque, Franz Heinzer, le coach de Marco Kohler, a lui aussi activement contribué au retour de son poulain. Il a consacré du temps et des entraînements individuels. Il s'est rendu avec lui en été sur le glacier du Titlis et l'a accompagné en hiver chez lui sur le domaine de Meiringen-Hasliberg. «C'est incroyable de voir ce qu'il a réussi à faire. Il a prouvé qu'il pouvait rivaliser avec les meilleurs. Cela l'a aidé à surmonter ce nouveau revers. Il sait ce dont il est capable s'il reste en bonne santé», estime la légende du ski schwytzois.
Franz Heinzer veut dire par là que Marco Kohler a eu besoin de peu de temps pour retrouver un excellent niveau une fois sa première grave blessure derrière lui. La saison dernière, il s'est classé 8e et 10e des descentes de Val Gardena et Bormio. Il partait à chaque fois avec des dossards élevés. Puis les épreuves de Wengen sont arrivées et le genou droit a été touché.
Une situation familière donc, mais aussi différente, et pas seulement parce que sa blessure a impliqué l'autre membre. «Grâce à mon expérience, j'ai pu mieux gérer ça. Déjà à l'hôpital, je pensais à mon retour», détaille le Bernois qui, il l'avoue, s'est réjoui de voir Marco Odermatt lui rendre visite à Meiringen malgré un emploi du temps chargé. «On a toujours du temps pour les amis», tempère le vainqueur de la Coupe du monde.
Savoir jusqu'où son potentiel peut le mener motive le skieur bernois. «Je ne savais pas tout ça il y a quatre ans», explique Kohler, dont la rééducation s'est déroulée à un rythme soutenu. Il est remonté sur les lattes le 9 juillet et a participé pleinement au camp d'entraînement en Amérique du Sud.
Kohler peut également remercier son préparateur physique: Roland Fuchs, qui a fait des lutteurs des champions et qui, pour la deuxième fois, s'est montré très efficace à ses côtés.
Le parcours du Suisse impressionne les suiveurs ainsi que Marco Odermatt. «C'est un modèle pour moi. On ne voit généralement que les succès évidents quand on tire le bilan d'une carrière. Mais on ne peut qu'apprécier et admirer les performances de ceux qui ont été marqués par les blessures. C'est beau de voir à quelle vitesse il revient», s'enthousiasme le double champion du monde.
Malgré son retour fulgurant, Marco Kohler a pris du temps pour lui. Il a posté cet été une photo dans les alpages près du Haneggschuss. «Maintenant, je suis en paix avec le Lauberhorn», a-t-il commenté à cette occasion. C'était une journée remplie d'émotion pour lui. Car il y a eu aussi des instants difficiles auparavant. «C'était surtout durant les six premières semaines, lorsque j'utilisais les béquilles», détaille le Bernois.
Lorsqu'il imaginait cette nouvelle saison il y a encore quelques mois, Marco Kohler pensait qu'il ne la débuterait pas sur les skis. Il peut désormais se réjouir: la condition physique est déjà au rendez-vous. «Même les données de force sont à nouveau très bonnes», se satisfait le skieur.
Marco Kohler est convaincu que les années difficiles lui sont bénéfiques. «C'est une école de vie que peu de gens ont vécue. Ces expériences m'aident. Tout ne se déroule pas toujours comme prévu dans la vie. Il faut parfois savoir prendre des détours», conclut avec optimisme le Bernois.
Adaptation en français: Romuald Cachod.