On peut imaginer la scène comme ça: la semaine dernière, après une soirée de Ligue des champions devant sa télévision, David Degen entre le lendemain dans le bureau de l'entraîneur. Ou plutôt, il se précipite vers la porte, manteau au vent, plein d'enthousiasme. Et balance:
Avant de tourner les talons et de laisser derrière lui le staff de coachs, qui lève les yeux au ciel.
Cette interaction aurait pu avoir lieu à n'importe quel autre moment et se répéter plusieurs fois. Elle correspond si bien à ce concentré d'énergie qu'est David Degen, qui a fêté ses 39 ans il y a une semaine, et qui s'est lancé dans une véritable mission en devenant l'homme fort du FC Bâle en mai 2021.
Ça fait presque un an que les projets de vente de l'ex-propriétaire du club Bernhard Burgener à un fonds d'investissement anglais ont été révélés publiquement. De quoi indigner toute une région, où les fans du FC Bâle manifestaient avec virulence. Pendant ce temps, leur club donnait une image chaotique, avec une bataille entre Burgener et l'actionnaire minoritaire Degen. Pour rajouter encore du piment dans ce contexte explosif, l'équipe – avec son coach Ciriaco Sforza – s'enfonçait de plus en plus dans une crise sportive et se rapprochait dangereusement du fond du classement.
Degen, avec son engagement, son «all-in» dans ce poker des millions pour reprendre les actions de Burgener, est soudainement apparu aux uns comme l'ange sauveur, aux autres comme un moindre mal. Le reste ressentait pour l'ancien joueur du club rhénan une «sympathie de circonstance», comme le révélait la NZZ.
A l'époque, le football bâlois en avait ras-le-bol de Burgener et de son CEO Roland Heri. Aujourd'hui, sur les bords du Rhin, on se plaint à nouveau de la gestion du club, de sa direction et de son style de management. Dani Büchi, devenu directeur général grâce à son poste de délégué du conseil d'administration de la holding du FC Bâle, remue tout en interne. Et David Degen a fait venir ou partir 41 joueurs en huit mois.
Personne ne semble pouvoir freiner David Degen. Et enlever le pied de l'accélérateur ne fait pas non plus partie de son style de conduite. «Parfois, David Degen veut tout faire en même temps», expliquait le capitaine Valentin Stocker en début d'année. Et Stocker sait de quoi il parle: il a joué aux côtés de Degen, quand le FCB a remporté le titre national en 2013 et 2014.
Des fois, on a l'impression que Degen dirige le FC Bâle comme s'il jouait à la Playstation, avec un marché des transferts virtuel. Les joueurs arrivent et partent. Et c'est la même chose avec les entraîneurs, assistants, coachs de juniors ou recruteurs de jeunes talents. A un rythme tel que le public bâlois a du mal à suivre. Et ceux qui ne sont pas de la région regardent ce remue-ménage mi-amusés, mi-consternés.
En fait, Degen aimerait bien appuyer sur le «bouton Red Bull». Et imiter les équipes appartenant à la fameuse entreprise de boisson énergisante qui, dans leurs meilleurs jours, écrasent leurs adversaires. Oui, c'est ce que le Bâlois a en tête pour son club.
Le jeune président du FCB rêve de cet exemple, un véritable bulldozer alimenté par les milliards de Dietrich Mateschitz et composée d'un réseau de clubs allant de Leipzig à New York, via Salzbourg. Quant à savoir comment Degen veut ramener ce modèle Bâle, c'est une autre histoire. Une chose est sûre: il veut y voir ce qui se fait de mieux en Europe niveau football. Pas moins.
Le spectacle proposé par son équipe, avec l'entraîneur Patrick Rahmen, ne lui suffisait pas. Il l'avait avoué dans une interview une semaine avant Noël, provoquant un véritable tollé et fragilisant grandement la position du coach.
🗣️ «Es ist ein Entscheid, der schmerzt. Aber es ist der richtige Schritt.» – David Degen äussert sich zum Trainerwechsel.#FCBasel1893 #MirSinBasel #rotblaulive pic.twitter.com/DhwEoXPjR8
— FC Basel 1893 (@FCBasel1893) February 21, 2022
Ce n'était pas son intention, a-t-il affirmé plus tard. Il a reconnu avoir parfois réagi de manière trop émotionnelle et a assuré être devenu plus calme. Que nenni! David Degen n'arrive pas à changer son caractère. Il se met en retrait un jour, mais c'est pour revenir sur le devant de la scène dès le lendemain, avec encore plus d'éclat. Il prend note d'un bon conseil aujourd'hui, mais changera les plans demain.
Le boss rhénan est versatile. Une preuve? Le jour de Nouvel an, il adressait ses voeux d'usage à Patrick Rahmen en réitérant sa confiance dans son entraîneur, «convaincu à 100 % que c'est la bonne décision (réd: de l'avoir engagé)». Sept semaines plus tard, le coach est renvoyé. Avec les salutations d'usage. «Manque de perspectives», etc.
Là où l'on pourrait souhaiter, ou du moins imaginer, une main calme à la tête du club, Degen passe juste derrière à toute vitesse. Et remet tout en question. Il veut faire du FC Bâle un club plus professionnel et plus rentable. Il aime le répéter: «Je fais tout pour le FC Bâle. Je veux un maximum de succès.»
D'une certaine manière, neuf mois après le départ de Burgener, le FC Bâle se trouve de nouveau à un carrefour où il ne sait pas où aller. C'est David Degen qui indique la direction à suivre. Mais les fausses pistes ne sont pas exclues.
Adaptation en français: Yoann Graber