Très populaires chez les Anglo-saxons, les studios de Pilates Reformer se multiplient à vue d’œil dans notre petit pays, attirant de plus en plus d’adeptes, bien souvent féminin. Sur les réseaux sociaux, les vidéos de séances sur ces machines semblant servir d'instrument de torture font des milliers de vues. Pourtant, au-delà de l'engouement chez les fans de fitness et de Pilates, le reformer reste une activité relativement méconnue dans nos contrées.
C'est pourtant un effet de mode qui semble parti pour durer, puisque de plus en plus de salons dédiés uniquement à cette activité fleurissent en Romandie. Laura Kosinski, qui a ouvert à Genève le premier salon dédié au Pilates Reformer en 2020, a vu six autres salons éclore dans la cité de Calvin en cinq ans.
Lorsque j'ai poussé les portes d'un club de Pilates Reformer lausannois pour la première fois, mon impression immédiate fut de l'intimidation. Il faut dire que la dizaine d'engins présents sont impressionnants et qu'ils ne sont pas sans rappeler les machines de torture médiévales qui servaient à l'écartèlement.
Le Pilates, et sa déclinaison mécanique qu'est le Reformer n'ont rien de nouveau, au contraire. En Europe, il a simplement été l'apanage des physiothérapeutes et des salons de Pilates disposant d'un exemplaire durant des décennies, principalement utilisé en rééducation. Aux États-Unis, où il est très démocratisé, le Reformer est un outil d'entrainement précieux pour les danseurs, puisqu'il travaille la souplesse et les muscles profonds.
Le Pilates est inventé à la fin du XIXe siècle par Joseph Pilates. Cet allemand installé en Angleterre et passionné d’anatomie imagine plusieurs mouvements afin de tonifier les muscles profonds, travailler la posture, et surtout la mobilité. Une méthode sans impact à laquelle il va donner son nom. Pour guider ces gestes et faciliter leur réalisation, il conçoit une machine durant la Première Guerre mondiale: le Reformer.
En effet, quand la Grande-Bretagne rejoint la Grande Guerre, il est fait prisonnier en tant qu’«étranger ennemi» dans un camp d'internement situé sur l'île de Man, comme tous les citoyens allemands résidant au Royaume-Uni. C'est durant cette incarcération qu'il va utiliser des lits appartenant à des patients et adapter les sommiers avec des ressorts, des chaises et autres sangles pour perfectionner son appareil à des fins de rééducation.
Si l'appareil a bien évidemment évolué, se voyant également décliner sous des formes un peu différentes, le principe du Reformer ne diffère pas tant de son origine centenaire.
Mon rapport au sport est assez simple: je n’aime pas ça. Je manque d’endurance, je déteste souffrir, et je pratique du sport en salle uniquement dans un but hygiénique, et non par plaisir. J’essaie néanmoins d’intégrer différentes activités à ma semaine: du yoga pour la souplesse, du kickboxing pour la force et du vélo pour l’endurance.
Dès les premières minutes de ma séance inaugurale, après m’être attaché à des sangles et couché sur un banc monté sur ressorts, je réalise qu’il y a un côté ludique et assez satisfaisant à glisser sans effort. Surtout, je parviens à exécuter les exercices sans trop de difficulté, ce qui est plutôt rare pour moi, étant donné ma coordination parfois défaillante et mon incapacité à soulever mon propre poids.
Pour une activité méconnue qui utilise des machines semblant tout droit sorties d’un donjon BDSM, je me sens étonnamment à l’aise pour un débutant, guidé par les conseils avisés de Natalia, une prof douce, motivante et extrêmement pédagogue.
Cependant, les cours de Pilates Reformer comptent parmi les cours collectifs les plus coûteux, avec des séances allant de 30 à 60 francs. Des tarifs qui s’expliquent en partie par le coût des machines et leur taille encombrante qui oblige à faire les cours inévitablement en petit comité, sans parler de la relative rareté des coachs formés dans cette méthode.
L'autre chose qui m'avait choqué en mettant un pied dans un studio de Pilates, c'est lorsque j’ai constaté que cette pratique attire majoritairement un public féminin. Par exemple, dans les quatre salons que gère Laura Kosinski, trois à Genève et un à Lausanne, sa clientèle masculine se monte à 10%. Dans cette tranche, on trouve des hommes très souvent victimes de mal de dos qui viennent sur les conseils de leurs physiothérapeutes, ou des expatriés d'origine anglo-saxonne.
Cette tendance, similaire à celle observée dans le yoga, peut s’expliquer par des barrières qui freinent les hommes. Parmi celles-ci, des stéréotypes bien ancrés, comme des postures jugées peu viriles, le manque de souplesse, ou encore l’idée reçue que le Pilates n’est pas adapté à un entraînement axé sur le gain de masse musculaire.
De plus, cette ambiance axée sur le bien-être est bien loin de l'imagerie guerrière du cross-fit et de la musculation, où la testostérone dégouline des murs, et où les corps boursouflés contrastent avec les silhouettes longilignes et gracieuses qu'évoque le Pilates. Pourtant, cette méthode ne se limite pas qu'à l’étirement, puisque c'est un outil précieux pour la tonification des muscles et la posture, des aspects qui séduisent de plus en plus d’athlètes masculins comme les footballeurs Cristiano Ronaldo et Mohamed Salah ou encore le basketteur LeBron James.
Sur Instagram, des comptes comme @mendopilates mettent d’ailleurs en avant des sportifs en pleine séance de Reformer, montrant que les mentalités commencent à évoluer. Il semblerait que les bienfaits physiques de cette pratique contribuent à briser les clichés, encourageant davantage d’hommes à s’y intéresser, et c'est tant mieux. Parce que pour ma part, j'y retournerai volontiers.