C'est une première: le World Snooker Tour fait étape en Arabie saoudite et réunit jusqu'à samedi les meilleurs billardistes de la planète à l'occasion du Saudi Masters. Après la Formule 1, le transfert de Cristiano Ronaldo à Al-Nassr, la venue d'autres stars du football, l'obtention de la Coupe du monde 2034, les projets tennistiques avec entre autres le Masters de la WTA, l'organisation de grands combats de boxe et la création du LIV Golf – concurrent direct du PGA Tour, l'Arabie saoudite se concentre désormais sur le snooker et ouvre un nouveau chapitre de sa récente histoire sportive.
Le régime autoritaire poursuit ce que l'on appelle du «sportswashing», entendez des investissements dans le sport pour améliorer son image et détourner l'attention des violations des droits humains. Concrètement, il s'agit pour le gouvernement saoudien d'attirer les touristes et de faire taire les critiques portant sur les droits limités des femmes et des membres de la communauté LGBTQ+, l'esclavage, la liberté d'expression ou encore la peine de mort.
Malgré les critiques et les inquiétudes, l'enthousiasme était grand dans le milieu du snooker lors de la présentation en grande pompe du tournoi, à Riyad en février dernier. «C'est une bonne chose», déclarait Ronnie O'Sullivan, légende vivante de sa discipline, en ajoutant: «Tous les autres sports semblent déjà y être». O'Sullivan a montré à quel point il tenait à cette compétition – il a porté la tenue traditionnelle des cheikhs lors d'une conférence de presse.
It’s good to be back! @mosgovsa pic.twitter.com/ojQ0GgAWqA
— Ronnie O'Sullivan (@ronnieo147) September 3, 2024
Judd Trump, numéro 2 mondial, a présenté le même enthousiasme. «C'est fantastique pour le snooker d'aller dans différents endroits. C'est génial que l'Arabie saoudite soit désormais de la partie», a-t-il déclaré dès l'annonce de la création du Saudi Masters. Ils ne l'avoueront sans doute jamais. Mais si les joueurs se sont tant réjouis, c'est certainement à cause de l'énorme prize money distribué à l'occasion de l'événement. Le vainqueur remportera samedi prochain 2,2 millions de livres sterling.
Le promoteur de la compétition, Eddie Hearn, a déjà créé un tournoi en Arabie saoudite: le Masters of Snooker – une exhibition organisée cet hiver dans le cadre du Riyadh Season. Expérimenté, il s'est montré catégorique: «L'Arabie saoudite a acquis la réputation de créer de nouvelles opportunités dans l'univers du sport. Le pays permet de se développer sur un nouveau marché, devant de nouveaux fans». La réalité est toute autre.
Le Saudi Masters se déroule majoritairement devant des tribunes vides, malgré un plateau de niveau mondial. Quand un joueur gagne une partie? Silence absolu. Même lorsque le Thaïlandais Noppon Saengkham réussit un break maximum, autant dire un chef d'œuvre, on entend une mouche volée, car il n'y a pas un seul spectateur dans l'arena.
Great atmosphere in the Saudi Arabia Snooker Masters 2024. 🫣 pic.twitter.com/XAYIrWrvww
— Rui Saldanha (@Rui__Saldanha) August 31, 2024
Des excuses sont déjà trouvées. Les billets n'auraient été mis en vente qu'à partir de lundi. Cette affluence risible montre surtout à quel point il est difficile de se développer sur un nouveau marché, devant de nouveaux fans non habitués à un sport, n'en déplaise à Eddie Hearn.